Un château en forêt de Norman Mailer

Un château en forêt de Norman Mailer
( The castle in the forest)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Cuné, le 11 octobre 2007 (Inscrite le 16 février 2004, 57 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 508ème position).
Visites : 7 418  (depuis Novembre 2007)

Inter faeces et urinam nascimur

« Inter faeces et urinam nascimur », disait Odon de Cluny (nous naissons entre la merde et l’urine), Norman Mailer a décidé de rester résolument dans cette tonalité tout au long des quatre cent quarante huit pages de ce copieux roman.

Le narrateur est une entité du mal. Incarné quelques temps dans un officier SS, il reste cependant peu défini, peu au courant du fonctionnement de son « patron », le Maestro (le diable), ou du camp d’en face, le Dummkopf (Dieu). (Dummkopf, ou DK familièrement, = idiot en allemand).
Sa mission est de suivre le petit Adi, et pour bien nous en exposer tous les tenants et aboutissants, c’est jusqu’au grand-père d’Adolf Hitler que nous remontons. D’épisode licencieux en cours sur les abeilles (avec deux scènes « marquantes », l’extermination d’une ruche touchée par la maladie par gazage, puis la crémation…), nous suivons donc toute la famille Hitler jusqu’à la fin des études (courtes) d’Adolf….

La thèse du narrateur, c’est qu’un enfant résultat d’un inceste au premier degré (puisque ici la mère d’Adolf est aussi la fille de son mari, leur père à tous deux, et de surcroît la mère de cette mère est aussi la demi-sœur du père… pas clair ? Dans le roman, c’est longuement explicité…) et nanti d’un seul testicule de surcroît, est prometteur pour le côté du mal. Cela produit des lots entiers de dégénérés, et parfois, très rarement, un sort du lot et a des dispositions inouïes pour servir le mal, pour peu qu’on le maintienne dans cette voie… Il s’avère que l’enfance d’Adolf tiendra toutes ses promesses, en ce sens.

Narré d’une plume graveleuse et souvent même scabreuse, cette enfance d’Hitler s’excuse régulièrement de choquer le lecteur, y compris même en l’amusant : plusieurs digressions sur ce fait. D’autres encore, avec malice, pour nous parler d’une mission intermédiaire en Russie, avec ce formidable avertissement, page 214 : « Si certains lecteurs persistent à dire : « J’aimerais mieux continuer à suivre le récit des évènements survenus à Hafeld », je leur répondrai ceci : « C’est votre droit. Reportez-vous directement à la page 255. C’est là que reprend l’histoire d’Adolf Hitler. »

On pourra dire tout ce qu’on voudra de la plume de Norman Mailer, elle s’y entend toujours comme personne pour prendre le lecteur dans ses filets et ne pas le lâcher durant tout le temps qu’elle aura décidé de jouer avec lui. « Pour tout le reste, un personnage est le fait d’une succession de choix », nous dit-il en fin de livre. Mon choix est de le suivre, toujours, et où qu’il aille. Je gage que sur ce roman précis, ce ne sera pas le cas de tout le monde…

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Trilogie inachevée

9 étoiles

Critique de ARL (Montréal, Inscrit le 6 septembre 2014, 39 ans) - 13 avril 2015

Norman Mailer entrevoyait une trilogie sur la vie d'Adolf Hitler, rédigée par un démon sous le joug duquel le petit Adolf s'est développé pour devenir le Hitler que l'on connaît. Malheureusement, il est mort peu après avoir terminé l'écriture de la première partie, Un château en forêt. Heureusement, le roman peut être lu et apprécié à part entière sans même savoir que deux ouvrages devaient lui succéder. En fait, non seulement j'ai apprécié ce livre, mais je l'ai adoré.

L'idée de base pouvait si facilement glisser dans la facilité que c'est en soi un tour-de-force de l'avoir menée à terme. Mailer construit sa propre vision de l'enfance de Hitler en mélangeant le fait à l'invention sans jamais se soucier de la validité historique de ce qu'il avance. J'ai trouvé l'entreprise intéressante. L'ambiance est malsaine, les personnages sont extrêmement "réels" et leurs personnalités sont très bien campées.

Autre point positif, le démon qui sert de narrateur explique les "coulisses" de son travail et on ne tombe jamais dans le trop-plein de facilités surnaturelles. C'est même surprenant que le roman nous laisse malgré tout une forte impression de réalisme.

Le dernier de Mailer

4 étoiles

Critique de Chene (Tours, Inscrit le 8 juillet 2009, 54 ans) - 18 mai 2010

J'attendais beaucoup de ce livre... Peut être trop...
L'idée de Norman Mailer est à la base géniale : Hitler n'était pas un homme ordinaire (la thèse de Hannah Arendt soutient que les nazis étaient des hommes ordinaires)... Non... Hitler avait des prédispositions presque surnaturelles. Premièrement, il était né d'un double inceste. Deuxièmement il était envoûté depuis son enfance par les forces du mal, le diable, en personne.

Cependant on finit par s'ennuyer. De longs passages sur un père autoritaire et sa passion pour les abeilles... La jalousie du jeune Hitler envers ses frères... Une famille sans intérêt....

Bizarrement c'est le passage sur le couronnement du Tsar Nicolas II, qui n'a rien à voir avec le reste de l'histoire qui m'a le plus intéressé.
Je suis assez d'accord avec la critique de Jean Meurtrier pour dire que la fin semble avoir été bâclé. Un livre trop lourd pour être mené à son terme par un écrivain fatigué ?
Dommage.

La jeunesse hitlérienne

7 étoiles

Critique de Jean Meurtrier (Tilff, Inscrit le 19 janvier 2005, 49 ans) - 18 novembre 2008

Hélas, en raison de la mort de son auteur, ce livre est définitivement orphelin de sa suite. Alors qu’il est censé nous éclairer sur la jeunesse du führer, c’est plutôt son père que le lecteur va suivre, Aloïs Hitler Senior étant ici bien plus tangible que son tristement célèbre fils.
Pour son roman biographique, Norman Mailer s’appuie sur une sérieuse documentation, tout en ajoutant une composante métaphysique avec le rôle influent des démons. Ces derniers, ainsi que les anges, ont un comportement fort humain et peu cohérent qui rappelle dangereusement l’univers werberien. Mailer ne plonge toutefois pas si bas, sinon par son penchant pipi-caca lourdement prononcé, qui n’empêche pas la narration d’être d’une excellente facture, surtout au début. Par ailleurs, il persiste en moi le sentiment que la fin a été sensiblement bâclée.
En jouant sur l’intervention intempestive des démons dans l’éducation d’Hitler, l’auteur mise fermement sur le déterminisme, insistant notamment sur des hypothèses historiques aux aspects spectaculaires supposés marquer le jeune Adolf au fer rouge. Malgré ce parti, la jeunesse d’Hitler ne m’a paradoxalement pas semblé hors norme pour l’époque. Nonobstant la linéarité spécifique à ce type de biographie, cet ouvrage se lit avec un intérêt conséquent.

S(c)eptique

6 étoiles

Critique de Fa (La Louvière, Inscrit le 9 décembre 2004, 49 ans) - 24 octobre 2008

Hitler est l'oeuvre du malin, et d'une conjonction de perversités qui n'a pu conduire qu'à la production de ce monstre, dépourvu de toute humanité, voilà la thèse de Mailer.

Ce personnage est présenté comme le fruit d'une famille incestueuse à de multiples degrés, famille dont les membres semblent issus en droite ligne de Sodome et Gomorrhe. Comme si son histoire personnelle n'ait pu aboutir quà "ça".

Je préfère l'approche de Littell : l'humanité elle-même génère les pires monstruosités; les démons qui nous taraudent sont ceux de notre conscience.

Je suis donc assez mitigé et me rallie à la critique de Ambreen.

Un déconcertant clap de fin

5 étoiles

Critique de Ambreen (, Inscrite le 14 mai 2008, 41 ans) - 14 mai 2008

L'ultime livre de Norman Mailer, mort le 10 novembre dernier.

Une biographie fictive d'Hitler explorant les seize premières années du futur Führer, premier volet de ce qui devait être une trilogie, voilà comment se présente la chose. Particularité : le narrateur est un démon au service du Maestro (alias Sa Majesté, alias Satan) qui apparait au début sous les traits d'un SS nommé Dieter et qui nous révèle qu'il a été chargé de s'occuper du petit Adolf (Adi pour les intimes), promis au "grand destin" que nous connaissons tous. Parce qu'Adi n'est pas n'importe quel enfant : il est le fruit d'une union incestueuse qui fait de lui une personne exceptionnelle (Dieter développant à cet égard une théorie abracadabrante selon laquelle une minorité d'incestes ne donnent non pas naissance à des enfants retardés mais à des êtres uniques dotés d'un extraordinaire potentiel) et par là-même un "client" privilégié du Maestro. S'ensuit le récit des méthodes employées par le narrateur et destinées à faire passer progressivement le garçonnet puis jeune adolescent du côté obscur de la force ; on voit Adolf évoluer au sein de sa famille et développer certains penchants mauvais ne laissant rien augurer de bon pour la suite.

Le concept est quelque peu saugrenu et assez manichéen ( Adolf Hitler est un grand vilain-méchant-pas-beau depuis tout petit voué à très mal tourner plus tard). Et puis cette insistance sur l'inceste, qui devient au fil des pages quelque chose de complètement banal (au fur et à mesure du récit, on en oublierait presque que les parents d'Hitler sont frère et soeur - Précision : ceci n'est que fictif, il y a eu des soupçons de consanguinité, on a un temps cru qu'ils étaient oncle et nièce mais ça n'allait pas plus loin - ) est écoeurante, tout comme les considérations scatologiques diverses et variées : la merde est omniprésente.

Les nombreuses digressions (dont une assez énorme sur le couronnement du Tsar Nicolas II) ne facilitent pas les choses, on se perd facilement parmi tout ce dédale d'évènements historiques ou de théories farfelues entrecoupant la trame initiale. Sans compter ces pages interminables sur l'apiculture de A à Z...on est heureux lorsque le frère ainé brûle les ruches après une violente dispute avec son père : plus d'abeilles égale plus de descriptions ultra-techniques d'un ennui profond.

En fait, je n'avais jamais lu Norman Mailer auparavant; c'est sans doute en partie à cela qu'est due cette lecture non concluante, avoir lu des oeuvres antérieures m'aurait peut-être procuré des clés pour comprendre celle-ci.

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