Secrets de jeunesse
de Edwy Plenel

critiqué par Bolcho, le 24 juillet 2007
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
On reste trotskiste
A propos de Jospin, niant d’abord son passé militant (Lionel Jospin fut socialiste en actes et trotskyste en pensée de 1972 à sa rupture avec l’OCI en 1986-87), Plenel rappelle que le trotskisme laisse de nombreuses traces, y compris chez ceux qui n’en sont plus. A tout le moins, le trotskisme reste un état d’esprit, une manière d’analyser le monde.
Si Plenel (ancien rédacteur en chef du journal « le Monde ») nous en parle si bien, c’est qu’il fut lui-même longtemps trotskiste. Il resitue le contexte qui, dans les années soixante, poussait à se révolter : le Vietnam, le printemps de Prague, l’apartheid en Afrique du Sud, l’indépendance refusée aux colonies portugaises d’Afrique, les dictatures de Salazar et de Franco, les pouvoirs militaires en Amérique du Sud manipulés par la CIA, la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis, les colonels en Grèce… « Mai 68, à cette aune, ne fut pas une révélation, mais juste une confirmation ».
« En ce sens, nous n’avions pas grand mérite : nous épousions notre temps, emportés par l’un de ces cycles historiques récurrents, comme d’autres le furent avant nous sous le choc de la révolution russe et de l’espoir de sa répétition en Allemagne (le communisme), puis sous celui de la guerre d’Espagne et de la Résistance (l’antifascisme). Comme d’autres le seront peut-être demain sous l’impact d’une mondialisation de révoltes contre un règne absolu de la marchandise ».
Au passage, Plenel rappelle les différences entre les divers courants du trotskisme français (OCI, Lutte Ouvrière, LCR) et nous rendons visite avec lui à quelques grandes figures du mouvement. Il nous parle de l’entrisme et des difficultés de ceux qui l’ont pratiqué « car ils ne réussissaient à survivre que dans l’attente, et cette attente fut déçue. Ils attendaient patiemment l’événement qui les délivrerait enfin de leur duplicité, transformant soudain en geste héroïque leur mystérieux parcours, et cet événement se déroba ». Il nous confie que des célébrités du spectacle ont eu leur période trotskiste (Bertrand Tavernier, Pierre Arditi, Boby Lapointe…). Nous assistons à l’entrevue entre Malraux et « le Vieux » (Trotski) et il fait remarquer à ceux qui ne s’en seraient pas rendu compte ( ?) qu’à l’époque où l’armée française torturait en Algérie, il y avait un gouvernement « de gauche » en France dont le ministre de la Justice était François Mitterrand.
Sans doute est-ce un livre qui plaira aux anciens militants de la gauche révolutionnaire en général mais qui paraîtra un peu étranger aux autres. Peut-être faut-il leur rappeler la position particulière des trotskistes dans l’histoire : ils ont combattu à la fois les Etats capitalistes et les Etats staliniens (Trotski lui-même a été assassiné d’un coup de hache à Mexico en 1940 par un agent de Staline). Inutile de dire qu’ils ont surtout un passé de défaites. Je termine par ce manifeste collectif suite au silence jospinien sur son passé :
« Nous avons été, sommes ou ne sommes plus, serons peut-être à nouveau un jour, ou pas, trotskystes. Mais, toutes et tous, nous pensons toujours que la transformation sociale est à venir, que l’état du monde est encore inacceptable. Nous souhaitons un monde vivant, ouvert, libre, démocratique enfin. Un monde plus juste où la fortune ne décidera plus du sort du plus grand nombre ».