Les conquérants
de André Malraux

critiqué par Jules, le 2 septembre 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
L'intelligence plus que l'histoire...
Ce livre est un ouvrage de jeunesse de l’auteur. Il s'est rendu en Asie et s’est passionné pour ce qui était en train de s’y passer sur le plan politique.
Sun-Yat-Sen est mort depuis deux ans et la Chine est traversée par des courants forts différents. Il y a les généraux, les démocrates, les anarchistes, les « conseillers » soviétiques et, bien sûr, la toute puissante Angleterre.
L'histoire est simple. Borodine, représentant l'Internationale et l'influence soviétique, ainsi que Garine, tentent de mettre l'Angleterre en échec par une révolte populaire à Canton. Le but est d’interdire l’entrée dans la province de Canton à toute marchandise, ou tout bateau, en provenance de Hongkong. Ils ont également fait en sorte que les « coolies » de Hongkong se soient mis en grève. Asphyxier Hongkong revient, pour eux, à montrer que l’Angleterre peut être vaincue.
Ce roman doit-être lu en tenant compte du climat international de son époque : celui qui suit la victoire des révolutionnaires russes. Il faut également avouer qu’il ressemble davantage à un manifeste, à un documentaire politique, qu'à un roman. Il n’a donc pas grand chose de vraiment passionnant !.
Il n’en demeure pas moins qu’il contient toute l’intelligence d'André Malraux et est truffé de phrases qui ne peuvent pas ne pas interpeller notre réflexion, du type : « Si la technique et le goût de l'insurrection, chez les bolcheviques, le séduisaient, le vocabulaire doctrinal et surtout dogmatique qui les chargeaient l'exaspérait. » Garine ne semble pas non plus avoir beaucoup d’illusions quand il parle des pauvres et dit : « Je les préfère, mais uniquement parce qu'ils sont des vaincus. Oui, ils ont, dans l’ensemble, plus de cœur, plus d'humanité que les autres : vertus de vaincus. Mais. je sais si bien qu'ils deviendraient abjects, dès que nous aurions triomphé ensemble »….

Malraux a rédigé, en 1949, une postface à ce livre. Elle traite de la culture en général, ainsi que des oppositions qui peuvent naître entre celles des différents continents ou pays. Elle vaut d’être lue avec attention.
Un choc politique au bout du monde 8 étoiles

De jeunes Occidents couvrent la guerre civile qui couve en Chine, où les grèves se multiplient en défiance à l'Angleterre colonialiste qui fait état de ses appétits sur le pays, là où le Russe Borodine tente d'y placer l'influence soviétique, les troupes de Tchang Kaï-chek tentant de fédérer un mouvement national. L'action est focalisée sur Hong-Kong, symbole de l'installation britannique, la tentation du collectivisme gagnant le dessus.
Les descriptions crues et les dialogues sans pitié ne manquent pas, alors que la narration est assurée par un style sec et elliptique. Ce témoignage quasi-direct, romancé pour l'occasion, offre un document utile pour faire état d'une transition politique en Extrême Orient, dans un pays en passe à l'instabilité depuis la chute de l'Empire. C'est intéressant et bien fait, bien que cet écrit reste assez rude, comme le sujet le laisse deviner.

Veneziano - Paris - 46 ans - 3 août 2019