Prières exaucées de Truman Capote

Prières exaucées de Truman Capote
( Answered prayers)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jules, le 31 août 2001 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 530ème position).
Visites : 7 438  (depuis Novembre 2007)

Une grande qualité d'écriture, la relation d'un monde à part...

Ce livre, paru en 1986, est une publication posthume d’une oeuvre annoncée vingt ans plus tôt par Truman Capote.
Il avait l'ambition d’écrire un livre qui aurait été comparable à l’oeuvre de Proust, transposée à la seconde moitié du vingtième siècle. Il n’en rédigera jamais que ces trois chapitres réunis dans ce volume.
Le premier chapitre est intitulé « Des monstres à l'état pur » Il est censé être un texte écrit par un jeune homme à une jeune enfant d'à peine huit ans qui avait déclaré désirer « aller au coeur de notre planète terre » pour y chercher « des monstres à l’état pur »
Truman Capote va lui décrire ces « monstres » tout au long de son chapitre : homosexuels de toutes conditions, gigolos, drogués, patrons et employés de l’agence de prostitution masculine « Bite-O-Phone » etc. Capote rencontre tout le gratin en se prostituant et nous dit, dans sa préface, que tout ce qu’il va raconter est vrai. D'ailleurs, il utilise les noms de ceux qu’il a rencontré et nous retrouvons au fil des pages des personnages comme Cocteau, Colette, Montgomery Clift, le fils de Woodrow Wilson ( qui travaille pour « Bite-O-Phone » et l’y fera engager), Ali Khan, le Shah, Niarchos, pour ne citer qu'eux.
D'Anna de Noailles, il écrit : « . elle était la camarade de cœur fort peu sélective des Julien Sorel modernes, bref tout à fait mon genre de machine à sous. » De celui du moment (homo et quaker) il dit : « .j'enviais son succès incontesté de Godemiché Vivant Pour Vieilles Peaux, celles que nous, les gigolos, nous appelons nos tirelires. »
Le second chapitre s'intitule « Kate McCloud » et le ton en est sensiblement différent, à l’exception du début, un dîner avec Montgomery Clift plus qu'ivre mort saoul, et un nouveau passage par l’agence « Bite-O-Phone ». Kate McCloud est une femme d’une trentaine d’années, plus que richissime par ses mariages, qui vit seule et est devenue un des joyaux de la Jet Set. Sa beauté est parfaite et Capote la rencontrera au Ritz à Paris dans des circonstances bien particulières. Lui, le gigolo homosexuel, tombera amoureux raide de cette perfection !
Dans le troisième chapitre, « La Côte Basque », Capote déjeune dans ce restaurant de New York avec une certaine Ina Coolbirth, épouse d’un richissime anglais. Un déjeuner de ragots, tant de la part de sa commensale que de la part des tables voisines. On ne parle que du vieux Kennedy, de Salinger, de Jackie Kennedy et de sa soeur Lee (future princesse Radziwill) qui déjeunent à la table d’à côté.
Le style de Truman Capote est à la fois des plus savoureux, dur et méchant. Mais il est aussi très autocritique, écrit très bien et vise au plus juste. Je le comparerais un peu, dans ces trois textes, à un Brett Easton Ellis qui n’utiliserait pas le bain de sang ni la cruauté physique pour attirer son public.
Après la publication de ces trois chapitres dans la revue « Esquire », Capote fut brouillé avec tous ceux qui se considéraient comme faisant partie de ce petit monde. Proust avait changé les noms, avait utilisé plusieurs personnes différentes pour en créer une seule, alors que Truman Capote n'a rien fait de tout cela !… C'était à prévoir !. Il en est resté là de son vaste de projet…

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Le miroir de Capote

8 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 9 juillet 2009

En 1966, Capote signe avec Random House un contrat pour la publication de ces "Prières exaucées" le 1er janvier 1968. De report en report, celles-ci ne paraîtront finalement qu'en 1986, à titre posthume et dans une version pas totalement achevée par l'auteur qui traînera la patte pendant des années pour s'y mettre. En raison du succès qu'il connaît entretemps et l'accapare mais aussi parce qu'il n'y arrive pas. Tous les prétextes sont bons pour passer à autre chose, comme si ce roman proustien, chef d'oeuvre d'après Capote, lui était finalement devenu étranger ou pire, insupportable.
C'est que Capote est un personnage, étrange et lunatique mais ô combien enrichissant et intelligent, un peu à l'image de ce P.B. Jones qui hante ces pages tourmentées. Trois chapitres seront publiés en revue, ils sont ici rassemblée avec une introduction de l'éditeur et quelques lettres inédites de Capote en fin de volume.

A travers son héros et les péripéties qu'il lui fait vivre, Capote passe en revue tous ses démons mais aussi ceux de son époque. portrait féroce, ironique et sans concessions d'une société superficielle et hypocrite qui a encore mal à certains tabous. On peut, en lisant le parcours de P.B. Jones, imaginer la force mais aussi les souffrances endurées par Capote, tant le personnage semble par moments être son reflet dans un miroir.
Une lecture enrichissante et humaine, avec cette vivacité d'esprit propre à l'auteur, réjouissante et en même temps démoralisante. Un paradoxe... à son image.

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