Marcher sur la rivière de Hubert Mingarelli

Marcher sur la rivière de Hubert Mingarelli

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Tistou, le 12 mai 2007 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 355ème position).
Visites : 5 361  (depuis Novembre 2007)

La rivière, pas les flots !

Avant d’entrer dans le vif du sujet, petit aparté : nulle part dans l’ouvrage ne figure l’ISBN 10, il n’y a que le 13 ! J’ai dû me rendre sur Amazon pour trouver le 10 !

Dernier opus en date d’Hubert Mingarelli, sorti en mars 2007. Un roman plutôt plus long que ses oeuvres précédentes et qui s’en démarque également du fait que le nombre de personnages ayant partie liée à l’intrigue est supérieur à 3 (plutôt 7_8 là), et que le récit s’étend sur un laps de temps plutôt plus long (évolution déjà visible dans « Le voyage d’Eladio »).
Parmi les constantes Mingareliennes, la psychologie passée au microscope, une relation fils-père problématique, une écriture faite de phrases courtes, mais sans sécheresse, dépouillée, vers l’essentiel.

« Les collines existaient bien, mais pas la rivière. Je veux dire une rivière avec de l’eau, des berges, et tout ce qu’on s’attend à voir autour. Mais il paraît qu’elle avait existé. Je ne savais pas si c’était vrai, j’avais perdu mon opinion. Son existence, on la tenait de gens qui étaient morts maintenant depuis longtemps. Peut-être qu’ils avaient menti. C’était tellement sec là-bas qu’il fallait avoir une grande confiance pour le croire. Il n’y avait pas de différence entre la couleur des collines et ce qui aurait dû être le lit de la rivière. … »

Et où me direz-vous les rivières peuvent-elles bien se comporter ainsi ? Ce n’est pas dit formellement dans le livre mais comme Absalon a le dessein de se rendre à Port Elisabeth, on peut en déduire qu’on est en Afrique du Sud.
Absalon vit seul avec son père. Sa mère est morte et le traumatisme, aussi bien côté mari que côté fils, est l’objet d’une belle description. Absalon a peu d’amis ; Emmeth, le pompiste, et Rosanna, qui pourrait être son amie et qui n’est que … son amie (la langue française serait-elle pauvre ?). Il a décidé de partir. Hubert Mingarelli se révèle particulièrement doué à ce jeu du « je vous explique pourquoi je veux-dois partir même si je ne le sais pas moi-même », (au microscope, on vous l’a dit !).
Il part et rencontre tout de suite Georges Msimangu. Un personnage qui restera bizarre, qui a mis sur cale son camion, dans le lit de la rivière, et qui recrute Absalon pour lui assurer la manutention des denrées et marchandises dont il a besoin, un coursier en quelque sorte.
Absalon parti revient donc aussi vite, auprès d’Emmeth, de Rosanna, de son père et on va suivre l’évolution du personnage jusqu’au départ final, en bus, vers Port Elisabeth.

« Je me suis allongé sur les sièges à l’arrière. Le bus filait maintenant dans la nuit et je ne sais pas ce que je pourrais dire de plus. »

C’est donc l’évolution des humeurs d’Absalon qu’il nous est proposé de suivre et ça, c’est très Mingarellien. On pourrait trouver une filiation entre Absalon et le héros de « Une rivière verte et silencieuse », avis personnel.C’était déjà un fils qui se retrouvait seul avec son père et, chez Mingarelli, les relations fils-père sont tout sauf simples et naturelles.
Un roman, au naturel, où les relations entre les hommes sont disséquées, « cohésionnées », dans un monde qui est tout sauf le paradis.

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Les éditions

  • Marcher sur la rivière [Texte imprimé], roman Hubert Mingarelli
    de Mingarelli, Hubert
    Seuil
    ISBN : 9782020943246 ; 17,01 € ; 08/03/2007 ; 246 p. ; Broché
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Marcher vers…

9 étoiles

Critique de Feint (, Inscrit le 21 mars 2006, 61 ans) - 8 mars 2008

Curieux tout de même comme d’observer comment des auteurs bien différents en viennent, au fil de parcours étrangers l’un à l’autre, à raconter, à un moment donné de leur trajectoire, la même chose – sans pour autant pratiquer la même littérature. A force d’épuration, d’un roman à l’autre, l’intrigue – ou plutôt l’absence d’intrigue – du dernier livre de Mingarelli, Marcher sur la rivière, est digne de Beckett. Un narrateur à la jambe raide évoque son prochain départ, a priori aussi probable que l’arrivée de Godot. Sa rencontre avec le propriétaire d’un camion qui en a démonté les roues et s’est installé pour creuser un trou, sans que jamais on ne connaisse ses motivations, à distance de la bourgade, dans le lit d’une rivière depuis si longtemps asséchée que les habitants en viennent à douter de son existence, relèverait volontiers de ce qu’autrefois on appela la littérature de l’absurde.
Le corps du livre tient aux allers-retours d’Absalon, le protagoniste, que paie Msimangu, le propriétaire du camion pour lui faire ses courses en ville, à une demi-journée de route de là.
Et cependant la ressemblance avec les errances beckettiennes s’arrête là. A lire, Marcher sur la rivière porte la marque des autres livres de Mingarelli, ce regard fait de compassion au plus près des personnages, à hauteur d’épaule, traduit dans la langue et l’histoire les plus simples qui soient, dépourvues de toute fioriture. La jeunesse du héros, son infirmité en font cependant un personnage plus à vif, plus violent, plus enclin à déraper que dans les récits précédents, mais plein d’un espoir irréductible, quoique dérisoire aux yeux d’autrui, notamment de Rosanna, sa camarade d’infortune, pour qui l’espoir n’est plus que parole de bravache.
Le récit est rétrospectif, rapporté par Absalon lui-même, Absalon plus tard, Absalon ailleurs, dans un pays tout autre, dont on ne saura rien. C’est dans cet aspect du récit que j’ai eu le sentiment d’une indécision de l’auteur qui peut-être, à mes yeux, aurait méritée d’être tranchée – mais je ne saurais dire dans quel sens.

L'art de faire travailler le lecteur à votre place

5 étoiles

Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 28 mai 2007

Mingarelli est un auteur spécialisé dans le non-dit, l'allusif volontaire. Il nous raconte des histoires sans aucun contexte, laissant son lecteur imaginer où, quand, comment et pourquoi se passe le récit qu'il nous présente. Ce procédé littéraire peut donner un résultat attachant et poétique comme dans « Quatre soldats » ou une impression de platitude, de tristesse et d'ennui comme dans « Le voyage d'Eladio » ou celui-ci.
A l'image des quatre soldats russes perdus dans la steppe ou du pauvre Eladio égaré dans une improbable révolution, le héros Absalon est également un simple d'esprit une sorte de demeuré qui ne rêve que d'une chose : prendre le bus pour partir très loin, à Port Elizabeth, pour y faire quoi, l'auteur ne daigne même pas nous le dire. A part cela, Absalon fait les courses pour un fou qui creuse un trou dans une rivière à sec, s'intéresse à la femme du pasteur et mène une vie totalement insignifiante entre son père mutique, son ami pompiste dépressif et Rosanna, une serveuse de bar qui se fait peloter par les clients et avec qui il ne fait rien.
De plus, le lecteur est placé à l'intérieur même de l'esprit d'Absalon et doit en subir les redîtes, les obsessions et les fixations, ce qui est vite lassant. Dans ces conditions ( pas de contexte, pas de véritable histoire), il est bien difficile de s'attacher aux personnages et il faut faire preuve de beaucoup d'imagination et de bonne volonté pour arriver soulagé à la fin du bouquin.

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