De l'acte
de Louis Lavelle

critiqué par Sébastien Robert, le 1 février 2008
( - 41 ans)


La note:  étoiles
Je pense donc je participe
En 1928, le philosophe Louis Lavelle (1883-1951), encore méconnu, publiait chez Alcan un petit traité "De l'Être", qui ouvrait sa grande Dialectique de l'éternel présent que seule la mort viendra interrompre. Dans le sillon de Ravaisson, de Bergson mais aussi de Brunschvicg, Lavelle concevait l'esprit comme une unité vivante et créatrice. C'est cette capacité de l'esprit à improviser, à se reprendre sans cesse face au monde, qui fit naître chez le philosophe ce sentiment d'émerveillement devant toutes les oeuvres de l'esprit.

Ainsi, postulant que l'être est "partout présent tout entier" en chaque point de l'univers, Lavelle dût d'abord se justifier de cette formule aux accents spinoziste. Il rencontra à la Sorbonne quelques froncements de sourcils et un certain insuccès. Cette thèse énigmatique de l'universalité et de l'univocité de l'être, n'était que l'introduction d'une grande critique de la philosophie idéaliste d'Hamelin qui soutenait que l'être était le produit de l'intelligence. Pour Lavelle, au contraire, la présence de l'être est première, et c'est par l'analyse que l'être se diffracte et devient objet. Ainsi, le philosophe répondait également à Bergson, en montrant l'insuffisance de l'intuition métaphysique et la nécessité, pour le philosophe, de réintroduire l'analyse dans le champs de la pensée.

"De l'Acte", publié pour la première fois en 1937, est reédité en 1992 avec une préface de l'excellent Bruno Pinchard, adepte de la formule heureuse et capable de produire d'admirables synthèses. Ce traité, est le second volume de la grande dialectique lavellienne. Louis Lavelle y justifie son ontologie et lui donne une dimension existentielle. L'être est total et partout le même parce qu'il est acte. C'est l'acte simple de l'intelligence qui donne à l'être la possibilité d'être pensé, et de se spécialiser. L'acte de l'intelligence, qui est celui d'une participation à l'être, divise ainsi le tout en essence et en existence, en acte et en donnée, parce qu'il est le moyen même de l'analyse.

Faisant de l'homme, avant Sartre, un "existant" découvrant et accomplissant sa vocation, Lavelle place donc la liberté au sommet de sa philosophie : l'homme participe librement de l'être, et en participant se construit, découvre et ordonne les valeurs, constitutives de son être.

De l'Acte est aujourd'hui un ouvrage majeur de la métaphysique française du XXème siècle.