Le temps qui reste
de Jean Daniel

critiqué par Shelton, le 19 mai 2007
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Passionnant à lire ! Fait réfléchir !
Pourquoi ressortir la poussière d’un tel ouvrage ? Tout simplement parce que je voulais montrer aux plus jeunes, à mes enfants en particulier, que notre pays avaient déjà connu des moments difficiles, que nous avions déjà eu des leaders politiques aux idées dangereuses, que tous nos dirigeants n’avaient pas été des saints, que les intellectuels et écrivains avaient eu plusieurs fois la possibilité de trahir leurs propres idées et ne s’en étaient pas privés, que le temps passe, malgré tout, et que notre nation continue son petit bonhomme de chemin… A nous, comme Jean Daniel, de prendre nos responsabilités… et ce n’est pas toujours facile !

J’ai beaucoup aimé ce texte, tout d’abord, parce que Jean Daniel écrit remarquablement bien. Certains seraient tentés de dire : « Mais alors, pourquoi n’a-t-il jamais écrit de romans ? ». Il apporte lui-même la réponse en rappelant qu’il en a écrit au moins un, « L’erreur », et que surtout il n’était pas fait pour une œuvre posée. Il était dans l’histoire du pays. Dans l’histoire immédiate, comme on dit. « J’étais impatient. J’avais besoin d’intensité. Je réclamais le public. » Et c’est ainsi qu’il pencha progressivement vers le journalisme après avoir éliminé successivement la politique (trop de compromissions), l’enseignement (trop en dehors de la vie réelle), l’écriture (pas assez d’action)… Il était comme à la recherche d’un absolu qui se dérobait en permanence…

Dans cet ouvrage, on passe aussi son temps à rencontrer des personnes qui ont compté dans la vie politique, littéraire et philosophique de notre pays. Parfois, on a la surprise de croiser quelqu’un que l’on n'attend pas du tout à si belle fête. Un exemple ? Le père Varillon… « Sans les mises en garde parpaillotes d’André Chamson et la réserve de Marie Susini qui, née dans le sérail, trouvait suspecte cette séduction pastorale, je me serais probablement rapproché du prêtre. »

C’est aussi l’occasion d’avoir un regard sur Sartre, un sujet qui intéresse certains lecteurs du site : « Je tenais et je tiens toujours Sartre pour le plus important des acteurs philosophiques du refus… Mais je ne pouvais suivre Sartre identifiant la mission révolutionnaire à la classe ouvrière, les ouvriers au parti communiste, le communisme à l’URSS… J’ai toujours eu envie que les « grands » s’expliquent sur leur passé auprès de ceux qu’ils ont abandonnés en route, au virage… ». Une admiration teinte d’une critique constructive et bien réelle aussi…

Mais c’est aussi ce qui fait le charme de la pensée de Jean Daniel, la chaleur de ses adhésions, le courage de ses opinions, la capacité à comprendre ses erreurs… bref, on a souvent envie de fonctionner comme lui…

Ce livre ne parlera pas de la deuxième partie de sa vie, celle de l’aventure du Nouvel Observateur, celle où il sera obligé de devenir un chef, lui qui aimait tant la collégialité, l’amitié, la discussion… Aujourd’hui, peut-on comprendre Jean Daniel sans prendre en compte ce que fut ce magazine ? Cela paraît difficile, mais, après tout, un homme est un ensemble de choses, de morceaux de vie, et on pouvait accepter de cheminer avec les années de formation, de rencontre, de construction d’un homme qui aujourd’hui est connu pour une autre tranche de sa vie…

A la fin du livre, on peut lire aussi trois entretiens avec Malraux, Sartre et Camus, trois hommes qui ont considérablement pesé sur la naissance de cet homme…

Bref, pour moi un excellent moment de lecture et une réflexion à prolonger sur les intellectuels et leurs engagements dans la vie politique de notre pays…