La Vénitienne
de Vladimir Nabokov

critiqué par Tistou, le 5 juin 2007
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Nouvelles et essais
13 nouvelles courtes dans ce recueil, dont celle qui a donné le titre au recueil, la plus belle, la plus longue peut-être aussi.
A se demander si le style de Nabokov ne se révèle pas davantage dans ce format de nouvelle plutôt que dans ses romans. Comme si la trame des romans l’absorbait, nous absorbait davantage que ses mots, sa langue. Son style apparait « rugueux », riche d’adjectifs pour qualifier les couleurs, le mouvement. Parfois poétique, carrément onirique :
« Aujourd’hui, par ce jour ensoleillé, tout est possible. Regarde ! Un homme a sauté du toit sur un fil de fer et il marche dessus, pris d’un fou rire, les bras écartés, bien au-dessus de la rue qui se balance. Voici deux maisons qui ont habilement joué à saute-mouton : le numéro trois s’est retrouvé entre le un et le deux ; elle ne s’est pas tout de suite fixée – j’ai remarqué une échappée de lumière en dessous, un rayon de soleil. Et une femme s’est levée au milieu de la place, ele arenversé la tête et s’est mise à chanter ; on s’est attroupé autour d’elle, on a reculé : une robe vide est étendue sur l’asphalte, et il y a un nuage transparent dans le ciel. »
Et plusieurs fois, la nostalgie pour la Russie, pour une Russie idéalisée, transparait :
« Songe un peu : personne de notre tribu n’est restée dans notre vieille Russie. Certains se sont évaporés comme un brouillard, d’autres sont partis cheminer à travers le monde … … C’est que nous sommes ton inspiration, Russie, ta beauté énigmatique, ton charme séculaire … Et nous sommes tous partis, partis et chassés par un arpenteur insensé. »
Bon, là c’est un lutin qui s’exprime, mais l’allusion est claire. Et de nombreuses fois, la référence à la mère-Patrie reviendra.
Les veines de ces nouvelles sont fort diversifiées. Certaines sont de véritables trouvailles d’histoires, d’autres passablement hermétiques (« Les Dieux »). Mais la plus belle reste la vénitienne.
Et puis il y a « Le rire et les rêves » et « Bois laqué », deux essais dans lesquels Nabokov nous interpelle sur l’objet et le pouvoir de l’Art, de la littérature. Et là encore, la référence à la Russie, à l’enfance ( ?), sera forte :
« L’Art est un miracle permanent, il est le magicien qui réussit, en additionnant deux plus deux, à obtenir cinqn ou bien un million, ou bien encore l’un de ces nombres gigantesques et fastueux qui hantent ou éblouissent un esprit délirant tenaillé par la torture d’un cauchemar mathématique. …
L’âme russe possède la faculté de se régénérer dans différentes formes d’art, qu’elle sait trouver chez les autres nations … »
Ou encore :
« Ce qui m’étonne aussi, c’est le rapport qui existe entre les jouets russes en bois et les champignons, ou les fruits sauvages humides tout luisants que l’on trouve en abondance dans les profondeurs foisonnantes et sombres des forêts du Nord. Il me semble que le paysan russe s’imprègne inconsciemment de leurs irisations violettes, bleues ou écarlates et qu’il s’en souvient plus tard lorsqu’il sculpte et peint un jouet pour son enfant. »
Trop inégal, mais en vaut la peine pour La Vénitienne 6 étoiles

Ça en vaut la peine de survivre jusqu’à la nouvelle La Vénitienne! Plusieurs nouvelles de ce recueil sont somnolentes, j’ai eu de la difficulté à concentrer mon esprit sur les récits. À cause des longues descriptions, j’ai souvent tombé dans la lune, ce livre m’a prit une éternité à finir. J’ai aimé La Vénitienne (bien sûr), La vengeance et Bonté, mais les autres nouvelles m’ont souvent laissé perplexe, ce n’était vraiment pas mon genre. Je n’ai pas compris la morale de Ici on parle russe où quelqu’un décide d’emprisonner un homme à vie dans ses toilettes et qu’on est sensé trouver ça correct. Aussi, je trouve qu’il a raté sa nouvelle Le dragon qui a un début génial et prometteur, un milieu étrange et une fin décevante. La Vénitienne est la meilleure nouvelle que j’ai lue de Vladimir Nabokov. Elle se démarque du lot et elle vaut le recueil à elle seule. Elle est atmosphérique et a une ambiance gothique. La peinture est un thème typiquement romantique que j’ai aussi apprécié chez Edgar Allan Poe, Nicolas Gogol, Jules Barbey d’Aurevilly et Howard Phillips Lovecraft. Je suggère ce recueil aux persévérants!

Nance - - - ans - 14 décembre 2008