L'autobus de Eugenia Almeida
(El colectivo)
Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine
Moyenne des notes : (basée sur 10 avis)
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Silencieuse dictature
"Cela fait trois soirs que l'autobus passe sans ouvrir ses portes."
Un village au creux de l'Argentine profonde. Un village qui vit rythmé par les passages quotidiens du bus vers la ville. Or voilà que l'autobus passe sans s'arrêter. une fois, deux fois, trois fois... il se passe quelque chose.
Les villageois s'interrogent, la ville est loin, aucune nouvelle ne leur parvient. l'avocat Ponce, seigneur des lieux, est en colère. Sa soeur doit retourner à la ville et ce dérangement dans les habitudes n'est pas pour lui plaire.
Les villageois attendent, regardent passer ce bus qui ne s'arrête pas, puis se rendent compte que le chemin de fer aussi déraille. L'atmosphère devient lourde, les questions fusent, les hypothèses s'échafaudent...
Tout en subtilité, en métaphores et en symboles, Eugenia Almeida livre ici un petit bijou de finesse. Le pari était pourtant risqué, car peu de personnages fort peuplent ce récit, tout tourne autour d'un autobus et le huis-clos est omniprésent, sensation étouffante créée par ces gens qui attendent désespérément que le bus s'arrête.
Il fallait donc que l'auteur biaise pour tout dire en peu de moyens. Grâce à un jeu habile de dialogues, de scènes visuelles, de tranches de vie très parlantes, Eugenia Almeida esquisse, à travers les existences de chacun et ces épisodes qui bouleversent le quotidien, l'ébauche d'une dictature puis son aboutissement, avec les conséquences que l'on peut deviner.
En abordant les souhaits, les rêves, les tensions, les espoirs (déçus ou non) de ses personnages, c'est de tout un peuple qu'elle parle. Un peuple qui fait le deuil de la démocratie, découvre les cadavres des réfractaires, le poids de l'armée, le prix du silence et la docilité de la presse soumise à un régime dévastateur. Tout s'apprend et s'explique de manière détournée et Eugenia Almeida se débrouille bien pour faire passer autant d'idées et de sentiments par ce biais. Un premier roman pour elle, espérons que d'autres le suivront!
Les éditions
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L'autobus [Texte imprimé] Eugenia Almeida traduit de l'espagnol (Argentine) par René Solis
de Almeida, Eugenia Solis, René (Traducteur)
Métailié / BB HISPANO
ISBN : 9782864246121 ; 11,60 € ; 12/04/2007 ; 124 p. ; Broché -
L'autobus [Texte imprimé] Eugenia Almeida traduit de l'espagnol (Argentine) par René Solis
de Almeida, Eugenia Solis, René (Traducteur)
Métailié / Suites (Paris).
ISBN : 9782864248873 ; 7,00 € ; 13/09/2012 ; 126 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (9)
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Un bus qui ne s'arrête pas et une barrière reste fermée dans un village reculé d'Argentine, une histoire basique mais...
Critique de Anonyme3 (, Inscrit le 6 septembre 2011, - ans) - 21 octobre 2012
Eugenia Almeida est née en 1972 à Córdoba, en Argentine, où elle enseigne la littérature et la communication. Elle écrit de la poésie. L’Autobus est son premier roman, il est édité en Espagne, en Italie, en Grèce, au Portugal et en France par les éditions Métailié, qui publient en avril 2010 son nouveau roman : La pièce du fond .
Quatrième de couverture:
Dans une petite ville du fond de l'Argentine, un homme et une très jeune femme attendent un autobus dans un café, il passe mais sans s'arrêter. Il y a quatre jours maintenant que l'avocat Ponce amène sa soeur pour prendre cet autobus et qu'il ne s'arrête pas. Les jeunes gens décident de partir à pied le long de la voie ferrée. Le village s'interroge. Il s'est passé quelque chose dans le pays que tout le monde ignore ici. Sous l'orage qui gronde sans jamais éclater, de chaque côté de la voie ferrée qui sépare parias et notables, la réalité se dégrade subtilement. Des livres disparaissent de la bibliothèque. Les militaires rôdent autour de la ville, des coups de feu éclatent. Les masques tombent à mesure qu'une effrayante vérité se dévoile. Sobre et dense, sans concession, ce court roman nous conduit, dans un style alerte et cinématographique, au coeur des pages les plus sombres de l'histoire de l'Argentine et parle du pouvoir sous ses formes les plus perverses.
Mon avis:
+: Roman bien écrit, et qui se lit vite. Écriture sobre et aérée. Histoire bien racontée et bien vue. Quatrième de couverture explicite.
-: Histoire, lente, pas assez dynamique et trop courte, avec une fin trop téléphonée, dommage. Dictature Argentine, trop peu décrite dans le roman. 1ère de couverture insipide où l'on voit un bus sud américain.
En conclusion:
Eugenia Almeida avec son roman "L'autobus" réussit à nous transporter au fin fond de l'Argentine, grâce a son histoire d'autobus qui ne passe pas et de barrière qui reste fermée. En contrepartie, son écriture trop légère, son histoire trop lente, pas assez dynamique et trop peu historique, désenchante le lecteur au fil des pages. Sa fin téléphonée et trop basique, déçoit un tantinet. Dommage.
"L'autobus", un court roman, sans prétention et classieux, qui n'est pas le roman de la décennie, se lit d'une traite et vite, ce qui est déjà pas si mal.
Le temps de la dictature en Argentine.
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 4 août 2010
Eugenia Almeida passe par le biais de ce qui, en n’importe quel autre endroit normalement peuplé, passerait pour une péripétie, pour aborder le thème de la dictature, des disparitions de personnes qui se sont déroulées à grande échelle en Amérique du Sud il n’y a pas si longtemps, et notamment en Argentine. Quoi de plus banal et en apparence anodin en effet que le non-passage, répété un jour, deux jours trois jours, de l’autobus local. Quoi de plus banal en effet ?
Bon c’est vrai, dans la pampa argentine, l’autobus est le seul moyen de passer d’une ville à l’autre … Comme un couvre-feu donc. Impossible de quitter la ville. Des caractères vont se révéler, des mesquineries aussi, et puis des drames. Qui ne seront qu’évoqués, un peu comme ça doit l’être dans la réalité quand on n’est pas sûr que … ou plutôt qu’on ne veut pas admettre que …
C’est très habile ce que fait Eugénia Almédia et ça a d’ailleurs un côté théâtral. Ce pourrait être certainement assez facilement monté au théâtre ? On marche ou on ne marche pas dans ce genre de combines. C’est très allusif, et me semble-t-il comme ça doit se passer dans la vraie vie quand, à des milliers de kilomètres de chez vous, des militaires ont pris le pouvoir et commencent à poser la chape de plomb.
J’ai toujours eu quelques réticences à aller voyager en Amérique du Sud. Les œuvres de Vargas Llosa et cet « Autobus » auraient plutôt tendance à me conforter dans mon impression …
Désinformation
Critique de Koudoux (SART, Inscrite le 3 septembre 2009, 60 ans) - 29 mai 2010
L'autobus ne s'arrête plus. Le village s'interroge.
Ce petit roman, nous fait découvrir la vie en Argentine : l'armée, le pouvoir, l'information ou plutôt la désinformation...
Un premier roman, un auteur à suivre.
Regarder passer l’autobus
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 20 avril 2010
Malgré tout, je crois qu’il était possible de donner un peu plus de souffle à ce roman. Peut-être simplement une tache de couleur.
Mornitude exaspérante
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 16 février 2010
Je dois dire que j'ai commencé à m'intéresser au récit lorsque l'auteure s'est mise à raconter la vie de l'avocat Ponce et les circonstances navrantes de son mariage. Alors là, oui, c'était excellent et le personnage de Ponce m'a rappelé celui du bouc émissaire de Strindberg. J'étais complètement subjuguée et ravie lorsque cette fichue histoire d'autobus qui ne s'arrête pas a repris le dessus à mon grand désespoir. L'auteur tenait une histoire vraiment intéressante mais elle a choisi de nous ennuyer avec son autobus qui refuse de s'arrêter et cette histoire assez banale du couple étranger mystérieux. Enfin, je comprends où elle a voulu en venir mais quel ennui j'ai éprouvé à toujours relire la même chose. Peut-être est-ce voulu cette redondance pour nous faire bien vivre la mornitude de ce petit village perdu mais enfin... l'ennui et l'exaspération m'ont empêché d'apprécier ce livre malgré la qualité de l'écriture et le talent certain de l'écrivaine.
« Et si… »
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 10 février 2010
Une rumeur pourtant indique que l’armée recherche, dans le secteur, une jeune fille appartenant à la subversion mais son cadavre ne semble pas figurer parmi les deux qui sont retrouvés criblés de balles. Alors, qui a tué qui ? Pourquoi ? Comment ? Les spéculations vont bon train et chacun raconte l’histoire qui correspond le mieux à ses opinions, « Ici, ils ont bien fait de venir. Ils nettoient le village. Ils nous protègent. Ils nous permettent de continuer à vivre tranquillement. Et tu aurais vu leur allure ! » Rapporte Marta, mais d’autres croient voir la main de l’armée derrière ces événements et s’interrogent : qui sont réellement les victimes, un amant et sa maîtresse, des vrais subversifs, de simples quidams, … ? Nul ne dit rien, mais certains croient savoir… comme la sœur de Ponce, l’avocat qui a échoué dans ce village perdu après un mariage de circonstance.
Etrangement, ce petit roman m’a fait penser au livre du Colombien Evelio Rosero, « L’armée », que j’ai lu récemment et qui évoque à peu près les mêmes problèmes, le pouvoir arbitraire, la mort distribuée sans considération des populations, les exactions de l’armée, la manipulation des masses, la désinformation, etc… Ces deux livres dénoncent sans détour la dictature militaire vue de la campagne, du côté des pauvres gens qui ne comprennent pas très bien ce qui se passe et qui sont à la merci de toutes les désinformations possibles.
Et, ces deux livres sont écrits dans un style assez proche, dépouillé, efficace, dans un texte fait de portraits de personnages très typés, d’images, de plans comme au cinéma, et de détails mis en exergue qui font progresser le récit à un rythme lent mais étouffant. Un style assez représentatif d’une certaine littérature latino-américaine qui évoque souvent les déboires des pauvres gens et les exactions des nantis, bref tout « ce que l’on ne doit pas nommer. »
Etrange atmosphère...
Critique de Shan_Ze (Lyon, Inscrite le 23 juillet 2004, 41 ans) - 29 janvier 2010
Une atmosphère étrange, lourde et prenante
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 27 janvier 2010
L'histoire se déroule sous la présidence de Péron, mais elle fait sentir les possibilités de la dictature qui, sur ces bases inquiétantes, va pouvoir survenir.
Ce texte se rapproche de celui d'une autre jeune femme argentine, Norma Huidobro, "Le lieu perdu" qui, lui, est situé plus tardivement sous la période dictatoriale. Les deux écritures, très différentes, se renvoient l'une à l'autre comme deux thèmes d'une fugue. Leur confrontation est un régal.
Ce pourrait être la version Argentine du Rapport de Brodeck
Critique de BMR & MAM (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans) - 24 mai 2008
L'autobus de Eugenia Almeida.
Dans un petit village perdu loin de Buenos Aires, l'autobus qui habituellement dessert le village tous les soirs ne s'arrête plus ... un soir, le lendemain, trois soirs ...
Le passage à niveau reste fermé et le train ne passe plus ...
Que se passe-t-il donc ?
En fait peu importe, l'essentiel est dans les répercussions de ces évenements d'apparence anodins sur les comportements des habitants.
Ces perturbations du train-train (ah !) forcent les langues à se délier, les secrets à se dévoiler, tout doucement, peu à peu.
Dans une ambiance proche du Rapport de Brodeck même si le contexte est tout différent.
[...] - Tu as vu que cela fait deux soirs que l'autobus ne s'arrête pas ?
Les hommes s'attardent au bar, à un coin de rue où ils fument une cigarette, à la sortie de l'usine, de la coopérative. Tous disent la même chose.
- Tu as vu que cela fait deux soirs que l'autobus ne s'arrête pas ?
La chose parvient jusqu'à l'école. Les élèves du cours moyen discutent, étendus par terre sur le petit terrain de sport.
- Mon père dit que l'autobus ne s'arrêtera plus jamais.
- Il faudra bien qu'il s'arrête quand il n'aura plus d'essence.
- Mais non, idiot, c'est dans le village qu'il ne s'arrêtera plus jamais.
- Et alors ? De toute façon, nous on ne va jamais nulle part.
Dans ce village où la voie de chemin de fer sépare les nantis des autres, dans ce pays où se succèdent les régimes militaires, la lâcheté des uns fait écho à l'aveuglement des autres.
Finalement, l'Argentine n'est peut-être pas si loin du pays de Brodeck ...
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