War Game
de Dominique Wolton

critiqué par Shelton, le 27 juillet 2007
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
C'était il y a si longtemps...
Attention, rien à voir avec un jeu vidéo ou une histoire d’espionnage, le livre War game de Dominique Wolton est un travail très sérieux sur les rapports entre une guerre et les médias en prenant comme exemple le cas d’école de la première guerre du Golfe, celle qui avait poussé une coalition internationale à chasser l’Irak du Koweït à peine envahi…
Alors pourquoi ressortir cet ouvrage qui a déjà seize ans ? N’y avait-t-il rien de plus actuel ? Rien de plus intéressant ? En fait, c’est parce que j’ai voulu le relire, moi qui me suis retrouvé, à cette époque, dans le champ d’observation de Wolton. Au fur et à mesure de ma lecture, je comprenais que l’observation à chaud de Dominique Wolton était très pertinente et qu’elle restait d’actualité au moment des nouveaux conflits dans cette région du monde [ce n’est pas parce que les conflits se succèdent dans cette région, que les responsables de chacun d’eux seraient moins coupables, comme si une pseudo-fatalité dédouanait les chefs d’état et de guerre.
Alors soyons très clairs, il ne s’agit en aucun cas d’un pamphlet contre la guerre ou les Américains, contre les journalistes ou je ne sais pas qui. L’auteur prend le temps de comprendre ce qui s’est passé, de mesurer l’influence des médias et sa critique est très forte contre ceux qui ont tout fait pour faire naître un quatrième pouvoir, alors que la presse devait être – sous sa plume ce n’est pas péjoratif – un contre pouvoir !
C’est aussi ce dernier élément qui me pousse, aujourd’hui, à vous conseiller cette lecture, au moment où la France vient de connaître une élection présidentielle très fortement influencée par certains médias… Le journaliste n’est pas là pour dire ce que le citoyen doit penser mais bien pour l’informer de ce qui se passe, être le garant de la liberté et de l’indépendance des citoyens pour un futur que l’on voudrait tous meilleur…
La guerre du Golfe aurait-elle pu être autre chose si les médias avaient voulu informer et non faire de l’audimat, de l’argent, du cinéma ? Difficile à dire car certains journalistes ont joué le jeu en prenant de gros risques tandis que d’autres « se la jouaient !!! » Il ne faut pas oublier qu’une certaine 5 avait envoyé d’énormes moyens sur place pour couvrir les évènements… et a, ainsi, participé à développer un état de prostration des téléspectateurs français [l’étude de Wolton concerne principalement les Français].
Le côté spectacle est aussi fortement en place. Prenons le temps de lire certains commentaires surréalistes de journalistes qui ont oublié le sens des mots : Vraiment des images-chocs ! Extraordinaire !… C’est beau comme un feu d’artifice…
Encore plus fort. Un soir, l’état d’Israël connaît une attaque par des missiles irakiens. Dialogue entre le journaliste de Paris et le correspondant à Tel-Aviv :
- Est-ce que vous pensez qu’il y aura ce soir une nouvelle attaque de missiles sur Israël ?
- Je peux vous dire que si je le savais, ça ferait la Une de tous les journaux israéliens…
En relisant cet ouvrage, je me disais, mélancoliquement, que, décidément, rien ne changeait et que l’homme restait toujours aussi bête, aussi manipulé et que les dictateurs, les chefs autoritaires, ceux qui méprisent les autres, ceux qui font des profits sur le dos des pauvres gens et des victimes, les journalistes incompétents qui privilégient le spectaculaire au fond, bref, tous ceux là ont encore de beaux jours devant eux… A moins que de très nombreuses personnes lisent des livres comme celui-là et refusent de se laisser faire… (A suivre)