Un goût de rouille et d'os
de Craig Davidson

critiqué par Mmerliere, le 17 décembre 2007
( - 62 ans)


La note:  étoiles
Tranchant et humaniste
Tranchant et humaniste

Dans les huit nouvelles qui composent ce livre,les corps souffrent et les masques tombent. Craig Davidson nous révèle une humanité sans fard où les blessures physiques et morales poussent les héros de ces histoires courtes à se surpasser.
Tous doivent vivre avec une profonde souffrance et font leur possible pour la surmonter avec plus ou moins de bonheur. Ainsi cet homme ne pouvant avoir d'enfant qui transfère sa paternité sur une chienne qu'il dresse pour des combats sanglants ou encore ce boxeur qui combat jusqu'à l'épuisement dans des matchs clandestins tellement il s'en veut de n'avoir pu sauver son jeune cousin de la noyade dans un lac gelé.

Un mot d'ordre commun à tout les récits : «ne pas s'apitoyer sur son sort». Mais ça ne dédouane pas les personnages de nous livrer leurs états d'âmes. Craig Davidson sait, sans misérabilisme, nous faire partager le ressenti profond de ceux dont les cicatrices ne peuvent se refermer. Les personnages, sensés et sensibles, sont dépeints avec force. Difficile de quitter une nouvelle avant son terme. La nature humaine y est croquée grandeur nature. Parfois les protagonistes ont à se battre contre eux-mêmes, contre leurs pulsions.

Ce livre singulier fait songer par son intensité à «Trailer Park» de Russel Banks.
Le style est direct, sans fioriture. L'auteur tranche dans le vif et ne laisse rien passer.
On est fasciné par ce monde violent, imprudent, et, par la rapidité avec laquelle un être peut basculer.


Albin Michel - 21,50 EUROS
De Rouille et d'os 6 étoiles

Manifestement bien écrit ce livre ne m'a cependant pas tellement emballé. Certaines nouvelles sont d'une dureté incroyable comme celle des combats de chiens.

D'autre part je ne comparerais pas cet écrivain à Russell Banks qui sait décrire des situations des plus pénibles mais sans aller jusqu'à une telle cruauté.

Ceci ne m'empêchera cependant pas de faire une seconde tentative avec cet auteur.

Jules - Bruxelles - 80 ans - 24 août 2012


Intense et beau 8 étoiles

« Il y a vingt-sept os dans la main humaine… » est une phrase d’une évidence brutale qui fait du prolongement banal de notre corps un objet insolite. C’est également la première phrase de ce recueil de nouvelles. Nous sommes de chair et d’os, et le goût du sang, le craquement sinistre d’un tibia nous rappelle à l’occasion que ce que qui est perçu à l’intérieur de notre pulpe intime est différent de ce que nous saisissons du monde, il y a une frontière entre ces deux univers qui n’est traversée que par la morsure de l’émotion ou de la souffrance ; amour et douleur dansent et se battent autour de cette zone avec des réflexes de crotale.
Dans ce recueil, Craig Davidson écrit un texte original et intense autour du chant de la douleur. La première nouvelle en signe le thème principal sur une ébouriffante partition de littérature. Là, le héros vit de la violence pour expier, pour éteindre la souffrance morale qui hurle en lui depuis un drame familial dont il se sent coupable. Culpabilité et violence. Davidson sculpte des mondes puissants de réalisme avec ces deux outils, et la musique admirable de son métier en écrit le fond sonore.
On le compare à Palahniuk, dont la littérature traite des mêmes principes sociaux : l’énergie de la violence, la permanence de l’absurde et l’intimité de la douleur. Une littérature brute de réalité, plus en accord avec la vie. C’est la profondeur de ces mondes imaginaires plus puissants et plus vrais qu’un reportage télévisé. Des obus qui percutent la matière littéraire jusqu’à en faire jaillir la moelle de l’homme. On le compare à Palahniuk, mais c’est à Maupassant que je pense. Le savoir-faire formel y est tout aussi maitrisé et devient un style à part entière, plus proche du vivant. Ce sont des uppercuts, des coups de dents, des larmes, du sang, des rires, des remords, de la tendresse, de la littérature brutale et obsédante mais dans ce qu’elle fait de meilleur, parce que les personnages qui hantent ce recueil semblent aussi réels que des frères et leur souffrance deviendra votre souffrance bien après que vous ayez refermé le livre de leurs vies.
A lire. A lire d’urgence même.

Leloupbleu - - 50 ans - 5 février 2012


The best is yet to come 9 étoiles

Craig Davidson m'a épaté comme peu d'auteurs l'ont fait depuis longtemps, il m'a même épaté tout simplement, indépendamment des autres.

Quel brillant et fulgurant jeune auteur qui arrive à ressortir de sombres histoires traversées par de tragiques et tristes destins, un infini espoir, une humanité terrée dans l'ombre et la poussière et une improbable douceur.

"Reprendre le contrôle de sa vie ou la laisser filer".

Cette phrase citée par un magicien hanté par sa mort "en direct" à la télévision, dans la dernière nouvelle de ce recueil, est la rengaine des personnages croisés dans ce roman: survivre, se dépasser, lutter et faire avec sans baisser les bras. Comme s'ils avaient perpétuellement en tête cette belle chanson de Sinatra: "The best is yet to come".
Même s'il va falloir se battre et endurer, souffrir, pleurer, accepter, même si ça fait mal, même si c'est dur, comme si le fond avait déjà été touché, le meilleur reste à venir.

J'aime.

Lescapricesdenicolas - - 41 ans - 2 décembre 2011