Nature morte avec oeuf
de Camille Rebetez

critiqué par Sahkti, le 23 janvier 2008
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Faire fi de la Création
Quel texte étrange et loufoque que celui-ci! Trivial et sublime à la fois, il évoque le commerce des corps.
Evariste est impuissant, il souhaite engrosser Violette la bossue, sous les conseils de Thérèse qui lui parle des pouvoirs magiques de la bosse et sous les yeux de Jacob, car des ébats publics favoriseront ses chances de reproduction. Evidemment, ça ne marche pas et Jacob prend le relais sur Violette. C'est le début d'un engrenage sombre et cynique et rapidement, le lecteur réalise que Evariste ne voulait peut-être pas réelelment se soigner mais dire flûte au créateur en lui montrant à quel point les erreurs de son travail (un impuissant, une bossue tapineuse, une rebouteuse fatiguée...) pouvaient se retourner contre lui et s'asseoir sur cette beauté tant revendiquée par Michel-Ange.

Il y a là une réflexion intéressante sur la norme, sur la conception, sur le machiavélisme aussi, car petit à petit, on se rend compte que chacun dans cette pièce joue un rôle assez trompeur et qu'il va progressivement changer de visage, brouillant les cartes tenues en mains par le lecteur mais aussi les règles bien établies non seulement de vie en société mais aussi de respect d'un ordre immuable mis en place par quelqu'un qui nous échappe.

Un texte étonnant, je le répète, qui m'a plu pour son inventivité et sa puissance. Le propos est violent, tout cela est bien écrit (et demande un jeu de scène exigeant, j'imagine, je n'ai pas vu la pièce jouée) et il y a un petit côté absurde qui me plaît bien, car l'absurdité est souvent bien plus proche de la réalité qu'il n'y paraît.