Deux garçons, la mer
de Jamie O'Neill

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 27 juillet 2007
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
Fresque intime
Ce gros roman a reçu l’avance la plus généreuse (250,000 livres) de l’histoire de l’édition irlandaise et a nécessité dix ans de travail à son auteur. A la lecture des premières lignes, on comprend pourquoi. Il s’agit d’une œuvre ambitieuse, inspirée par un classique de Flann O’Brien, avec une prose très littéraire rappelant celle de James Joyce.

Au cœur du livre - situé à Dublin en 1915 sur fond de guerre (la révolte de Pâques) – une histoire d’amour refoulé de deux adolescents provenant de milieux différents : Jim, un étudiant fils de commerçant et Doyler, un vulgaire voyou de la rue, une sorte de Huck Finn. Dans la baie, les garçons se lancent le défi de rejoindre l’île la plus lointaine à la nage. Une métaphore qu’O’neill utilise tout au long de son récit pour illustrer les étapes que les deux garçons devront franchir avant de devenir adulte et ultimement, amants.

Outre les passages sur le patriotisme à tambour battant et le contexte historique de la guerre – qui sont assommants – l’emprise de la religion catholique est aussi abordée et les luttes de la classe ouvrière. La narration alterne de personnage en personnage nous entraînant parfois dans des monologues singuliers comme celui de MacMurrough, un dandy perverti tout droit sorti de prison (voir Oscar Wilde), qui devient le mentor de Doyler. Discours philosophique, retours-arrières, lyrisme épique, détails minutieux, oui c’est massif et il faut être patient pour tout absorber.

J’ai lu ce livre il y’a quelques mois, et je garde encore une impression de densité et de grisaille. Le charbon, la pauvreté, la rudesse d’une époque sont les choses qui m’ont collées à la mémoire. Aussi, les images de personnages magistralement évoqués et une intensité d’émotion hors du commun. Un livre pas facile mais passionnant.

(lu en version originale)