L'enfant oublié du Tibet
de Gilles Van Grasdorff

critiqué par Karma Tashi Dondrup, le 23 avril 2007
( - 62 ans)


La note:  étoiles
Tibet : le plus jeune prisonnier politique du monde atteint l’âge de la majorité... en prison
Cela va faire douze ans que Gendhun Choekyi Nyima vit en résidence surveillée. Enlevé à l’âge de 6 ans par les autorités chinoises parce qu’il avait été désigné comme le successeur du 10e Panchen Lama par le Dalaï Lama, il fête ses 18 ans le 25 avril 2007 en prison. Personne n’a été autorisé à lui rendre visite, et on ignore où il se trouve.
Le 28 janvier 1989, dans son monastère de Tashilhunpo, à Shigatsé au Tibet, le 10e Panchen Lama, Lobsang Trinley Lhundrup Choekyi Gyaltsen, meurt d’une crise cardiaque, à l’âge de 50 ans. Les Tibétains disent qu’il a été empoisonné quelques jours après un discours historique critiquant la politique chinoise et affirmant sa loyauté envers le Dalaï Lama. Le 10e Panchen Lama avait notamment déclaré que « le progrès apporté au Tibet par la Chine ne saurait compenser la somme de destructions et de souffrances infligées au peuple tibétain ». Après sa disparition, le Parti communiste chinois chargea Chadrel Rimpoché, le responsable du monastère du Tashilhunpo, croyant qu’il leur était favorable, de trouver la réincarnation du Panchen Lama. Le Dalaï Lama proposa à Pékin de dépêcher une délégation de hauts dignitaires religieux pour assister Chadrel Rimpoché. Mais l’offre fut rejetée par la Chine, qui la qualifia de « superflue ». Trois enfants aux qualités remarquables furent retenus par Chadrel Rimpoché. Parmi eux, le fils de nomades tibétains reconnaît sans hésiter les biens du défunt Lama. Il aurait déclaré à ses parents : « Je suis le panchen-lama. Mon monastère est le Tashilhunpo. » Chadrel Rimpoché en informa une équipe envoyée clandestinement au Tibet par le Dalaï Lama.
Le 14 mai 95, le Dalaï Lama reconnaît officiellement Gendhun Choekyi Nyima, âgé alors de 6 ans, comme réincarnation du 10e Panchen Lama. Le 17 mai 95, celui-ci est enlevé par les autorités chinoises dans son village natal de Nagchu dans la région de Lhari au Tibet. Chadrel Rimpoché, lui, est immédiatement arrêté et emprisonné. Depuis 12 ans, Gendhun est en résidence surveillée. Il a 18 ans le 25 Avril 2007. Il a été le plus jeune prisonnier politique du monde, victime de violations à la fois de la liberté religieuse et des droits de l’enfant. Que le gouvernement chinois ait enlevé Gendhun et désigné un autre enfant pour succéder au Panchen Lama est étonnant à plus d’un titre. D’une part, le gouvernement chinois est athée, d’autre part, les Dalaï Lamas ont toujours désigné les Panchen Lamas sans que la Chine ne s’en offusque. Qui plus est le 17e Karmapa avait été reconnu par le 14e Dalaï Lama le 7 juin 1992, puis 20 jours plus tard par les autorités chinoises, qui acceptèrent ainsi le choix du Dalaï Lama.
Les autorités chinoises admirent pour la première fois avoir "pris l’enfant pour sa sécurité" en 1996, quand le cas de Gendhun fut examiné par le Comité des droits de l’Enfant de l’ONU qui demanda à rendre visite à l’enfant. Mais les autorités chinoises ne l’ont jamais invité. Le dossier n’a depuis lors pas avancé. Pourtant, pour les Tibétains et les bouddhistes de l’école tibétaine, il est le 11e Panchen Lama, l’un des plus hauts dignitaires du bouddhisme tibétain. Pékin lui a substitué un autre enfant, originaire du même village, que les Tibétains tiennent pour un usurpateur. A travers ces enfants, tous deux otages de Pékin, se joue l’avenir du Tibet.
L'enfant oublié du Tibet est un livre bouleversant et poignant qui raconte l’histoire du jeune Gendhun, 11e Panchen Lama. Ce livre raconte également l'invasion chinoise au Tibet puis la dureté de l'occupation chinoise qui se maintient plus que jamais d’une main de fer. L’histoire de Gendhun vient nous rappeler que le Bouddhisme est sévèrement contrôlé au Tibet. Gendhun fut en effet arrêté à l'âge de 6 ans par les autorités chinoises en 1995, il est aujourd'hui contraint au silence et à la réclusion. Mais quels sont les véritables enjeux politiques liés à cet enfant? Pourquoi est-il gardé au secret? Traditionnellement désigné par le Dalaï Lama, le Panchen Lama est l'une des plus hautes autorités spirituelles tibétaines. Par son statut hors du commun, bien que dans l'ombre, le Panchen Lama tient entre ses mains l'avenir de tout un peuple. Révéré par son peuple comme un Saint homme, il est aussi traditionnellement l’un de ceux qui recherchent le successeur du Dalaï Lama quand celui-ci vient à disparaître. Il l'accompagne ensuite, en tant que guide spirituel et ami fraternel. Sa disparition fait par conséquent courir un grave danger au Tibet et à la pérennité de sa culture millénaire.