Flor de Luna, tome 1 : Santa Maria Cristina
de Pierre Boisserie (Dessin), Éric Lambert (Dessin), Éric Stalner (Scénario et dessin)

critiqué par Shelton, le 5 août 2007
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Que c'est beau !
Pierre Boisserie est un scénariste de qualité que l’on connaît bien depuis la série « La croix de Cazenac », magnifique travail déjà réalisé avec le dessinateur Eric Stalner.
Il est impératif de donner quelques précisions sur les frères Stalner. C’est en 1989, que les deux frères, Jean-Marc et Eric, commencent à dessiner ensemble sur un scénario de Christian Mouquet. Le résultat, « Les poux », est assez moyen, mais c’est un coup d’essai. Dès 1990, une nouvelle série, « Le Boche », leur permet de développer leur style et les progrès sont très nets. C’est en 1993, qu’ils atteignent, ensemble, le summum de leur art avec une série extraordinaire et magique qui a été, pour moi, une des meilleures des années quatre-vingt-dix, « Fabien M ». Le travail commun qui s’en suit nous laisse un peu sur notre faim, non que « Malheig » et « Le fer et le feu » soient de mauvaises séries, mais plutôt parce que la complicité des deux frères se fragilise et que chacun va avoir besoin de travailler seul… C’est avec Pierre Boisserie au scénario qu’Eric réalise sa première série sans son frère. La croix de Cazenac est une réussite éblouissante qui démontre que les deux frères avaient beaucoup de talent, en duo comme en solitaire. C’est pour cela que c’est avec beaucoup de joie et d’émotion que j’ai découvert que les auteurs de « La croix de Cazenac » remettaient cela… Nous voici donc partis pour Cuba…
Nous commençons la série, l’album, par des pages que j’ai adorées. Antoine Chatel, assis sur un beau fauteuil, se choisit un cigare, l’allume avec soin et précaution, et commence, tel un rituel sacré, à fumer. Et pourtant, il est dans la chambre de son patron, Charles Porter, qui gît mort sur son lit. Suicide ? Meurtre ? Ce qui est certain c’est qu’Antoine voulait le tuer mais qu’il est arrivé trop tard…
Trop tard pour tuer, mais pas pour récupérer l’histoire de la famille de Porter et sa fortune à Cuba. Tout cela va nous plonger en 1825 quand un homme fuit l’Espagne pour aller faire fortune dans le cigare à Cuba…
Ce qui va se passer sur le voilier, en plein océan, va donner le ton de ce récit fondamentalement humain. Une rébellion de l’équipage, de la violence, un viol… Une jeune femme blanche, une femme noire, victimes côte à côte, qui vont rester amies, inséparables, sur une île où blancs et noirs ne sont pas si proches que cela… Une trahison, une erreur, un acte déplacé, une anomalie… Ce qui est certain, c’est que les deux jeunes femmes se retrouvent enceintes, accouchent à la même période…
Mais ce n’est là que la premier tome de cette série qui promet beaucoup…
Le dessin est génial, le récit très solide, la narration graphique enchante le lecteur dès les premières vignettes, les scènes en mer dignes des meilleurs récits maritimes de Hubinon (Barbe Rouge) ou Roussel (HMS). Je voudrais mettre en valeur la page 10 qui est digne d’un grand metteur en scène et qui permet de présenter les personnages participant à un repas à la table du commandant… Quant au viol, il est dessiné avec pudeur et violence, humanité et profondeur, et j’en ai versé quelques larmes…
Oui, vraiment, ce premier album est très fort et j’attends avec beaucoup d’impatience la suite de « Flor de Luna »…