L'anneau du pêcheur
de Jean Raspail

critiqué par CC.RIDER, le 11 juin 2007
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Ce que vous ferez au plus petit d'entre les miens
Noël 1993, un vieux vagabond erre dans les rues de Rodez, avec une humilité emprunte d'une étrange noblesse, il demande qu'on lui fasse la charité d'un peu de pain et de soupe. Il se présente en disant simplement : « Je suis Benoît ». Il serait le successeur d'une longue lignée de papes rebelles qui ne se serait jamais éteinte et aurait poursuivi leurs chemins dans une totale clandestinité. Mais les services secrets du Vatican veillent et lancent leurs meilleurs agents sur la piste du mendiant de Rodez qui porte avec lui l'anneau du pêcheur et le calice du pape Luna preuves de sa filiation.
Dans ce roman historique hors du commun, Jean Raspail nous retrace l'extraordinaire aventure des papes d'Avignon, nous replonge dans le « Grand Schisme d'Occident » dont la source remonte au terrible Philippe le Bel et à ses papes « français ». Des temps où l'Eglise catholique se retrouva avec deux papes aussi illégitimes l'un que l'autre et qui chacun en intronisèrent d'autres. Le concile de Pise aggrava même la situation en en couronnant un troisième pape. Et ce ne fut qu'à l'issue du concile de Constance et sous la pression des rois de l'ensemble des pays d'Europe que se dénoua apparemment la crise avec la destitution de deux papes et l'élection de Martin V . Seul, Benoît XIII, de son véritable nom, Pedro de la Luna, ne céda jamais, intimement persuadé d'être le seul et unique vicaire de Dieu sur terre.
Ce terrible schisme qui dura historiquement 19 ans eut des conséquences terribles : il affaiblit définitivement le pouvoir des papes qui étaient plus chefs de guerres que chefs spirituels, amena la primauté aux conciles et ouvrit définitivement la porte aux critiques, aux théories nouvelles de John Wycliff, précurseur du protestantisme, lui même source de subdivisions à l'infini...
Un livre passionnant, qui fait réfléchir et pose le problème du conflit éternel entre la fidélité et l'oubli, entre le message évangélique et la réalité du monde, entre spiritualité et athéisme. Un des chefs d'oeuvre du très grand Jean Raspail, le romancier passionné et visionnaire, assoiffé de justice et passionné de causes perdues...
Habemus duos pontifices 8 étoiles

Cela faisait quelque temps que je n'avais pas senti l'urgence de revenir à la lecture d'un livre. Bien sûr, j'en ai lu des très intéressants et très bien écrits, mais je pouvais les délaisser quelques instants pour vaquer à d'autres occupations entre deux.
C'est le premier ouvrage de Jean Raspail que je lis. Je découvre un auteur qui a, au moins pour "L'anneau du pêcheur", une verve de conteur semblable à un Giono, un Pagnol, un Tournier, ou un Vincenot ! Quel plaisir de lire un tel Français : style magnifique et plaisant, vocabulaire riche, syntaxe fluide, construction maîtrisée, bref l'art du roman, (dont beaucoup de contemporains, notamment les "Best-sellers", devraient prendre exemple !).
Outre la forme, Jean Raspail maîtrise le fond. L'auteur semble parfaitement documenté sur le sujet de son roman et les annexes historiques et géographiques. Il plonge son intrigue subtilement dans le contexte des époques successives et des différents lieux. Impossible (du moins pour moi) de le prendre en défaut, et il est si convaincant qu'il est difficile de démêler l'onirique du véridique.
Une question aux connaisseurs : quel autre roman de cet auteur maintenant ?

Homo.Libris - Paris - 58 ans - 14 octobre 2023


Nom d'un pape. 9 étoiles

Raspail réussit avec une main de maître à dresser une histoire passionnante. Pourtant le postulat de départ ne prête pas à un sujet attirant. Pensez, la longue chronologie des papes et des antipapes. Raspail mêle habilement le vrai et le faux, comme dans tous ses romans il nous emmène dans son imaginaire foisonnant et nous amène à repenser nos idées. Chroniqueur des civilisations perdues ou en passe de l'être, il se fait ici témoin de la fidélité, de la bravoure, de la foi et des attitudes les plus nobles que peuvent endosser les hommes confrontés à un destin qui les dessert. Il est l'écrivain de ceux qui refusent de se prosterner devant ce qui semble être l'évidence. Il nous rappelle aussi que c'est le vainqueur qui écrit l'histoire au détriment des vaincus qui méritent parfois toute notre considération. Quelle belle page que celle où Jean Paul II prie pour le repos de l'âme de son homologue désavoué par l'histoire. Un roman à la croisée de l'histoire, de l'imaginaire, de la religion et du policier. Une alchimie superbe qui fait des romans de Raspail, dans la production un peu plate, des bijoux de littérature utile.

Hexagone - - 53 ans - 16 octobre 2010