La fuite en Chine
de Jean Rouaud

critiqué par Sahkti, le 22 juin 2007
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Ne pas perdre le fil
Ces trois textes théâtraux étaient destinés à la radio (France Culture); les voici aujourd'hui rassemblés et publiés par les Impressions Nouvelles.
Dans "La fuite en Chine", un metteur en scène trouve "son" actrice et lui propose d'être le personnage central, Ysé. Mais une autre actrice s'est également vue confier le rôle. En différentes scènes composées à tous de rôle par les divers protagonistes, se joue un mélodrame théâtral basé sur le double-sens des mots, l'esprit de répartie, une tonalité légère, mettant subtilement en avant les thèmes plus graves de la reconnaissance, de la création et de la vanité. Est-ce le rôle qui doit habiter l'acteur ou l'inverse? Un personnage peut-il être joué de manière égale par différents comédiens? Tout le théâtre (mais aussi, indirectement, le cinéma) se retrouve ici non pas véritablement remis en question mais taquiné à propos de son essence même, l'interprétation.

Avec "Rose Rose", une jeune femme entame une étrange quête dans un commissariat. recherche d'elle-même, du monde, des autres, d'un idéal... A travers cette démarche qui surprend de prime abord débute une longue réflexion, ironique et grinçante, sur l'identité et la certitude.
La répartie vive apporte beaucoup aux dialogues, ce n'est pas du vaudeville, quoique...

Enfin "Prise de tête" voit la confrontation poussée à son paroxysme d'une animatrice et d'un auditeur, dont la conversation part dans tous les sens, effleurant les gros soucis comme les banalités de la vie. Le ton emporté, dynamique et le quiproquo constant peuvent lasser, à la longue, mais après tout, c'est une... prise de tête!

Au final, un recueil plein de vie, qui mérite avant tout d'être vu, je pense, que lu, car couchés sur papier, certains mots peuvent perdre de leur saveur, il y a une dimension qui manque.
Il n'empêche, j'ai aimé la vivacité de l'ensemble, ce côté décalé délirant et cette apparente légèreté de ton.