Dieu et la science
de Grichka Bogdanoff, Igor Bogdanoff, Jean Guitton

critiqué par Rudzaw, le 19 janvier 2008
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Le métaréalisme, ou tenter de placer l'esprit avant la matière
Ce livre orchestre une discussion entre deux scientifiques qui décrivent la réalité en balayant toutes nos connaissances, de la cosmologie à la physique quantique, et un philosophe chrétien possédant une culture scientifique élevée.
Le style est très clair et très riche. Il éveille et stimule la curiosité du lecteur et décrit une réalité pleine de surprises. La vulgarisation des lois de la mécanique quantique est très bien faite. Les frères Bogdanov vont jusqu'aux confins de la connaissance et le plongeon vers l'infiniment petit est passionnant et instructif.
Sur le plan de l'interprétation des observations, la discussion ressemble à un dialogue de sourds. Les Bogdanov se contentent d'interpréter objectivement la science, alors que Jean Guitton ne cesse de décaler le sujet vers l'esprit, la conscience, l'ordre, la perfection, l'absolu, Dieu. Tout ce que la science décrit et commente est habilement détourné au profit de l'idée d'une action transcendante d'une entité intelligente, parfaite, spirituelle, qui n'est autre que Dieu. C'est tellement bien formulé que le lecteur peut être ému au point de se laisser piéger.
On perçoit un recours volontaire à l'idée d'esprit dans la description de l'aspect immatériel de la matière et dans sa comparaison avec un ensemble d'informations. On cherche à nous faire sournoisement avaler que tout ce qui n'est pas matériel est forcément spirituel, sans faire remarquer que l'esprit tel que nous le connaissons s'exerce à partir d'un support matériel, même si ce dernier n'est que champs et interactions. Igor Bogdanov met pourtant involontairement un coup d'arrêt à l'idée de création en reconnaissant que le temps absolu est absurde. Il y a une étonnante confusion entre réalité et matérialité. Il semble en effet que c'est bien la matière qu'on dit palpable et non la réalité. Une réalité non palpable peut se concevoir.
L'aspect raté du livre est la constante obsession de recherche de cause au big-bang. La création leur semble évidente alors qu'ils ont toutes les données pour y mettre du conditionnel. Le temps et l'espace n'étant que champs et interactions, la création à partir d'un monde transcendant et immatériel ne se justifie pas. Ce monde extérieur au sein duquel une conscience serait la cause du nôtre est en effet soumis à la même description d'une réalité immatérielle. Nous entrons donc dans un cercle vicieux et il faudra bien cesser de rechercher indéfiniment une cause à la réalité. Dès que nous atteignons la limite originelle de notre univers, l'ordre maximum, nous atteignons aussi la limite du temps, et une causalité sans temps me semble difficile à imaginer. On peut légitimement se demander ce que Dieu pourrait bien apporter de plus. Pourquoi ne pas s'arrêter justement à notre monde sans cause intelligible ? C'est d'autant plus facile que le temps ne semble pas exister au sens où nous le comprenons. L'invention du terme de metaréalisme, qui prétend associer physique et métaphysique, matière et esprit, est alors quelque peu dévié, car ce que notre connaissance de la mécanique quantique nous laisse entrevoir, c'est qu'il y aurait une infinité de mondes dans un océan infini d'énergie. Ce qui fait que notre monde si précis et fonctionnel deviendrait inévitable. Ce qu'on suspecte est la fin de la contingence de notre espace-temps. Le rejet de cette contingence entraine le rejet de la création et de Dieu. Les Bogdanov n'ont pas voulu comprendre cela, comme ils n'ont pas voulu détruire le beau rêve du vieillard.
La question est posée 6 étoiles

Ce livre est le résultat d'entretiens, entre d'une part Igor et Grichka Bogdanov, scientifiques astrophysiciens bien connus, et d'autre part Jean Guitton, philosophe, mais également érudit en sciences.
L'objectif était ambitieux : s'appuyer sur nos connaissances actuelles en physique quantique pour prouver l’existence d'un Dieu créateur et ordonnateur de l'univers.
Hélas, en guise d'entretiens, on a trop souvent une juxtaposition de monologues, sortes de dialogue de sourds, où l'on se demande si réellement les protagonistes ont discuté entre eux.
D'ailleurs Jean Guitton ne cherche pas à utiliser les propos des frères Bogdanov comme bases de réflexions et de déductions. Il part de « sa » conclusion, pratiquement posée comme postulat. Il écrit par exemple au troisième chapitre : « Cet argument est de taille, mais il n'entame pas ma conviction », « Cette expérience renforce mon intuition première », « De tels chiffres ne peuvent que renforcer ma conviction ».
Je rejoins le commentaire pertinent de Rudzaw. Certes le livre est intéressant, mais il ne répond pas à l'objectif attendu.

Bernard2 - DAX - 75 ans - 4 novembre 2016