Bernard Pivot reçoit--
de Patrick Rambaud

critiqué par Jules, le 3 septembre 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Une idée originale...
Dans ce livre, Patrick Rambaud a inventé de toutes pièces deux émissions de Bernard Pivot qui auraient pu avoir eu lieu des années plus tôt.
Tous les propos tenus par les écrivains censés y avoir participé l’ont été un jour ou l'autre par eux lors d’émissions radios, télés ou lors d’interviews qu’ils ont accordés. Il s'est donc tenu à ne faire que la mise en scène et l’ordre des dialogues, ainsi que le travail de recherche.
Rambaud, nous dit d'emblée ceci : « Comprenez : ils écrivaient leurs livres eux-mêmes, ils avaient donc des idées plus précises de leur travail et de la littérature que bien des invités d'
« Apostrophes » et de « Bouillon de culture »..
Ce livre est divisé en deux parties. La première est une émission consacrée au thème « Peut-on tout dire ? » et Céline, Breton, Queneau, Cendrars et Vian sont censés y avoir participés. Elle m'a donné une certaine impression de rigidité des personnages, comme si Rambaud n'était pas arrivé à donner vie à ces auteurs. Etaient-ils par trop imbus d'eux-mêmes, par trop ennemis, par trop intransigeants, par trop différents ?. Le fait est que je suis resté comme un spectateur distant qui ne rentre pas dans le jeu…
La seconde partie aurait été une émission sur la question « A quoi servent les romans ? »
Mauriac, Sartre, Camus, Malraux et Cocteau. y auraient assisté. Ici, le ton est beaucoup plus enlevé, les personnages prennent vie et tout coule davantage comme si cette émission avait pu se tenir. Il faut dire aussi que nous volons à un autre niveau !… Pivot se fait mettre en boîte par Camus sur la question de la peine de mort, Cocteau nous lâche quelques très belles réparties sur ce qu’est l’écriture, la poésie. Sartre ne mange pas encore Camus tout vif et Malraux ne pense pas qu’à sa propre légende. Mauriac n'est pas attaqué avec trop de virulence et ne se défend pas mal dans son rôle.
Ce qui me semble intéressant dans l’exercice c'est de retrouver certaines constantes dans ces propos d'auteurs. Il apparaît que tous semblent trouver qu'écrire est vraiment une chose très dure, qui demande un très gros effort. A la différence de Céline,
les écrivains de la seconde émission attachent davantage d’importance au fond qu’à la forme et partent du principe que la forme vient en plus, comme un extra non recherché. Cette position n'est évidemment pas valable pour les poètes.
J'adore cette réplique de Cendrars à Breton qui gage qu'il n'a jamais pris le Transsibérien : « Le Transsibérien, qu’est ce que ça peut foutre que je l'aie pris ou non, si je t’y ai emmené ! »
Cela fait un drôle d’effet de retrouver des phrases entières de certains livres que nous avons lus de ces auteurs, comme celle de Céline qui défend son style en prenant Van Gogh, Bosch et Debussy pour exemples, ainsi que celle de Malraux qui reprend la réplique de Garine, dans « Les Conquérants », quand celui-ci parle des pauvres.
Un livre qui peut éclairer certains sur des auteurs qu'ils ne connaissent pas ou assez peu. Peut-être pourrait-il aussi leur donner l’envie de lire l’un ou l’autre livres de ces auteurs ? L’exercice valait la peine d'être tenté.