Autoportrait
de Helmut Newton

critiqué par Sahkti, le 19 septembre 2007
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Parcours de photographe
Qui n’est pas un jour tombé devant des clichés d’Helmut Newton ? Tout comme Herb Ritts, il était le photographe des stars mais il était plus que ça. Outre son talent photographique indéniable (que l’on aime ou non ses compositions, la qualité est là), son itinéraire biographique, peu livré jusqu’à présent aux outrages de la presse people, est assez méconnu et plutôt intéressant. Enfant né dans une famille juive berlinoise aisée, la famille Newton voit sa vie transformée avec la promulgation des lois raciales de Nuremberg. Le père Newton ne peut plus diriger sa propre fabrique de boutons et Helmut doit quitter l’école pour travailler, c’est ainsi qu’il obtient un poste d’apprenti chez un photographe. Ce dernier, Yva, lui apprendra le maniement des appareils, les secrets d’un bon tirage et les critères de réussite d’une photo parfaite. L’occasion pour Herlmut Newton d’utiliser à profusion et pour de bon son premier appareil photo, un Box Tengor de marque Agfa, acheté deux ans plus tôt avec son argent de poche et pas encore vraiment rentabilisé, le petit Helmut (douze ans alors) étant plutôt découragé par les nombreux essais ratés.
Cet apprentissage sera malheureusement de courte durée, la Nuit de Cristal convainc les parents Newton de fuir l’Allemagne. Les rafles font rage, Helmut est envoyé en extrême urgence à Singapour alors que ses parents prennent le chemin de l’Amérique du sud. Séparation définitive entre un fils et son père. Beaucoup d’émotion et de dignité dans les mots d’Helmut Newton lorsqu’il parle de cette époque, de ce père qui lui a tant manqué, de ce pays natal déchiré. Beaucoup d’humour et de cynisme également : Helmut Newton n’hésite pas à expliquer comment il s’en est sorti pendant les premières années, il fut ce qu’on nomme communément un gigolo, un homme entretenu par des femmes toutes plus belles et plus riches les unes que les autres, dans lesquelles il puisera son inspiration mais aussi les moyens de sa subsistance.
Ayant quitté Singapour pour l’Australie (où il devient soldat !), Helmut Newton devient photographe de mort après son mariage avec une actrice. Il devra attendre Londres et Paris pour enfin décoller, publier des clichés de décoration, de mode puis se lancer à cœur ouvert dans la tendance du porno chic.

Au delà de ces notions biographiques instructives pour comprendre le parcours chaotique des débuts photographiques de Newton, cet autoportrait brosse également un tableau peu complaisant du milieu de la mode et de la presse ; sans doute l’occasion pour Newton de régler quelques comptes avec de vieux ennemis (l’ouvrage a été publié en 2002 par Doubleday à New York et n’a paru que récemment en français, , de manière complètement bricolée!, juste après le décès de l’artiste fin janvier).
Mais l’essentiel n’est pas là à mes yeux, il réside dans cet enthousiasme, cet engouement presque viscéral que l’on ressent chez Newton pour la photographie, plus qu’un art, un moyen de s’exprimer et de vivre au sens noble du terme. La photo lui permet de se créer des paradis, des oasis de quiétude, lui permettant peut-être d’oublier certains troubles du passé. Elle lui offre également la possibilité de fixer sur papier les horreurs humaines, en faisant ressortir leur profonde absurdité au milieu de la beauté.

Ce qui n’empêche pas cependant une étrange impression de prendre place devant certaines photos (Leni Riefenstahl et Helmut Newton, main dans la main et yeux dans les yeux) ou certains passages. Une biographie pas vraiment racolage populaire mais qui propose toutefois sa dose de scandale et de provocation. A l’image de son auteur, photographe autoritaire et fantasque à qui tout était permis et que la mort a rattrapé sur une route de campagne. Un être narcissique et souvent agaçant, fasciné par le quotidien, d’une nature égoïste (des traits de caractère qu’il reconnaît et assume), n’obéissant à personne et faisant ce que bon lui semble.