Que notre règne arrive
de J. G. Ballard

critiqué par B1p, le 14 juin 2007
( - 51 ans)


La note:  étoiles
de consommation se consumer
Richard Pearson quitte Londres pour les bourgades de la grande banlieue. Son père y est mort, victime d'un tueur embusqué dans le centre commercial de Brooklands. Pendant qu'il prend possession de l'appartement d'un paternel qu'il n'a pratiquement pas connu, il découvre les rites étranges des villes de la grande banlieue de Londres.
Le Métro-Centre, principalement, galerie commerçante démesurée autour de laquelle fleurissent attaques racistes et fanatisme sportif. Dans un mélange de fascination et de dégoût, il découvre l'acteur de troisième zone qui entretient la flamme consumériste des banlieusards qui n'ont rien de mieux à faire de leur vie. Un crime a été commis, c'est clair, mais Pearson est persuadé que le meurtre de son père est la pièce isolée d'une conspiration plus grande où le fanatisme consumériste vire au fascisme et à l'autodestruction. Nouvel ordre révolutionnaire ou mouvement schizoïde prêt à se refermer sur lui-même ? En bon publicitaire – au chômage, certes –, Richard Pearson sent qu'il est appelé à être un élément décisif qui pourra faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre.

Pour son dernier roman, James Graham Ballard mélange les thèmes qu'il affectionne : la banlieue, les mastodontes de béton, la folie, une aire indistincte faites de terrains vagues et de zones industrielles plus que d'habitants. Dans « Que notre Règne arrive », il y a un peu d'« I.G.H », pour la folie collective, un peu de « Super-Cannes » pour le meurtre mystérieux et il y a certainement aussi du « Millenium People » pour le terrorisme à la portée de tous et le dérèglement recherché d'un Etat usé qui s'obstine à rester en place.
Mais il faut bien dire que ce dernier livre de Ballard surpasse tout de même les deux précédents : à la structure redondante et aux nombreuses redites de « Super-Cannes », Ballard préfère la ligne épurée. Au gloubi-boulga psychologique de « Millenium People », J.G. substitue une approche des personnages qui nous permet presque de les comprendre.
Evidemment, on n'atteint plus les sommets d'horreur paroxystiques de « Crash! » ou d' « I.G.H. », mais pour un type qui a près de 80 balais, Ballard est encore incroyablement vert et on continue de se délecter de ses personnages border-line, toujours sur le fil du rasoir, prêt à se perdre définitivement dans la folie ou au contraire à choisir in extremis une forme de rédemption (l'un n'excluant bien sûr pas l'autre...)