Je ne présente que fort peu de bandes dessinées signées Jean Dufaux. Non à cause de leur manque de qualités, mais parce que chaque fois, ou presque, leur lecture me laissent sans voix, sans mots. Ainsi, j’ai été séduit par la Complainte des Landes Perdues, Murena, Rapaces, Jessica Blandy, Monsieur Noir (véritable chef d’œuvre), Croisade, Niklos Koda… Oui, presque toutes ses séries sont remarquables et connaissent le succès (mérité) !
Quand j’ai lu le premier album de cette série « Le Bois des Vierges » j’ai été subjugué et il m’a fallu du temps pour prendre la décision d’en parler, d’oser écrire quelques lignes qui n’ajouteraient, de toute façon, rien à la qualité de cette histoire. C’est après avoir lu le second volet que je décide, enfin, à vous en parler pour éviter que certains bédéphiles et lecteurs ne rencontrent jamais ces personnages ! Une œuvre de salut public en quelque sorte !
Historiquement, on pourrait se situer dans des temps lointains, à la fin du Moyen Age ou au début de la Renaissance. Mais nous ne sommes pas dans une bande dessinée historique classique puisque les personnages appartiennent à trois catégories différentes : les humains, les bêtes de basse taille et celles de haute taille. Et tout commence quand les humains et les bêtes de haute taille, ayant signé un pacte d’alliance, on participe au mariage d’Aube, fille de prince humain, avec Loup-de-feu dont le nom vous fait comprendre qu’il est bien bête de haute taille…
Mais le mariage ne se déroule pas tout à fait comme prévu et il y aura, cette nuit, un drame violent, un meurtre sanglant qui fera revenir pour longtemps la guerre entre humains et bêtes…
Cette histoire, on le comprend bien, est un conte d’une force incroyable. Dès le premier tome, on touche aux grandes interrogations humaines, aux mythes les plus anciens : la guerre, l’amour, la haine, la vengeance, la trahison, le sacré, la parole donnée, les liens du sang… Tout est si fort qu’il est subjectif de mettre en avant un point ou un autre… Quoique…
« Lorsqu’une contrée est ravagée par la guerre aucun voyage n’est plaisant. L’on reste aux aguets, le sol résonne comme du fer, les gibets grincent, l’odeur des corps en décomposition s’attache aux vêtements et l’âme sombre vite dans cette désolation » et le lecteur peut penser au pauvre Ulysse rentrant de l’horrible guerre de Troie…
« Mais il ne vous suivra pas à la guerre, il a décidé de rester auprès de sa famille, de ses proches, ici à Rocaille, où nous tenterons l’impossible pour préserver la paix » et nous voyons toutes ses familles qui sont obligées de vivre la séparation cruelle à cause de ces guerres dont on ne revient presque jamais…
Le graphisme de Béatrice Tillier est absolument majestueux et totalement adapté à ce conte de Jean Dufaux. La dessinatrice est stimulée, de toute évidence, par une histoire qui touche notre cœur au plus profond, du coup elle dessine avec ses tripes, avec son sang, son énergie, son âme… et c’est magnifique ? Tout simplement !
Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 21 novembre 2010 |