L'Envol
de Philippe Delerm

critiqué par Jules, le 12 octobre 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Vraiment par trop léger
Les Editions du Rocher viennent de rééditer ce très petit texte de Philippe Delerm. Le format en est agréable et le papier a un toucher très chaud. Quant au reste…
Bien sûr c'est bien écrit, on ne concevrait pas un livre de Delerm qui ne le soit pas. Mais c’est vraiment très léger !…
Delerm est très intéressé par la lumière et donc aussi par la peinture. Il nous l’a déjà prouvé dans des livres comme « Sundborn ou les jours de lumière » et « Autumn » qui nous parle des peintres préraphaélites et donc surtout de John Ruskin et Dante Gabriel Rossetti. Ici, le livre tourne autour d’un tableau, et d'une exposition, de Jean-Michel Folon.
Monsieur Delmas habite à Montauban. Il vit solitaire, sa mère avec laquelle il cohabitait est décédée depuis quelques années, et travaille à la préfecture. Ses principaux plaisirs lui viennent de petites promenades dans sa ville et du cinéma du samedi soir. Bref une vie que l'on pourrait qualifier de vraiment très terne et vide. Monsieur Delmas est un homme comme il en est beaucoup : on ne le remarque pas parce qu’il existe si peu... Pas d’amis, pas de relations avec ses voisins, ni même avec les commerçants de son quartier.
« Il menait solitaire une vie maladroite, empêtré dans ce corps qu'il s’était résigné à endosser comme un vêtement trop large. »
Un jour, tout en marchant, il remarque une affiche annonçant une exposition de Folon. La peinture ne l'a jamais intéressé, mais pourquoi pas ?. Il pleut quand-même… Il tombera en arrêt devant un tableau représentant de biens étranges oiseaux. De ce moment sa vie va se trouver changée. Monsieur Delmas va s'acheter un cerf-volant, puis il va se mettre à en fabriquer lui-même. Il se sent différent, plus léger et il lui arrivera même d’attirer l’attention d’un passant ou l’autre dans la rue.
Bref, il se sent devenir aussi léger que son cerf-volant. . Mais le texte aussi est léger… Vraiment très léger !
Je crois que seul un but commercial a pu faire naître l’idée de cette réédition isolée.

Voler pour fuir 7 étoiles

Courte nouvelle de Philippe Delerm dédiée aux hommes volants de Folon et à l'attrait qu'ils exercent sur un homme, Monsieur Delmas. Cinquantenaire rondelet à la vie routinière et morne, dont toutes les étapes d'une journée sont savamment calculées.
Un jour d'ennui, Monsieur Delmas entre au Musée des Beaux-Arts de Montauban, sa ville, et découvre une exposition de Folon. C'est la révélation, le choc. Emotion silencieuse mais ô combien perceptible. Monsieur Delmas a le coeur qui bat, le souffle court, ces hommes volants le font rêver. Il décide de s'initier au cerf-colant, le premier essai est un échec mais qu'à cela ne tienne, il en construirta un plus grand, un plus beau.
Chaque jour qui passe voit Monsieur Delmas entrer au Musée, s'attarder longuement sur un tableau différent, méditer et rentrer chez lui tout joyeux. Sa vie a été bouleversée, il assiste à des spectacles, s'attable à une terrasse de bistrot, ne bronche plus contre les jeunes et surtout, il rêve. Tout le temps. De l'inconnu. Du ciel. De la liberté. Et qu'y a-t-il de plus libre que le fait de s'envoler?

A signaler que Librio a publié dans un recueil (à deux euros) deux nouvelles de Delerm: celle-ci et Panier de fruits, le tout précédé d'une belle préface de Jean-Michel Folon dont j'ai eu l'occasion de visiter la fondation à La Hulpe, près de Bruxelles. On aime ou non Folon, j'avoue apprécier les tons pastels et ces grands bonhommes anonymes qui volent dans le ciel, tels des oiseaux épris de liberté.

Philippe Delerm décrit avec une subtile utilisation du langage cette soif de liberté qui, dans le cas de Monsieur Delmas, correspond à un besoin de fuir sa vie, de découvrir autre chose, de croire que l'herbe est plus verte ailleurs, ce qui est peut-être le cas. Je n'ai pu m'empêcher d'établir un parallèle saisissant avec la nouvelle "La chute de Habacuc" de Eriks Adamsons, tant les deux personnages principaux se ressemblent et ont des parcours similaires. Le style des deux auteurs est radicalement différent, léger pour Delerm et plus sombre pour Adamsons (sans parler de son symbolisme), mais dans les deux cas, il règne à la fin de la nouvelle une impression de liberté et en même temps quelques regrets face à ces hommes qui n'ont pas trouvé d'autre échappatoire à leur triste vie que le besoin de s'envoler. Loin.

Sahkti - Genève - 50 ans - 30 juin 2004