Le désert des Tartares de Dino Buzzati
( Il deserto dei Tartari)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
Moyenne des notes : (basée sur 28 avis)
Cote pondérée : (143ème position).
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Mortel sortilège
Voilà un roman où il ne se passe rien et dont le thème est le plus rébarbatif qui soit : la mort, la fuite du temps.
On songe à la chanson de Brel, à moins que le Grand Jacques l'ait composée après avoir lu « Le désert des Tartatres » : « Je m’appelle Zangra / et je suis capitaine / au fort de Bellonzio qui domine la plaine / d’où l'ennemi viendra ». Je gardais depuis longtemps ce pur chef-d'œuvre dans ma bibliothèque, sans jamais trouver le courage de le lire.
Et un jour de disette littéraire - plus rien à me mettre sous la dent, librairies fermées - je me suis résigné à prendre d’assaut la forteresse Buzzati. Et instantanément, le charme opéra. Un « charme » au sens fort, médiéval du terme ; un sortilège. La quintessence du roman. Le piège délicieux où le lecteur, victime anesthésiée, se laisse lentement emprisonner dans le cocon soyeux de l'universelle aragne.
N’y voyez pas un masochisme morbide, car ce livre n’est finalement qu’une leçon de vie. Si nous sommes tous condamnés, autant ne pas perdre notre temps à guetter l’inéluctable, cet improbable qui devient de plus en plus certain à mesure que l'âge vient. La magie n'est pas œuvre de vie, c'est l'émanation nauséabonde de la mort.
Le lieutenant Drogo est affecté à une forteresse perdue au bord du néant. Si un jour l'ennemi vient, ce ne sera assurément pas de ce désert infranchissable qui focalise toute l'attention des guetteurs. Qu'importe, il compte bien n'y rester qu'un temps et se voir confier un autre poste plus exaltant. Mais peu à peu, l'atmosphère qui règne dans ce nid d’aigle austère l’imprègne goutte à goutte, comme une humidité sournoise qui infiltre l’âme.
Certains quitteront la citadelle, fût-ce en approchant l’ennemi de trop près, démarche suicidaire où l’on meurt de froid. Mais la plupart restent, s’activant dans une attente tendue, tous sens aux aguets jusqu'à l'exacerbation. Drogo se laissera-t-il prendre au piège ? Et si l'ennemi venait ?. Et le lecteur reprend son tour de garde, rythmé par les « Qui vive ? ». Bonne question !
Ce classique a cinquante ans. Il aurait pu paraître hier. Paradoxe : cette œuvre intemporelle et immortelle nous parle précisément du temps et de la mort. A dévorer. Pour éviter d’être dévoré.
Les éditions
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Le désert des Tartares [Texte imprimé] Dino Buzzati [trad. par Michel Arnaud]
de Buzzati, Dino Arnaud, Michel (Traducteur)
Pocket / Presses pocket (Paris).
ISBN : 9782266009935 ; 1,99 € ; 01/01/1994 ; 267 p. ; Poche -
Le desert des tartares
de Buzzati, Dino
le Livre de poche
ISBN : 9782253003755 ; 01/01/1983 ; 242 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (27)
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A double tranchant
Critique de Vinmont (, Inscrit le 12 août 2014, 50 ans) - 19 septembre 2019
Dino BUZZATI parvient à écrire sur l'ennui et à en faire un vrai roman. C'est déstabilisant mais intéressant.
Une métaphore de la vie humaine
Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 53 ans) - 12 juillet 2019
Et maintenant que j’ai fini de le lire, qu’écrire sur un tel livre ? Un livre qui raconte une histoire à nulle autre pareille. Ça m’a donné une impression d’étrangeté. Il y a une certaine absurdité dans cette histoire de Drogo, qui un jour est affecté au fort Bastiani, un fort de haute montagne, planté devant une plaine désertique où rien ne se passe. Le type d’affectation militaire où le premier risque de mourir est celui d’ennui. Et Drogo y passe la plus grande partie de sa vie, et ce livre raconte l’histoire de la vie de Drogo dans ce fort. Doit-on craindre que le lecteur, lui aussi, risque de mourir d’ennui en lisant ça ?
Ce ne fut pas le cas pour ma part ! J’ai surtout éprouvé beaucoup de perplexité, d’admiration et d’intérêt à suivre le récit de la vie de Drogo et de ses camarades cantonnés dans ce fort. C’est une œuvre un peu étrange, limite surréaliste. Il y a du Kafka dedans, où la question de l’absurdité de la vie est posée. Nombre de scènes émouvantes et superbes, un sens de la description qui touche au grandiose, et de la destinée humaine, de la place de l’être dans le monde où il doit évoluer, marquent sa haute tenue littéraire et philosophique sans avoir l’air d’y toucher.
À mon sens, ce que l’auteur tente de faire, c’est illustrer l’absurdité de certaines vies qui peuvent sembler totalement inutiles, des vies où il ne se passe rien ou pas grand-chose, où rien n’est accompli, des vies remplies de vide et d’illusions, et qui pourtant existent, doivent exister puisqu’il n’en peut être autrement. On peut en trouver cent exemples autour de soi…
Donc, ça parle du sens de la vie, à quoi sert d’être vivant, quel sens lui donner, comment la rendre signifiante, si vivre doit signifier se rendre utile ou non, comment être satisfait de la vie qu’on mène…. L’Homme existe, et il doit donner un sens à cette existence. Alors le sens qu’il choisit de se donner pour pouvoir être satisfait de sa propre vie, ou au moins pouvoir la supporter, peut se révéler absurde et vide de sens justement. Tel ce Drogo qui a passé sa vie dans le fort Bastiani à attendre un événement qui devait « forcément » arriver, et qui justifiait cette attente, qui est le sens qu’il a donné à sa vie. Et quand enfin cet événement arrive, il se dérobe soudain à son attente. Et alors, toute la justification qu’il a donnée à sa vie s’effondre, révélant cette terrible réalité : que sa vie n’était en définitive que du rien, du vide, du néant. Finalement, le seul événement concret, sûr et certain de sa vie, qu’il allait pouvoir accomplir sans illusions et par là même se redonner une justification est la mort, sa propre mort.
« Le désert des Tartares » est toute une métaphore de la vie humaine, qui raconte en fait l’histoire de la vie de chacun, toujours différente de l’une à l’autre, où chacun vit sans vraiment comprendre pourquoi il doit vivre, mais puisqu’il vit, autant qu’il s’en donne les moyens, mais qui tous, tôt ou tard, devra affronter l’ultime instant de son existence, ce qui fait le tragique de la vie et aussi sa grandeur.
Le désert...
Critique de Marsup (, Inscrit le 22 octobre 2009, 48 ans) - 3 avril 2015
Intéressant les 100 premières pages, ensuite ce ne sont que redites et ennui. J'ai lutté pour aller au bout en espérant un dénouement inattendu ou une belle pirouette. Mon attente a été vaine, comme celle de Drogo.
Une nouvelle de 100 pages aurait eu une bonne note de ma part car j'ai aimé les sensations ressenties, les descriptions des paysages, l'atmosphère du fort... mais à la longue tout cela devient pesant.
L'éternelle attente
Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans) - 31 mars 2014
Quel roman, d'ailleurs ! Un roman assez unique, dans lequel il ne se passe pour ainsi dire rien de notable. Un fort militaire paumé en plein désert rocailleux, un jeune officier italien (Drogo, un nom italien) avide d'action et qui, éternellement, attendra que l'ennemi tartare déboule enfin pour attaquer, ce qui n'arrivera jamais... Drogo est piégé par la monotonie du fort Bastiani, par l'ennui, la routine, le paysage morne, il a envie de mutation, partir ailleurs, mais à chaque fois, c'est impossible.
Un film vraiment réussi sera fait de ce roman tout simplement grandiose, qui reste assez étrange après toutes ces années (il a été publié en 1940 ou 1941 à la base), assez hypnotique, on attend qu'il se passe quelque chose tout en sachant qu'il ne se passera rien. Dans un sens, et tout en abordant un sujet totalement différent, dans une époque et un pays totalement différents, et avec des personnages d'âges et de style totalement différents aussi, ce roman m'a fait penser au "Moins Que Zéro" de Bret Easton Ellis, pour sa capacité à parler, avec autant de justesse et de talent, du "rien" absolu, il ne se passe rien (tout comme dans le BEE, dans lequel les personnages vivotent en glandant, rien de notable ne se passe, ou ne semble se passer), mais quel talent dans ce "néant" !
Essentiel.
Tard, tard. Trop tard.
Critique de Lobe (Vaud, Inscrite le 28 juin 2011, 30 ans) - 23 janvier 2014
Qu'est ce que ce désert des Tartares? Une étendue monotone, et un symbole. Qui joue un jeu de dupes avec les hommes. Eux connaissent les règles, mais pensent pouvoir s'en jouer, les déjouer. Ils sont ensemble unis dans l'attente. Belle, leur connivence dans cette attente pleine d'un fol espoir. Espoir d'autant plus absurde qu'il s'ouvre sur la guerre, et qu'au bout de la guerre peut pointer la mort. Espoir d'autant plus absurde que les années rognent le corps. Qu'importe: on s'usera tous les yeux et les années dans notre désert des Tartares.
Toute une vie à attendre
Critique de Jaafar Romanista (Rabat, Inscrit le 3 février 2013, 36 ans) - 23 juillet 2013
Un livre un peu pessimiste mais c’est un vrai remède à l’inertie. Certes que ce n’est pas le meilleur Buzzati, j’ai beaucoup aimé son recueil de nouvelles « le K », mais quand même ça reste un bon livre à lire
Une difficile équation résolue
Critique de Ravenbac (Reims, Inscrit le 12 novembre 2010, 59 ans) - 30 juin 2013
La vaine espérance.
Critique de Grégoire M (Grenoble, Inscrit le 20 septembre 2009, 49 ans) - 15 octobre 2012
J'attendrai, le jour et la nuit...
Critique de Lecassin (Saint Médard en Jalles, Inscrit le 2 mars 2012, 68 ans) - 7 septembre 2012
"Le désert des tartares", premier roman de Dino Buzzati est l'histoire d'une attente. Celle de l'hypothétique attaque de l'Ennemi. L'officier Drogo est là, il veille… L'ennemi est là, lui aussi, tout près …et Drogo le sait …Même sans le voir, il le sent, il l'attend … il est prêt, il ne pourra pas lui échapper…Et Drogo se couvrira de gloire en le repoussant.
Chacun selon son vécu pourra trouver matière à interprétation, dans la filiation de Kafka, de Camus, voire de Sartre…"le désert des tartares", un roman pesant, puissant, oppressant qui traite de la solitude de l'Homme traversant le désert de sa vie, du sens (ou du non-sens) de celle-ci, de l'obsédante fuite du temps … Bref, un chef d'œuvre mondialement reconnu comme tel.
Ce sablier de Fort Bastiani !
Critique de R. Knight (, Inscrite le 18 janvier 2012, 29 ans) - 27 mai 2012
Le roman est très fort, d'une puissance à laquelle on ne s'attend pas, car il ne semble rien se passer dans ce fort isolé et relativement destitué de ses fonctions. Et pourtant, on en tire quelque chose de grand. A savoir, une vraie réflexion sur l'existence dans la lignée de celles de Sartre et Camus.
Je n'avais jamais lu de Buzzati avant de m'attaquer à ce roman, dans lequel, bizarrement, je ne me suis jamais ennuyée. Aucune action, aucune intrigue à part cette attente interminable d'un ennemi qui semble toujours prêt à débarquer, et qui ne vient pourtant jamais. Les personnages perdent totalement la notion du temps, et la très belle écriture de monsieur Buzzati nous pousse à en faire de même. Le tout est réellement prenant.
Certains passages sont tout à fait remarquables, je citerai notamment celui de la mort de l'officier Angustina qui, envahi par l'ivresse de l'attente, préfère se geler dehors plutôt que de rater l'ennemi à venir. Sa mort est une véritable sanctification très lyrique, et prodigieusement bien décrite par l'auteur. Epoustouflant et pourtant lent à souhaits !
Le désert des Tartares est en réalité un paradoxe à lui seul. On ne vit en réalité que pour rien faire mais avec le désir incommensurable qu'il arrive quelque chose.
Un autre passage que j'ai trouvé particulièrement beau : "C'était l'eau, oui, une lointaine cascade ruisselant sur le faîte des rochers environnants. Le vent qui faisait osciller le long jet d'eau, le jeu mystérieux des échos, les diverses sonorités des pierres frappées par l'eau formaient une voix humaine, qui parlait, parlait : qui disait des paroles de notre vie, des paroles que l'on était toujours sur le point de comprendre et que l'on ne saisissait jamais."
La fin du roman est une magnifique conclusion au récit. L'auteur a subtilement su décrire cet état particulier dans lequel se retrouve son personnage. Magnifique !
la routine dangereuse
Critique de Ravachol (, Inscrit le 24 octobre 2010, 41 ans) - 13 novembre 2011
Puis l'intrigue s'installe, Buzzati place son personnage principal, Drogo, dans une situation d'attente qui se transforme peu à peu en quête d'espoir. Cette situation instable apporte de la patience à Drogo, juste ce qu'il faut pour pouvoir s'installer dans une routine emprisonnante.
Le Fort Bastiani peut être assimilé au confort de chacun d'entre nous, celui qui nous rend sédentaire lorsqu'on devient familier d'un lieu; à une sûreté, celle d'un emploi durable prometteur; ou encore à une prison; celle dont on ne s'évade que par la Mort...
Ce qui est bizarre, c'est que ce roman mou donne envie de se bouger, d'échapper au triste sort commun des hommes, tristement subi par Drogo. Il est tellement facile de se mettre en "mode veille" que la vie défile sans se manifester. Et parfois ce que l'on attend depuis toujours arrive trop tard, comme les Tartares pour Drogo.
Un grand roman avec une prose et un sujet universelle.
l'absurdité de la destinée humaine
Critique de Saumar (Montréal, Inscrite le 15 août 2009, 91 ans) - 4 novembre 2011
Les sept détachements passant continuellement au travers des labyrinthes du fort, m’ont amenée à penser au labyrinthe qui conduit à l’intérieur de chaque être humain. C’est le détour qu’a utilisé Matti pour que Giovanni reste au fort, d’abord, il continue pour obtenir une affectation afin d’assouvir son désir de belle carrière et ensuite, pour combatte l’ennemi, les Tartares, afin d’en sortir glorieux, en héros. Les détours d’un labyrinthe n’est-il pas de retarder ou d’empêcher la sortie? Après trente ans d’attente, enfin arrive l’ennemi, mais Drogo, trop malade, s’évanouit. Il est retiré du peloton. Voilà sa plus grande déception : quitter le fort juste au moment où cette attente pouvait être comblée.
Dans ce roman, il ne se passe ni intrigues, ni rebondissements, mais il est plein d’une grande intensité qui nous ramène à soi. Qui n’a pas échappé à la bonne décision, au bon moment, ou qui n’a pas aspiré à quelque chose qui n’arrive jamais. Le temps, lié à l’absurdité de la destinée humaine, jette une lumière sur le comportement psychologique de Drogo. Maintenant, vide d’illusions, il voit défiler sa vie au ralenti et réalise que la fuite du temps a suffi à émousser sa vie qui a été, pour un certain temps, remplie d’espoir. Ce récit, sur l’attente et le temps, est écrit sobrement et porte à de profondes réflexions. L’auteur a su captiver le lecteur, malgré l’isolement sans espoir et l’inaction qui allonge l’ennui. On pense aux écrits de Kafka par l’absurde de la vie et par le labyrinthe qui renvoie aux aliénations de Drogo dans un univers qui l’écrase. Il finira par attendre la mort pour que le temps s’arrête enfin.
Peut-être
Critique de Oogie (, Inscrit le 8 octobre 2009, 48 ans) - 22 mai 2011
Il ne m'a pas ennuyé au sens où on l'entend, mais au sortir du livre j'ai ressenti une sorte de perte de temps, il y a des moments forts et d'un coup on ressent la platitude du héros cette peur profonde d'affronter l'inéluctable, alors est-ce là la réalité du livre nous faire ressentir cette vacuité des choses ou est-ce un sentiment propre ? je ne sais pas, mais bon voila...
Question d'âge
Critique de Eoliah (, Inscrite le 27 septembre 2010, 73 ans) - 10 novembre 2010
Bouleversant
Critique de Hibou (, Inscrite le 28 décembre 2009, 49 ans) - 8 novembre 2010
L’éternelle question de la poule ou de l’œuf.
Ce livre est magnifique et bouleversant. Assurément on n’en sort pas indemne. Il s’inscrit dans la veine de l’existentialisme de Camus et de Sartre. « L’homme nait sans raison, se prolonge par faiblesse, meurt par rencontre ». Car c’est bien l’absurdité de la vie qui est mis en cause. Dans cette sorte d’exil où se trouve un temps pris malgré lui Drogo au fort, il va pour ne pas périr, et telle est à la fois sa force et sa faiblesse se raccrocher à un espoir grandiose qui pourra lui assurer une destinée d’exception.
Et cet évènement, cette rencontre avec l’ennemi est à la fois désiré avec ardeur autant que effroyablement redouté. Et ce dilemme semble être bien au cœur de sa vie. D’ailleurs il y a une ironie terrible au centre du roman. Tandis que Drogo et Simonei s’exaltent à la menace des tartares dont les indices laissés par une petite lumière aperçue au loin laissent penser qu’ils sont proches, le général ordonne de ne pas s’occuper de ces balivernes et s’assure que ses troupes sont bien en ordre de marche. Etrange paradoxe qui met en lumière toute l’absurdité de la chose. L’homme a besoin de croire et cette croyance sans Dieu institue un rituel immuable qu’il convient de répéter inlassablement pour que ne s’effondre pas ce qu’il entrevoit pourtant déjà comme du non sens. Au fond Drogo est pris entre deux vies possibles. Retourner auprès des siens dans une petite garnison de ville ou rester au fort Biastiani. Si au début il n’a pas le choix plus les années passeront et plus il souhaitera continuer le chemin qui est le sien. Il persévéra dans son être. Car au fond l’homme est pris entre deux feux. Vivre dans un quotidien dénué de finalité tout entier à satisfaire les besoins quotidiens de la chair et des menus plaisirs. Ou renoncer à vivre pour vivre la seconde qui fera accéder à l’éternité ce qui n’en n’est pas moins absurde. Et ce dilemme au fond nous le portons tous en chacun de nous. Nous voulons tous vivre et peut-être tellement vivre que nous arrivons à en souhaiter la fin pour vivre cette ultime seconde. Et le plus tragique est que cette seconde, cette ultime rendez-vous, rendez-vous d’une vie, est toujours à la merci d’un malencontreux contretemps qui sera à même d’en empêcher la réalisation. Drogo malade , ne pourra affronter alors les Tartares qui finalement finiront par arriver, il ne lui restera alors que la mort et cette ultime alliée qui aura été le combat de toute sa vie…
Tic tac
Critique de Antinea (anefera@laposte.net, Inscrite le 27 août 2005, 45 ans) - 12 septembre 2010
J’ai attendu de longues semaines avant de me décider à écrire quelques lignes sur ce livre déroutant. D’abord parce qu’il ne raconte pas vraiment d’histoire… Et puis surtout parce que ce qui est dit, ce qui est décrit dans ces lignes est déroutant, déstabilisant. C’est une vraie claque. Ce fort Bastiani, comme le dit jf63, nous en avons presque tous un : les illusions de la jeunesse, les certitudes… et puis les choses ne se déroulent pas aussi idéalement qu’on l’avait imaginé et s’il l’on n’a pas appris à s’en satisfaire ou si on a perdu cet esprit de révolte de la jeunesse, on sombre dans l’attente de ce qui va arriver, comme si les choses, bonnes ou mauvaises arrivaient toujours toutes seules.
Le temps qui passe, le choix au détour d’un chemin, d’un évènement, mais surtout la lutte contre l’inertie, c’est de cela que ce livre traite. Sans prétendre être un récit psychologique, Le désert des Tartares remue, irrite, bouleverse. Indispensable.
Nous sommes tous Drogo
Critique de Jf63 (Combronde, Inscrit le 13 juin 2009, 51 ans) - 13 juin 2009
La scène se déroule à une époque indéfinie dans un lieu indéfini et même improbable. Un fort avancé, chargé de défendre une frontière contre des envahisseurs présumés qui ne semblent exister que dans l'imaginaire collectif. Cela pourrait être un poste de défense dans une colonie européenne en Afrique ou en Asie puisqu'il s'agit ici de Tartares. Il a vraiment existé de ces fortins isolés dans le désert pour se défendre d'ennemis improbables : Antoine de Saint-Exupéry évoque par exemple Port Etienne et le Cap Juby dans Terre des hommes (roman de la même année).
Mais ce bastion est trop loin de la réalité et de toute évidence le désert des Tartares est un roman « psychologique » sur le thème de la fuite inexorable du temps. Nous sommes tous un lieutenant Drogo. Jeunes, nous sommes pleins d'orgueil et d'ambition puis la routine s'installe. Au début on se révolte, puis on se résigne et on se réjouit même que nos habitudes ne soient pas trop bousculées. Parfois on est assailli d'un doute, comme Drogo : et si finalement il ne me revenait, de droit, qu'un médiocre destin. Enfin arrive le moment de la mort.
Tous nous attendons l'attaque de ces Tartares, un événement qui rendra notre vie exaltante et exceptionnelle, qui brisera la routine, qui nous rendra célèbre au monde (quitte à mourir au combat). Tous nous attendons une occasion formidable, ou plutôt une Occasion en majuscule comme l'occasion qu'attendait Belbo dans le Pendule de Foucault.
(Pour finir la petite histoire, j'ai changé de boulot et je m'en porte le mieux du monde.)
Le temps passe, irrémédiablement...
Critique de Coutal (, Inscrit le 11 juin 2007, 37 ans) - 21 décembre 2008
En conclusion, nul ne peut échapper au temps. Voilà ce qu'en dit Buzzati à ce sujet :
« Cependant, le temps passait, toujours plus rapide; son rythme silencieux scande la vie, on ne peut s'arrêter même un seul instant, même pas pour jeter un coup d'oeil en arrière. " Arrête ! Arrête ! " Voudrait on crier. Mais on se rend compte que c'est inutile. Tout s'enfuit, les hommes, les saisons, les nuages; et il est inutile de s'aggripper aux pierres, de se cramponner au sommet d'un quelconque rocher, les doigts fatigués se desserrent, les bras retombent inertes, on est toujours entrainé par ce fleuve qui semble lent, mais qui ne s'arrête jamais. »
Un oeuvre incontournable, un grand classique de la littérature du XX° siècle.
Pourquoi je n'ai pas aimé
Critique de Tameine (Lyon, Inscrite le 9 juin 2008, 59 ans) - 10 août 2008
Non, franchement il y a tant d'autres livre, passez...
En attendant Godot
Critique de TELEMAQUE (, Inscrit le 9 février 2006, 76 ans) - 30 septembre 2006
Giovanni Drogo a un frère en l'absurde : Meursault, et un lointain cousin : Roquentin.
La vie se résume, lorsque le divertissement qui nous aide à masquer de nos jours l'effrayante répétition se dissipe, à celà: attendre.
C'est la belle leçon de Buzatti qui permet à la lucidité de s' accomoder de l'agitation du siècle.
Giovanni Drogo c'est moi...
Critique de Nano (Bordeaux, Inscrite le 10 septembre 2004, 51 ans) - 15 septembre 2004
Derrière ce décor se plante l'histoire d'un homme, d'une attente. On s'obstine à attendre un signe et pendant ce temps là, le temps s'écoule. Oui mais s'il arrivait un jour ce signe? Est ce que cela valait la peine de l'attendre si longtemps? J'arrive toujours pas à me décider...
Le vide
Critique de Pendragon (Liernu, Inscrit le 26 janvier 2001, 54 ans) - 12 septembre 2004
Les longues nuits
Critique de Xavier (, Inscrit le 27 juin 2004, 66 ans) - 27 juin 2004
Ces longues nuits à attendre. Et peut-être que l'événement viendra après mon départ...
J'ai appris après que Buzzati avait écrit ce livre quand il était pigiste à La Stampa je crois. Attendre toute la nuit "la" nouvelle... qui n'arrivera qu'après son départ.
Xavier
Le temps qui passe
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 1 juin 2003
J’ai su en lisant la critique que je lirais ce livre un jour et que je l’aimerais. Mais ce livre doit se lire au bon moment et il attendait le sien, en compagnie de certain autres (notamment « Les nus et les morts » dont la critique m'avait ébloui ou, plus récemment, Donna Tartt et sa collection de 5 étoiles).
Il faut lire ce livre, pour éprouver le grand frisson dont parle Lucien. Si on n’est pas trop vieux on pourra faire semblant de croire que tout n'est pas encore joué pour nous (et si on est jeune on le pensera même sincèrement). Le livre nous rappelle que les années passent, de plus en vite, et que même si on croit ou veut croire que le meilleur est encore à venir, à un moment il faudra se résigner et se préparer à la seule chose inéluctable qu’il nous faudra affronter: notre propre mort. Et il faudra l'affronter si possible en soldat, c'est-à-dire héroïquement.
merci persée
Critique de Platonov (Vernon, Inscrit le 7 septembre 2001, 41 ans) - 13 janvier 2002
Les Tartares vont bien passer à l'attaque. Les soldats entretiennent cette espérance en exagérant chaque événement d'apparence bénin
Si plein, le désert...
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 4 janvier 2002
Il y a du Balzac de "La peau de chagrin", dans ce livre. Il y a du "Rivage des Syrtes" de Julien Gracq. Il y a Kafka, Pascal, Proust, Perec dans cette oeuvre qui nous envoûte et nous retient, comme Drogo dans sa forteresse, pour faire jaillir de nous, au terme du voyage, au moment de la libération finale, une inoubliable leçon de vie.
d'accord
Critique de Pétoman (Tournai, Inscrit le 12 mars 2001, 49 ans) - 31 août 2001
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