Les allumettes suédoises
de Robert Sabatier

critiqué par Jean Meurtrier, le 10 avril 2007
(Tilff - 49 ans)


La note:  étoiles
Allumettes pour amulette
La vie d’Olivier Châteauneuf va fondamentalement changer à partir de ce matin de l’entre-deux-guerres où sa mère, séduisante mercière d’un quartier populaire des coteaux de Montmartre ne se réveille pas. Ayant déjà perdu son père, Olivier se retrouve orphelin. Il est provisoirement confié à Jean, son cousin et voisin, fraîchement marié à Odile, provinciale du sud de la France. Hélas, le jeune couple s’avère trop pauvre pour s’occuper à long terme d’un garçon de dix ans. Pour la famille, la solution idéale serait de voir Olivier pris en charge par son oncle du Nord, manifestement bien nanti.
En attendant, l’enfant est livré à lui-même dans la rue Labat, dont l’activité à cette époque est comparable à une vie de village. Olivier erre le jour et parfois même la nuit, rendant visite au voisinage composé de personnalités diverses. Il y a Lucien le bègue, réparateur de poste radio à lampe, mais aussi Mac, grosse frime mais petite frappe, sans oublier Bougras, le septuagénaire anarchiste avec qui Olivier passe beaucoup de temps. On trouve également des personnages insolites comme Daniel, surnommé l’Araignée à cause de ses malformations ou Gastounet l’ancien combattant pour qui la guerre n’est pas vraiment terminée. Albertine la ménagère bien en chair et la jolie Mado, taxi-girl devenue mannequin, incarnent les antipodes féminins de cette fresque. Avec l’arrivée des grandes vacances, Olivier retrouvera ses camardes Loulou, Capdeverre et Ramélie ainsi que les gamins de la rue Bachelet, parfois adversaires, souvent amis.
Initialement interdit de jeu et dispensé d’école pour cause de deuil, Olivier est amené à aiguiser sa perception du monde face à celui des adultes auquel il est livré et dans lequel il se sent quelquefois de trop. Il lui arrive alors de se réfugier dans le débarras d’un immeuble de la rue et de penser à sa mère, au point de non retour que représente sa mort. Il trouve toutefois du réconfort en consumant quelques unes de ses allumettes suédoises.
Ce récit initiatique et probablement autobiographique (Sabatier fut aussi jeune orphelin) est un patchwork d’épisodes décrivant une vie de quartier chaleureuse et festive, paradis d’antan perdu à jamais. J’apprécie les romans d’ambiance mais il est plutôt question de nostalgie dans ce cas-ci. Néanmoins le charme opère et le plaisir est bien au rendez-vous, à défaut de véritable engouement. Le style est naturel, fluide malgré le souci du détail dont fait preuve l’auteur. Le petit côté académique de ce récit (normal pour un membre de l’académie Goncourt) m’a parfois rappelé les livres à lire en secondaire.
Ce volume est le premier des huit tomes consacrés à Olivier Châteauneuf. Robert Sabatier était sans doute déjà conscient d’entamer une longue série car je suis un peu resté sur ma faim. «Les allumettes suédoises», publié en 69, doit plutôt être considéré comme l’introduction d’une saga que clôture «Les trompettes guerrières» qui vient de sortir chez Albin Michel.
La force des souvenirs d'enfance 7 étoiles

Olivier, après son père, perd sa mère, mercière à Montmartre, et se voit confié à Jean, son cousin, et sa femme Odile, couple agréable et modeste, trop pour élever comme il se doit cet enfant de dix ans. Il s'ensuit qu'il est livré à lui-même dans la rue Labat et ses environs, où il se forge des souvenirs forts des détails de l'existence, aussi attachants que menus.
Ce roman, devenu célèbre, assure la promotion des plaisirs simples, presque infimes, à l'instar du film Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain, qui se passe dans le même quartier. L'idée générale reste plaisante, bien qu'un tantinet trop anecdotique pour avoir durablement retenu mon attention.
J'ai lu ce roman en avril 1992, aux Eyzies-de-Tayac-Siroeuil, en Dordogne, et je l'ai relu, en confinement, pour l'occasion.

Veneziano - Paris - 46 ans - 8 mai 2020


Je passe ... 6 étoiles

Olivier, un jeune orphelin parisien, est élevé par des cousins. L’histoire se déroule entre les deux guerres et nous allons voir défiler un tas de souvenirs, anecdotes, essentiellement au quartier Montmartre. Mais tout cela est par trop téléphoné. Comme si l’auteur, Robert Sabatier, voulait placer mordicus un maximum maximorum de flashes. Trop superficiel et peu de sentiments profonds donc je passe.

Catinus - Liège - 73 ans - 27 juillet 2016


Un bien beau roman à la fois doux et triste 7 étoiles

Voici un bien beau roman à la fois doux et triste, sur l’enfance et les gens, un roman d’ambiance qui se construit au travers des portraits des résidents de la rue Labat, où habite Olivier, le personnage principal du livre, et par les menues péripéties du garçonnet (à ce propos sa réputation de vaurien que lui attribue sans méchanceté sa cousine Élodie prête à sourire au vu de ses quelques bêtises sans beaucoup de conséquences). À travers sa nonchalante et mélancolique déambulation nous découvrons l’univers des adultes, mystérieux, inquiétant parfois, aux yeux d’un enfant comme Olivier.

Le roman c’est sûr n'est pas trépidant, bien moins rythmé par exemple qu'un récit comme La Maison des Autres de Bernard Clavel auquel il m’a fait un peu penser (au début seulement) de par sa thématique de l’enfance confrontée à la vie et par son contexte historique équivalent. S’il n’y a pas vraiment d’intrigues dans Les Allumettes Suédoises, ce n’est pas forcément gênant à la lecture, loin de là, une fois qu’on a compris que le parti pris de Robert Sabatier est plutôt de composer le tableau quotidien, dans une prose moelleuse et poétique, d'un quartier et d'une époque.

Robert Sabatier dépeint, avec une gourmandise évidente, les détails de la vie de cette époque de la fin de l’Entre-Deux-Guerres, détaillant par exemple les noms des marques commerciales comme autant de madeleines au charme désuet. En filigrane de cette vie de quartier plutôt aimable et sympathique transparaît cependant, par touches discrètes mais bien présentes, la dureté du quotidien, la vie chiche des petites gens, parfois à la marge de la société (l'anarchiste Bougras, ou encore l'Araignée, un infirme vivant de mendicité), et le début de la crise économique synonyme de chômage (qui atteint Jean, le cousin qui héberge le jeune garçon). Et puis bien sûr, telle une ombre, la figure de la mère disparue d’Olivier, dont le décès ouvre le roman, voile, chagrin lancinant, le regard chaleureux que le garçon porte sur le monde qui l’entoure.

Fanou03 - * - 49 ans - 22 juin 2016


La richesse du monde de la lecture. 10 étoiles

Ce livre est un des premiers livres "sérieux" que j'ai lu. J'avais lu et aimé beaucoup de club des cinq, des signes de pistes, des Bob Morane,.. mais celui-ci, recommandé par une bibliothécaire, était le premier livre "pour adulte" que je lisais.

J'ai un vague souvenir de la maison de mon enfance, de l'endroit où je lisais ce livre. Mais ce que je n'ai jamais oublié, c'est que quand je lisais ce livre, il y avait des passages où j'avais l'impression que c'était des scènes que j'avais moi-même vécues. Impression très bizarre, quand des images surgissent dans la tête, que l'histoire se mêle avec notre imagination pour créer quelque chose de mille fois mieux que le cinéma.

Je n'ai jamais relu ce livre, je l'ai acheté dans une bouquinerie plus tard. Je suis sûr que si je le relisais la magie n'opérerait plus et je risquerais trop d'être déçu. Si je donne une cote de cinq étoiles, c'est pour la révélation que fut pour moi ce livre de la richesse du monde de la lecture.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 19 septembre 2011


Là haut sur la butte. 7 étoiles

Les épisodes de la vie de Olivier se succèdent sans jamais lasser le lecteur. La vie sur la butte Montmartre de ce petit orphelin est bourrée de charme d'antan. Les métiers d'artisanat, le peuple de la butte, mais aussi la crise d'entre deux guerres. Il y a du " quai des brumes ", un peu de" la guerre des boutons " aussi dans ce livre. Les nostalgiques d'une époque révolue, d'un Paris ayant disparu y trouveront leur compte, les autres sauront se contenter d'une histoire tragique mais pas pathétique servie par la belle langue de Sabatier. Un roman populaire de qualité.

Hexagone - - 53 ans - 19 septembre 2011