Le frumieux bandagrippe
de Ed McBain

critiqué par Tistou, le 5 mai 2007
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Lewis Carroll dans le texte
Il est fou Ed Mc Bain ou quoi ? C’est quoi ce titre ? Vous achetez, vous, un « frumieux Bandagrippe » ?
Ah, si vous connaissez Lewis Carroll, peut-être ! Et notamment « Le Jabrebocq », un poème qui commence ainsi :
« Il brilguait ; slictueux, les tôves
Giraient et gimblaient sur les loignes ;
Mimeux étaient les borogroves,
Et la molmerase horgrippait.

« Mon fils, prends garde au Jabrebocq,
A ses crocs acérés, à ses griffes puissantes !
Evite aussi l’oiseau Jujube,
Et le frumieux Bandagrippe ! » »

Tamar Valparaiso, jeune américaine de 20 ans, d’origine mexicano-anglaise, a commis, au sein de sa maison de disques, un premier album au titre passablement ésotérique : « Bandagrippe », paroles de Lewis Carroll ! Le clip vidéo a été tourné tendance sulfureux puisqu’il simule une tentative de viol sur sa personne, et, Barney Loomis, PDG de la maison de disques en question, s’apprête à lancer le tout comme on le ferait d’un nouveau savon, au cours d’une soirée spéciale à bord d’un yacht. Objectif : faire passer « Bandagrippe » comme « hit » sur les radios et faire accéder Tamar Valparaiso au rang de star (les choses vont si vite de nos jours !). Une opération Marketing du genre de celles qui tueront la chanson (aparté).
Las, lors de l’interprétation par Tamar du clip, sur le yacht devant la centaine d’invités VIP, elle se fait kidnapper de manière violente par deux individus travestis respectivement en Yasser Arafat et Sadam Hussein (!).
L’affaire arrive ainsi au commissariat du 87ème District, celui de Steve Carella qui se voit chargé de l’affaire. Ca ne se présente déja pas bien mais Mc Bain en rajoute une couche en interprétant un classique des polars américains : l’inimitié entre les services de police classiques et le FBI.
L’enquête initiée par Steve Carella est en effet confiée à « une brigade d’intervention » du FBI, qui convie Carella à oeuvrer avec eux, dans un rôle du genre : « ramasse les papiers sales » !
C’est classique. L’enquête est prenante. Tout ne se termine pas forcément en « happy end ». Il y a toujours autant d’études de caractères des personnages secondaires ou récurrents, conformément aux us et coutumes de Mc Bain. On ne s’ennuie pas une seconde.
Que le titre ne vous fasse pas fuir !
De conte en conte... 8 étoiles

Ce roman plonge le lecteur parmi les "trucs" et astuces nombreuses des maisons de disque; donc à la base concernant des faits fictifs sinon purement inventés. Ce monde du faux qu'on fait gober au chalant moyen fan de hip-hop ne se contente pas d'inventer des bios mensongères pour des gens qui sont plus des employés que de véritables artisans de la musique, il va évidemment beaucoup plus loin...

Ce qui laisse Ed McBain, ce fin connaisseur du peuple de l'information (qu'on appelle aussi le 4ème pouvoir, et pas pour rien...), construire une intrigue plutôt intéressante en partant d'une chanson inspirée de vers de Lewis Carroll. Après tout, les news actuelles ne lui donnent que raison à 99% en général, tout le monde connaît les effets nocifs de cet art de masse que certains développent à partir de rien, et ce juste pour le fric - pour que les choses soient bien claires. Et non, il n'y a pas que le gangsta-rap qui peut être trompeur.

Et puis cet affaire de kidnapping d'une jeune chanteuse talentueuse ravira tous ceux qui ont eu la chance ou la malchance d'être un jour mêlé à ce type de business, puisque tous les détails sont tous entièrement authentiques. On notera également la mise en abîme à la manière d'Alice au pays des merveilles, et enfin quand le miroir se met à réfléchir !

Un bon policier pas bête qui aidera à méditer, dommage que sa fin soit quelque peu hâtive.

Antihuman - Paris - 41 ans - 1 septembre 2015