Bran Ruz de Alain Deschamps (Scénario), Claude Auclair (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Légende, contes et histoire

Critiqué par Dirlandaise, le 13 mai 2007 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans)
La note : 8 étoiles
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La merveilleuse légende d'Is

Cette très belle bande dessinée m’a été recommandée par un ami breton « Eireann » que je remercie profondément. Éditée par Casterman, elle fait partie de la collection « Les romans à suivre ». Deux auteurs ont collaboré à cet album : Claude Auclair pour le dessin et Alain Deschamps pour le scénario. Claude Auclair a notamment travaillé pour le journal Pilote et le journal Tintin avant d’entamer ses propres productions.

Je résume l’histoire : Au cours d’un fest-noz (réjouissances où jeunes et moins jeunes se retrouvent pour danser et échanger au son de la musique bretonne. On peut traduire par « fête de nuit »), deux hommes âgés montent sur l’estrade pour entamer un « kan ha diskan » (une sorte de chanson à plusieurs couplets habituellement interprétée par deux hommes à tour de rôle et racontant une légende bretonne) ayant pour thème la légende de la célèbre ville d’Ys. On retrouve dans cette légende des personnages historiques dont saint-Corentin, le roi Gradlon et sa fille la belle Dahud. Les auteurs ont remaniée la légende qui ne correspond pas exactement à l’originale. Ils ont choisi de mettre en scène un jeune garçon répondant au nom de « Bran Ruz » ce qui se traduit par « Corbeau rouge ». Le jeune garçon est un mendiant persécuté qui s’unira à la fille de Gradlon, la belle Dahud. Celle-ci devient enceinte et entraîne le courroux de son père qui l’a toujours adorée jusqu’à en faire sa maîtresse. Les deux amants ainsi que leur enfant seront abandonnés sur une barque en pleine mer au cours d’un orage. Mais « Bran Ruz » est un ami du roi des poissons et sera sauvé d’une mort certaine par des créatures de la mer. Lui, Dahud et leur enfant seront recueillis par Naïa, une sorcière bretonne qui les aidera à reconquérir leur gloire perdue.

Malgré le fait que les dessins soient en noir et blanc, ils sont magnifiques. Le lecteur est transporté dans le temps et se retrouve au cœur d’une très belle histoire d’amour et de vengeance. Cependant, pour bien l’apprécier, il est bon de se documenter sur les coutumes et la mythologie bretonne. Le début du livre comporte une très belle introduction signée par l’écrivain Jean Markale, spécialiste reconnu de l'histoire et des littératures celtiques. Cette introduction jette un éclairage sur les intentions profondes des auteurs en créant cette BD notamment la dénonciation de la centralisation à outrance de la France et la défense des minorités culturelles et en particulier celle de la Bretagne.

Les premières et dernières planches du livre, celles avec les dialogues entre Bretons du fest-noz et le kan ha diskan sont doublées, une première planche en français, une seconde planche sépia en breton. Dans les premières pages soit 10 et 11, on peut apercevoir le personnage de l’Ankou qui se promènent non loin de la centrale nucléaire des Monts d’Arrées. L’effet de pluie est saisissant.

Sur la page 189, il est fait référence au journaliste et écrivain Morvan Lebesque que j’ai pris plaisir à connaître. À la toute dernière page, le lecteur peut lire une très belle conclusion de Jean Markale expliquant la légende de la ville d’Is.

« On dit qu’un jour la ville d’Is réapparaîtra, triomphante, lorsque les injustices qui dominent le monde auront cessé d’affliger les humains, lorsqu’enfin la société sera réellement sans classe. Car il y a un futur. Le modèle social symbolisé par Is libérée n’avait aucune chance de s’imposer autrefois. Mais il le peut dans l’avenir, parce que l’avenir enferme toutes les potentialités. Les Bretons attendent depuis longtemps le retour du roi Arthur qui est « en dormition » dans l’île merveilleuse d’Avalon. Mais ils attendent aussi que Dahud, tenant la main de Bran Ruz, leur ouvre les portes de la nouvelle cité d’Is. En fait, nous attendons tous cette heure. » (Jean Markale)

Bref, une très belle BD riche au point de vue historique et culturelle qui mérite qu’on s’y intéresse ne serait-ce que pour mieux connaître cette belle région qu’est la Bretagne.

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