Microfictions
de Régis Jauffret

critiqué par Aliénor, le 24 août 2007
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Trop lourd
Voici un livre qui a été encensé par les critiques, qui a déjà été couronné d'un prix, et dont je vais pourtant faire ici une critique négative.
Certes il est remarquablement écrit et ces chroniques en deux pages font preuve d'une grande maîtrise.
Mais 1000 pages de portraits d'hommes et de femmes parmi les plus noirs que l'on puisse trouver parmi l'espèce humaine, c'est beaucoup ! En tout cas trop pour moi.
Parents incestueux, pédophiles, assassins... et j'en passe.
J'avoue avoir du mal à comprendre l'intérêt de cet ouvrage, son sens même.
Et je ne vois pas comment l'auteur a pu en écrire autant sans en avoir lui-même la nausée. Je me suis même demandée s'il avait pu sortir indemne de cette écriture. A plusieurs reprises il se cite dans ces courts écrits, allant jusqu'à dire qu'il est lu par les psychopathes !

Bref un livre qui m'a laissé une impression très malsaine. J'ai hâte de voir ce que d'autres lecteurs en ont pensé.
A bon entendeur...
Mauvais et prétentieux 2 étoiles

Je n'ai guère de choses à rajouter aux critiques négatives ci-dessous, avec lesquelles je suis tout à fait d'accord (notamment celle de Lusancius). Jauffret a sombré dans la facilité du glauque complaisant et son étalage des bassesses de l'humanité vire au grand guignol grotesque, sans ouvrir aucune porte sur les profondeurs de l'âme humaine malgré l'ambition de l'auteur qui a sur-estimé sa capacité. Tout y est affligeant de médiocrité et de superficialité, même dans l'horreur. Sa courte notice d'introduction n'est en outre qu'un très pâle pastiche de celle du marquis de Sade justifiant au lecteur la longue litanie des malheurs de Justine... Seul un peu d'humour désabusé, qui paraît ça et là, sauve l'ensemble du naufrage complet (ce qui fait que je donne 1 étoile et pas une 1/2 étoile), mais il n'a rien de la férocité corrosive et iconoclaste d'un livre tel que, par exemple, "Le grand embouteillage" d'Ange Bastiani, qui est aussi sans concession et non dénué d'humour férocement grand-guignolesque.
En fait, Microfictions, qui se présente comme une galerie de portraits brossés à grands traits introspectifs pour peindre la violence et l'abjection de notre société, apparaît comme une suite de caricatures par un auteur qui mépriserait ses modèles, beauf immonde ou voyou choisi à la rubrique des faits-divers.
Et, pour finir, ce que je ne comprends pas, c'est la complaisance des critiques et des jurys littéraires qui ont encensé ce livre... A moins qu'il y ait des critères autres que littéraires... C'est aussi ce qui fait toute la pertinence d'un site comme CritiquesLibres !!!

Eric Eliès - - 50 ans - 1 février 2012


Un ensemble de récits ratés. 3 étoiles

Les Microfictions, c'est en premier lieu une idée, idée plutôt intéressante, d'ailleurs, de publier cinq cents petites saynètes mettant en scène une pléthore de personnages bigarrés, insolites, névrosés, et très franchement excentriques - pour ne pas dire excentrés. Ce genre de micro-nouvelles, ne devant pas dépasser la page pleine, peut avoir plusieurs intérêts : il peut s'agir en premier d'un exercice de style semblable à ceux de l'OuLiPo, ou bien une manière efficace de dénoncer les travers d'une société, ou encore de donner goût à la lecture à l'aide d'un récit court et endiablé. A première vue, alors, cet énorme roman - trop énorme, d'ailleurs - peut légitimement éveiller la curiosité.
Mais Jauffret a été tout simplement incapable, à mon goût, de porter sur ses épaules son oeuvre. Il se fait - on le remarque bien - désarmer par cette ambition : il n'a pas le style pour nourrir cinq cents romans miniatures, ni la faculté d'innover d'un récit à l'autre, ni d'éviter le gouffre béant du stéréotype et de la généralisation, ni d'accorder quelques pages à des individus optimistes, il parvient encore moins à nuancer ses esquisses de personnages, et on se retrouve vite noyé dans une mare débauchée, sexuelle, anarchiste, sado-maso, hystérique de personnages qui tuent, qui violent, qui se roulent dans une fange psychédélique de pacotille avec pour simple excuse la fêlure de leur cerveau. . . On est loin de celles de Zola !
Ebauche donc tout à fait insatisfaisante d'une idée plutôt sympathique, les Microfictions ne gagnent pas à être lues ; si vous voulez des auteurs crus et dénonciateurs, voyez plutôt Céline, Sartre, Camus, Kundera, Kafka ... Il n'en manque certes pas !
Je n'ai vraiment pas aimé ce que Jauffret fait de cette idée. C'est à mon avis complètement raté. Mais il y a de la volonté et de la ténacité pour pondre ces pages sans déroger à ses contraintes. Voilà qui expliquera le 1.5.
Et, comme dit Balzac : excusez les fautes du copiste !

Lisancius - Poissy - - ans - 5 juillet 2010


meilleurs voeux 2010 8 étoiles

Cher amis, vous ne m'empêcherez pas de penser qu'il y a "écrivain" et "écrivain".
Il y a ceux qui assimilent ça à un travail, au concours de celui qui racontent l'histoire la plus instructive ou divertissante possible dans un style revu et approuvé par la dernière édition du dictionnaire Grevisse.
Et puis il y a ceux qui veulent exprimer quelque chose, en dehors des normes en dehors des soucis de style nombrilistes.
J'ai le regret de vous dire que les écrivains français appartiennent à mon sens à la première catégorie, ce qui, à mon sens, n'en fait pas des écrivains mais des gratte-papier.
La deuxième catégorie comprend les écrivains qui s'attaquent à la norme de manière viscérale et la déchirent en lambeau, la maltraitent, la nient, la tordent, la violent, l'avilissent, la violentent, lui arrachent ses oripeaux malodorants de conformisme.
Jauffret fait partie de ceux-là et me permet d'espérer que la Littérature française a encore de l'avenir au-delà de beni-oui-oui et compagnie, de regarde-moi-en-train-de-baiser-et-de-sniffer-de-la-coke-dans-les-toilettes-du-Flore.
Bref, Jauffret est un écrivain, l'un des seuls français qui existent, sans doute.
Et oui, même si 500 nouvelles c'est dur à avaler, à osciller entre le gris clair, le gris foncé et le noir, c'est pour ça que c'est bon à avaler : parce que ça ne fait aucune concession à l'Ordre et à la Joliesse, encore moins au Raisonnable.
Chers amis, je ne vous souhaite qu'une chose pour 2010 : soyez déraisonnables, voluptueusement déraisonnables, déraisonnables jusqu'à atteindre une Vérité auquel le commun des mortels n'a pas accès.

B1p - - 51 ans - 16 décembre 2009


Fictions de petites tailles. 4 étoiles

On connait Régis Jauffret pour son goût, apparemment, pour les turpitudes de l’âme, les petites bassesses, les grandes lâchetés, le côté délictueux des choses, le versant noir – délibérément noir. C’est peu de dire qu’il se régale dans « Microfictions », qui constitue un catalogue de la noirceur humaine sous forme de petites fictions flash (pas moins de cinq cents tout de même !) sur une page et demie – deux pages.
« Glauquitude » délibérée, recherchée, cultivée, disséquée. C’est bien écrit, il n’y a rien à redire à cela mais ce parti-pris lasse, gêne. Comme si Régis Jauffret ne recherchait rien tant que de mettre son lecteur dans une situation de voyeur malsain. J’avoue avoir du mal à prendre goût à ce genre de chose. C’est d’ailleurs incroyable comme les adjectifs « malsain », « glauque », reviennent en boucle dans les commentaires associés à Régis Jauffret !
Le bizarre, l’incongru ne sont jamais loin. Il y a de la poésie dans Régis Jauffret, dans son écriture, dans ses angles d’attaque d’une situation lambda, dans les raccourcis impossibles qu’il prend pour détruire un sujet … De la poésie, oui. Mais de la poésie qui a mal tourné.

« J'ai tout de suite alerté la police, je l'ai aussitôt regretté quand je me suis rendu compte que j'étais non seulement le témoin, mais l'auteur de l'assassinat. J'ai fui, mes pas laissaient une empreinte rouge sur les marches de l'escalier. Je me souviens qu'on faisait l'amour dans un film que regardaient les voisins du premier étage. »

L’homme est un loup pour l’homme et Régis Jauffret est le prophète de ce loup !

Tistou - - 68 ans - 26 octobre 2009


Lassant 3 étoiles

D’habitude le nombre de pages n’est pas un problème, mais là, j’ai commencé à être lassée de l’exercice après une centaine de pages, c’est dur de continuer dans ces conditions. Le livre est original par son abondance qui est sa qualité principale et aussi un de ses défauts. Difficile de tout retenir après 500 histoires, on en garde surtout un souvenir flou et un sentiment de vertige. Si l’écriture est belle dans certaines histoires et qu’il y en a quelques bonnes dans le tas, elles ont trop été courtes pour me toucher et certaines sentent trop le stéréotype. Des portraits plus ou moins glauques, d’autres ordinaires, banals ou moulés dans une forme qui les rendent banals, j’aurais pu trouver ça intéressant, mais en général sa façon de conter n’a pas trouvé d’écho en moi. Inégal.

Nance - - - ans - 2 juin 2009


"Cruci...fictions" 8 étoiles

Je n'avais jusqu'ici rien lu de cet auteur ni émis une quelconque critique sur quelque site que ce soit. Première donc et coup double ! J'avais brièvement vu Jauffret dans quelques émissions et il laissait effectivement entrevoir une nature... désenchantée. Du moins le croyais-je. Mais quand il y a de l'humour dans le désespoir, même noir, alors cela peut devenir intéressant. En tout cas, on pressentait sans même l'avoir abordé qu'il avait un univers. Peut-être en lui une détresse qu'il combat par l'écriture...histoire de se sentir moins seul. Pas tant un roman d'ailleurs qu'un concept, en tout cas un regard sidérant sur des vies intérieures. On pourrait croire à des confessions. Il n'en est rien. Juste l'œil de l'entomologiste qui sans pourtant rien expliquer ni juger jette par saccades à la face du lecteur les résultats «éclairs» d'expériences humaines multiples et variées qui pourtant se répondent. Il dévide la pelote d'existences qui ont pour dénominateur commun la violence ordinaire d'un monde dont nous sommes tour à tour acteurs et spectateurs. Les fenêtres sont ouvertes du côté le plus obscur...alors c'est un peu dur en effet mais épatant de maîtrise.

Une page et demie à chaque fois pour peindre un tableau de l'âme. Trop peu et bien assez pour toucher du doigt une certaine forme de misère existentielle. Certes c'est long mais sans aucun doute voulu pour créer un tourbillon vertigineux. Soit vous vous avouez vaincu et débarquez avant la fin soit vous relevez le défi et frôler l'overdose. Mais n'est-ce pas là qu'est le plus grand plaisir, aux portes de la perte de contrôle ? Si la littérature n'est pas un danger alors à quoi sert-elle ?

Bien sûr qu'il y a un côté obsessionnel chez Jauffret mais pas d'ambiguïté malsaine. Par cet exercice de style plus subtil qu'il n'y paraît, il pousse un cri, celui d'une humanité chancelante. Sa vision est réaliste mais néanmoins poétique malgré le sordide présent, avec ce qu'il faut de décalage pour que l'on puisse évoquer les fictions dont il est question dans le titre.

Forcément inégal mais toujours intéressant. J'aime bien ce livre parce que la saleté qu'il dévoile n'a rien de gratuit. Bien plus dérangeant que d'autres auteurs dont le sulfureux n'est hélas que dans le côté marketing qui les accompagne et n'est finalement que leur seule raison d'être...édités. Ce type n'est pas fou, juste excessivement lucide... et par là-même diablement dangereux.

C'était donc ma première lecture d'un Jauffret. J'y reviendrais avec plaisir pour un nouveau titre sans en attendre la même émotion, juste pour la musique entendue tout au long de ces mille pages qui n'ont rien d'anecdotiques. Une œuvre qui ne vous laisse aucun répit mérite d'être lue, ce livre-ci ne nous épargne pas. Ne serait-ce que pour cela, plongez-y !

Frank - - 50 ans - 5 novembre 2008