La position du tireur couché de Jean-Patrick Manchette
Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers
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Qui ne dit mot descend
Je n’étais pas sans ignorer l’importance de Manchette dans l’histoire du roman noir français, mais de là à l’avoir lu, il y avait un pas, que j’ai franchi cette semaine avec stress et passion, ce qu’était loin de me procurer la lecture de Winterkill, de C.J. Box, que j’ai interrompue et punie, pour cause de manque flagrant de personnalité.
Manchette est considéré comme le père (le pape?) du néo-polar (non, on ne se lancera pas dans des définitions bidon de styles). Il a été dialoguiste pour le cinéma, critique de littérature policière en plus, je le crois bien, d’avoir été l’un des auteurs très influents de la série noire. Reconnu pour ses prises de position politiques, La Position… fait trêve de propagande pour offrir un récit noir pratiquement parfait qui prend autant racine dans la pure tradition que dans la modernité (ce roman est le chant du cygne – je déteste cette expression – de Manchette, après quoi il s’enferme, atteint d’une grave forme d’agoraphobie, et meurt d’un cancer du poumon en 1995).
Le protagoniste est purement Hardboiled, quoique réservé. Martin Terrier, qui se fait appeler Christian par ses employeurs, a été recruté par un certain Stanley lors de son passage dans l’armée. Son sang froid et ses réflexes lors d’une attaque surprise ont fait de lui le candidat parfait pour la Compagnie. Et voilà Terrier, des années plus tard et une douzaine de meurtres à contrat à son CV, qui décide d’accrocher son revolver et de (tenter de) mener une vie normale. Même si on lui propose un dernier contrat, et au gros prix, Terrier refuse et croit tenir le gros bout du bâton. Mais ne décroche pas qui veut, surtout lorsque l’engrenage est parti.
Ainsi, les embûches empêtreront son lent chemin vers la retraite, à commencer par Anne Freux, celle qui, dix ans plus tôt, avait convenu avec lui de l’attendre dix ans pour mieux consumer leur amour. Terrier était peut-être le seul à s’en rappeler, car la belle Anne, maintenant alcoolique, s’est mariée à Félix, qui faisait aussi partie du groupe dix ans plus tôt. Cela n’est pas pour empêcher Terrier de mener à bien son plan et de manifester son désir d’emporter Anne avec lui. Malheureusement, cette histoire ne sera pas réglée qu’à grands coups de paroles.
Puis se multiplient sur son passage les meurtres de proches, les saccages d’appartement et les filatures. La Compagnie prend tous les moyens pour le faire revenir. Mais s’agit-il seulement de la Compagnie?
Terrier est un personnage dur et, comme je l’ai dit, réservé. On apprend sur lui au compte-goutte, et la soudaine aphasie qui le frappe à mi-parcours le rend encore plus interdit. La narration à la troisième personne rend parfaitement la retenue du personnage en étant avare de renseignements et en les divulguant de façon parcimonieuse et stratégique.
Étrangement, malgré l’épuration et la froideur de l’écriture, les descriptions sont plutôt fréquentes. La plupart des pièces et personnages sont dépeints avec minutie et force détails. Heureusement, on reste malgré tout dans la brièveté, et bien souvent, ces descriptions se terminent avec un certain punch qui sert l’histoire.
La Position du Tireur Couché est un roman noir prenant et haletant, et son écriture sèche et brève cache bien un surprenant souci de détail et de minutie. Un roman presque parfait, donc, avec une finale un peu tirée par les cheveux, mais somme toute magnifique.
Les éditions
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La position du tireur couché [Texte imprimé] Jean-Patrick Manchette
de Manchette, Jean-Patrick
Gallimard / Folio. Policier
ISBN : 9782070406401 ; 6,90 € ; 23/10/1998 ; 195 p. ; Poche
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Un polar ? Où ca ?
Critique de Mimi62 (Plaisance-du-Touch (31), Inscrit le 20 décembre 2013, 71 ans) - 9 octobre 2022
Lorsque l'on aborde un roman classé roman policier, on s'attend à rencontrer, une victime, une enquête dont l'objectif sera de découvrir le coupable.
Pour ma part, l'enquête constitue le moteur du roman, ce qui invite à tourner la page mais l'intérêt du récit se trouve dans st tout ce qui l'entoure, le milieu, l'époque, les personnages où le lecteur est convié à évoluer. Ce sont ces aspects qui feront que je me souviendrai de l'ouvrage.
Dans le roman dont il est question ici, les victimes sont justes anecdotiques, elles ne sont mentionnées qu'en étant le fruit du travail du personnage principal. Ces victimes sont considérées comme le résultat de sa production, comme autant de boîtes de cassoulet ou de mètres de clôture repeinte. Elles n'ont pas plus de consistance humaine ou émotionnelle.
En ce qui concerne l'enquête, elle est très facile à présenter, à résumer, elle n'existe pas.
Reste donc l'un des personnages clés du roman policier : l'enquêteur. Là aussi le propos est bref, pour la même raison : pas d'enquête donc pas d'enquêteur.
Que reste-t-il donc pour constituer un roman policier ?
Un suspense peu soutenu concernant le désir de vengeance de proches d'une cible exécutée par le tueur.
Plutôt qu'un polar, j'y ai davantage vu une biographie fiction d'un romantique transformé en tueur afin d'atteindre l'objet de son rêve affectif, le tout en étant totalement coupé du monde extérieur. Tout se déroule dans le microcosme tueur, employeur.
Il est plusieurs passages également où il est difficile d'identifier qui est qui, ce qui peut davantage faire penser à une atmosphère de roman d'espionnage ou à un individu vivant dans une sorte d'absolu idéalisé, sans repère autre que lui-même, sans objectif autre que celle qu'il a élue sans toutefois tenir compte des désidérata de la bienaimée.
Vu sous cet angle, le sujet présente un peu plus d'intérêt mais cela ne devient pas exaltant pour autant car l'humain en est absent, la sensibilité inconnue, l'affectif hors sujet.
Cet auteur est présenté comme étant l'instigateur du nouveau polar. J'avoue n'absolument pas comprendre en quoi il a renouvelé un genre qui, aussi critiquable puisse-t-il être avait le mérite de proposer des récits contenant des ressorts dramatiques.
Si c'est ainsi que se présente le nouveau polar, je m'interroge grandement sur ce que je lis et classifié comme tel.
Où se trouvent l'Angleterre victorienne d'Anne Perry, celle du Moyen-âge de Ellis Peters ou Peter Tremayne. Où sont ces villes bouillonnantes de la fin du XIX début XXème avec Frank Tallis à Vienne, Les soeurs Izner à Paris, Jean Contrucci à Marseille. Où est l'Egypte sous les pharaons avec Christian Jacq ou plus récente avec Elizabeth Peters.
Où est le Paris du XVIII de Jean-François Parot dont les épisodes télévisés ne révèlent rien de la richesse des romans.
On pourrait également évoquer Giacometti Ravenne évoluant dans l'univers des francs-maçons.
Certains jugeront peut-être l'écriture pas assez littéraire mais dans le roman qui nous intéresse ici, l'écriture n'est pas le point pouvant interpeler. Reste à savoir ce que l'on recherche dans l'écriture. Mon critère est qu'une bonne écriture est comme une bonne musique de film, on n'y pense pas quand on la lit, elle est au service du lecteur pour qu'elle l'immerge dans l'écrit de l'auteur. L'écriture n'est pas un objectif en soi.
Sans être un mauvais livre, c'est un ouvrage que je vais très vite oublier. L'absence de saveur et de consistance ainsi que celle d'un sujet qui interpelle ne peuvent permettre à la mémoire de s'y ancrer.
L'intrigue se situe peut-être là . Comprendre pourquoi ce roman est cité par certains comme une référence.
Peut-être suis-je passé à côté de quelque chose, peut-être me manque -t- il des clés ? Merci de votre générosité pour éclairer ma lanterne.
En tant que polar, je ne lui attribue guère plus de 1*
En tant que roman sur un homme égocentrique évoluant dans un univers isolé du reste du monde, on peut monter à 3*
Un solitaire
Critique de Antihuman (Paris, Inscrit le 5 octobre 2011, 41 ans) - 15 août 2014
Avec La position du tireur couché de Manchette c'est différent, ce qui débute est humble mais le reste qui suit étonne, et enfin sort totalement des ornières de mémère. C'est un classique qui, à peu de choses près, peut poser des bases. L'itinéraire de ce Martin Terrier, pas vraiment tueur pas vraiment normal, devient une sorte de quête du Graal épique digne d'Ulysse et de son Odyssée (dont Manchette lui-même finit par se moquer, d'ailleurs.) Dommage parceque dans le genre gros lard de la noire littérature, J-P n'était pour sa part plutôt pas du genre modeste.
Mais il n'empêche que ce livre est un joyau exquis pas forcément accessible à tout le monde, il n'empêche que sa critique sociale ne sera pas toujours compréhensible pour Mr Toutlemonde et il n'empêche bien d'autres obstacles pour le bobo de base qui ne connaît du policier que Tarantino. Evidemment ce n'est pas ça du tout et la barre est beaucoup plus haut.
Je constate ici que certains autres n'ont pas apprécié ce récit lors de la lecture, mais en soi ce n'est pas trop grave. Peut-être étaient-ils fatigués, un peu consternés ou alors, tout simplement ennuyés: c'est possible. En tout cas il n'y a pas de quoi en faire un drame.
Très prétentieux
Critique de Superhuman (, Inscrit le 8 janvier 2014, 31 ans) - 5 juillet 2014
Il semble que Manchette ait presque copié le scénario plan par plan, quant au style du livre il a beaucoup vieilli et ressemble désormais à une sorte de Ellroy en plus light. Plus aspartam donc et aussi plus prétentieux dans le genre Monsieur Je-Sais-Tout intolérant.
Je ne sais pas si Manchette fumait pas mal de pétards mais son oeuvre dramatique est très téléphonée et dans l'ensemble à coté, les San Antonio ont l'air de passages symboliques tirés de la bible.
du Manchette dans le texte
Critique de Clubber14 (Paris, Inscrit le 1 janvier 2010, 44 ans) - 23 juin 2014
J'adore le style de Manchette, un mélange de cynisme, de dialogues à la Audiard, de personnages assez taciturnes de premier abord mais qui savent se montrer sympathiques et pleins de qualité quand on cherche un peu...
Martin Terrier est de ceux-là. Un ogre, peu bavard, tueur de sang froid dans sa vie professionnelle, cela ne l'empêche pas d'avoir pour ambitieux projet de mettre le maximum d'argent de côté en 10 ans de "tueur à gages" pour ensuite venir chercher son amour de jeunesse et l'emmener passer une retraite dorée (à 30 ans !!!!) quelque part au soleil. Mais voilà, rien ne va se passer comme attendu et de fil en aiguille, notre Martin Terrier va se retrouver dans les ennuis, ennuis souvent associés à ce type de métier cela dit au passage.
Manchette est un auteur que j'ai beaucoup lu, j'adore son style très direct, à couper au couteau et j'adore les rebondissements dans ses bouquins. Ainsi, dans une même phrase, un personnage peut être sympathique et gai et se retrouver mort la seconde suivante.....
Bref, ce roman est dans la pure tradition des Manchette, je ne sais pas si c'est le meilleur mais à n'en pas douter l'un de ses classiques. Il fut son dernier roman je crois.
Je le conseille pour ceux qui souhaitent s'"initier" à du Manchette !!
Polar glacé.
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 28 juillet 2011
Martin Terrier, Christian pour ses employeurs, est un ancien militaire, remarqué durant son service, qui a été recruté par « la Compagnie », entité mystérieuse, pour exercer la fonction de tueur à gages. Apparemment Christian en a exécuté des contrats, en a gagné de l’argent, et il a décidé maintenant de raccrocher. Il a décidé aussi d’aller retrouver Anne, son amour de jeunesse, qu’il avait quittée dix ans auparavant le temps de faire fortune et à qui il avait demandé de l’attendre.
La Compagnie manifeste son désaccord. Elle souhaiterait qu’il exécute encore un dernier contrat et diverses embûches (embûches = cadavres et avanies en tous genres) sont mises en travers du chemin de Christian. Anne par ailleurs, une fois retrouvée, ne l’a pas attendu. Elle s’est mariée. On se doute bien que cela ne va pas arrêter un tueur à gages, de même que la décision d’un tueur à gages ne va arrêter la Compagnie pour lui imposer sa volonté.
Il y a de la viande refroidie et les choses n’évolueront selon le souhait d’aucunes des parties. La fin est plutôt désespérée et désespérante. Pour autant qu’il puisse y avoir de l’espoir pour un tueur à gages !
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