La cathédrale d'Amiens de Maurice Crampon
Catégorie(s) : Arts, loisir, vie pratique => Arts (peinture, sculpture, etc...)
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« Un réservoir d'air et de lumière »
La cathédrale d'Amiens est la plus grande de toutes. Et la plus belle. C'est l'apogée du gothique. La preuve, à Beauvais ils ont voulu faire plus haut mais le chœur s'est effondré. Retenez que la hauteur sous voûte à Amiens est de 42 mètres, la longueur de l'ensemble est de 145 mètres. Sachez-aussi que Amiens comptait onze mille habitants à l'époque et qu'ils pouvaient tous tenir dans l'édifice ! En volume Amiens pourrait contenir deux fois Notre-Dame de Paris.
Personnellement je n'ai jamais ressenti un élan vertical aussi fort autre part qu'en contemplant le chœur d'Amiens, ça donne véritablement le tournis. C'est comme à Cologne, dont le chœur est inspiré de celui d'Amiens.
La cathédrale d'Amiens a été construite très vite : de 1220 à 1269 (à l'exception des chapelles de la nef). C'est exceptionnel et cela explique la parfaite homogénéité de l'ensemble. Retenez aussi qu'Amiens est la cadette de Laon (1160 pour le début des travaux), Chartres (1195), Reims (1211), et surtout de Notre-Dame de Paris (début des travaux en 1163), dont Amiens s'inspire fortement. Amiens va à son tour être source d'inspiration, et si vous avez la chance après Amiens d'aller à Cologne vous verrez en effet une grosse similitude entre les deux chœurs.
Je ne sais pas quel est le meilleur côté pour aborder la cathédrale la première fois. Ruskin et Proust recommandent de monter la rue untel, qui donne sur le portail sud, et au passage ils recommandent de s'arrêter à la pâtisserie untel pour prendre un repos et aborder la cathédrale dans la meilleure disposition qui soit. C'est très amusant. Et l'avantage est qu'on est accueilli par la vierge dorée, une statue étonnante qui montre une madone résolument déhanchée et souriante, posée là pour accueillir le visiteur (note : c'est un moulage en résine maintenant qui nous accueille, l'original, rénové, est à l'intérieur).
Revenons à la meilleure manière d'approcher Notre-Dame : cela peut paraître anecdotique mais en fait c'est très important car on n'oublie pas la première fois. Chaque fois que je pénètre dans la cathédrale je repense à ma première visite : c'était en 2003, par une journée ensoleillée et très lumineuse : j'étais arrivé par le nord. L'avantage par le nord c'est qu'on arrive par le beau côté de la ville, les canaux, et on voit la cathédrale qui surplombe et s'insère parfaitement dans la vue de la cité. Ceci dit c'est amusant aussi d'arriver par la place Gambetta, en prenant le piétonnier de la rue Dusevel, car alors on voit la façade principale (ouest donc) se dévoiler petit à petit.
Quoi qu'il en soit, si vous disposez de deux jours, je vous recommande de ne pas rentrer à l'intérieur le premier jour, il vaut mieux réserver le premier jour à la façade et se préparer à visiter l'intérieur. En plus vous entrerez à 8h30 du matin, quand il n'y a personne. A l'extérieur, il y a de quoi faire, avec l'extraordinaire foisonnement de statues (la Bible de pierres dit Ruskin). Il y a la vierge dorée, sur l'entrée sud, qui est archi-connue. Le beau Dieu du portail principal est, dit-on, la statue la plus réussie. Mais ma préférée, celle qui m'attire comme une mouche, c'est la statue de Marie mère de Dieu du portail sud sur la façade principale. Cette statue me fascine. On y voit une Marie conquérante, qui marche sur le serpent (représentation du péché), avec un visage plein (un peu rebondi même), un soupçon de sourire, enfin une expression difficilement discernable, sorte d'amusement hautain et supérieur mais plein de bonté. J'ai rarement vu un visage aussi plein de vie sur une statue, ce visage remonte dans ma mémoire et semble rassembler celui de toutes les femmes que j'ai pu aimer. D'ailleurs il y a une peinture de Louis Janmot, Fleur des champs, avec une femme qui a le même visage (aller au musée des beaux arts de Lyon, sinon sur cartes postales il y a un gros plan du visage de cette femme).
Les nuits d'été, lors des illuminations, la statue de Marie mère de Dieu se pare de bleu et de rouge, c'est tout simplement féerique. La place devant la cathédrale est parfaite pour contempler la façade : on peut s'y asseoir et contempler la cathédrale, en attendant le début du spectacle (l'illumination est vers 22h en août).
A l'intérieur c'est le choc. "Un vaste réservoir d'air et de lumière" dit Violet-le-Duc, il y a vraiment de ça. Ruskin conseille de se tenir à la croisée de transept Sud et d'observer « la futaie pétrifiée » de colonnes. Si ça ne vous donne pas le grand frisson, dit-il en substance, alors il vaut mieux sortir car peut-être que vous perdez votre temps à visiter les cathédrales, et que vous pouvez vous contenter de visiter des halls de gare ! Pour moi le point stratégique c'est le fond de la nef : on se sent écrasé et en même temps aspiré; notre âme veut s'envoler vers la voûte, la lumière et l'élévation, la légèreté, tout nous aspire vers le haut, et au final on est comme écartelé. C'est presque douloureux. Sinon comme toujours la croisée du transept, car le regard se perd dans les colonnes, les rayons de soleil, on cherche constamment à retrouver la sensation bizarre que donnent ces voûtes et ces vieilles pierres. Ça donne vraiment le tournis.
S'il vous reste des forces, il y a les stalles (visite tous les jours à 15h30) qui sont les plus belles du monde (il y a plus de 3000 sculptures). Le pourtour du chœur, un retable de la renaissance avec du côté sud l'histoire de Saint Firmin et du côté nord l'histoire de Saint Jean Baptiste.
Le petit livre de Maurice Crampon est formidable : ce n'est pas un guide touristique mais plutôt une référence. Il détaille le mobilier et le statutaire extérieur, c'est indispensable pour pouvoir comprendre de quoi il s'agit. C'est très sobre, pas d'envolées lyriques (il faut lire Proust et Ruskin pour ça), mais une mine de renseignements indispensables à la compréhension. Il est disponible au magasin de la cathédrale.
Les éditions
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La cathédrale d'Amiens de Maurice Crampon
de Crampon, Maurice
Centre régional de documentation pédagogique de l'académie d'Amiens
ISBN : 978B0000DRCL2 ; 01/01/2002 ; 114 p. ; Broché
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