Le canapé rouge de Michèle Lesbre
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Douceur et mémoire
Anne est décidée à revoir l’homme qu’elle a aimé jadis. Ils ne se sont pas revus, ils ne se sont plus écrit, mais Anne prend le train jusqu’à Irkoutsk où Gyl s'est exilé.
Elle a laissé Clémence derrière elle. Clémence à qui elle lit tous les jours les destins de femmes exceptionnelles, exaltées, passionnées. Clémence qui hante son voyage et ses pensées. Clémence assise sur son canapé rouge, Clémence habitée par son passé et ses souvenirs qui s’estompent et s’effacent. Aspirés par la maladie ils ressurgissent en lambeaux épars de plus en plus fugaces.
Le rythme du roman est lent, aussi lent que ce train qui traverse la Sibérie , mais le voyage est serein, paisible, parsemé de souvenirs et de mélancolie.
Des moments de tendresse partagés avec Clémence (« J’aurai aimé la prendre dans mes bras, la détresse des corps vieillis qu’une main n’effleure, qu’aucun corps n’étreint, cette immense solitude de la chair qui est déjà un peu la mort, m’a toujours effrayée. Enfant, la peau de mes grand-mères me fascinait, je la touchais avec précautions, comme si je craignais de la froisser davantage, qu’elle se déchire sous mes doigts et que ma maladresse précipite une issue fatale. Celle de Clémence Barrot, fine et diaphane, me rappelait ses instants d’une infinie tendresse où je me perdais dans la géographie des rides et des veines bleues qui courraient sur les mains abîmées de ces femmes, petits ruisseaux buissonniers et palpitants. »), aux rencontres éphémères avec d’autres voyageurs (« Dans le compartiment, ils s’appelaient Tania, Vassili, Piotr, Vera, Boris, Vania. Parfois ils apparaissaient et disparaissaient sans qu’un mot ait pu être échangé. Tous n’étaient qu’ombres furtives, surtout la nuit, lorsque le train s’arrêtait quelque part, qu’ils allaient et venaient dans le mystère de leur vie. Les corps s’allongeaient discrètement puis s’esquivaient pour se perdre dans l’une de ces villes on l’on ne distinguait rien, seulement une vague ébauche surgissant de la pénombre ou du voile encore épais de l’aube. Un perpétuel mouvement rendait ainsi chaque rencontre fugitive et capitale à la fois. Leurs visages s’estompaient avec le temps, mais je gardais cette impression forte d’avoir approché des femmes et des hommes qui ne me quittaient plus ».) Anne ressuscite ses relations avec Gil, avec d’autres hommes aussi, qu’elle a connus puis quittés.
Michèle Lesbre caresse ces souvenirs brumeux et cette nostalgie lumineuse. Elle les esquisse avec une délicatesse et une sensibilité exquises.
Quel talent a-t-elle pour nous faire vivre et ressentir cette affection profonde, intime, qui unit Anne et Clémence ! Ses phrases sont des fragments de poésie, aussi vaporeux que les souvenirs qui surgissent, uns à uns, pointant leur éclat, leur beauté et leur douceur.
Il y a une grâce et une luminosité sereine dans ce roman que l’on referme en frissonnant.
Les éditions
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Le canapé rouge [Texte imprimé], roman Michèle Lesbre
de Lesbre, Michèle
S. Wespieser
ISBN : 9782848050546 ; 12,90 € ; 23/08/2007 ; 148 p. ; Broché -
Le canapé rouge [Texte imprimé] Michèle Lesbre
de Lesbre, Michèle
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070355976 ; 6,30 € ; 02/04/2009 ; 136 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (12)
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Au bord du voyage
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 18 septembre 2015
"Pendant ces heures un peu lentes, un peu lascives, trimbalée dans ce paysage qui n'en finissait pas de s'étirer sous mes yeux, je me découvrais une aptitude à la vie contemplative que je ne soupçonnais pas."
Je ne suis pas montée dans ce train, mais j'ai beaucoup aimé les scènes parisiennes. Sa rencontre puis l'amitié qui se tisse entre Clémence Barrot, sa voisine âgée sont pour moi, les plus beaux passages de ce court roman.
J'ai retrouvé l'écriture poétique et particulière que j'avais aimée dans "Un lac immense et blanc" et comme dans ce livre, cette façon de "poser" les mots tout en douceur, qui montre l'attachement et l'importance des mots pour l'auteure.
"Ces vers qui m'avaient bouleversée un jour... m'étaient d'un grand réconfort. Ce n'était pas la première fois qu'une telle chose se produisait, des mots, des phrases lues ici ou là avaient déjà volé à mon secours, ou m'avaient tout simplement accompagnée. J'en éprouvais toujours un réel bonheur."
Nostalgie
Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 58 ans) - 17 décembre 2014
Je suis amoureux !
Critique de Ulrich (avignon, Inscrit le 29 septembre 2004, 50 ans) - 15 mai 2011
Elle nous livre sa vie. C’est avant tout le portrait fabuleux d’une femme. Une femme libre, amoureuse de l’amour, de la vie, un brin sauvage, naturelle, faite pour le voyage et rêvant de découverte.
En miroir, en écho à sa propre histoire, c’est celle de Clémence qui lui répond. Clémence , la vieille dame, assise dans son canapé rouge au seuil de sa vie qui aura passé une vie à attendre, à penser à son Paul fusillé pendant la guerre. Elle n’aura finalement aimé que lui.
Anne, en écho, ne le dit pas mais finalement, elle n’aime que Gil. Mais Gil fait partie de ces hommes dont on tombe éperdument amoureux mais trop libres, trop tout pour faire une vie avec.
Anne et Clémence se comprennent. Elles partagent l’essentiel : l’amour ! la sagesse de savourer le temps qui passe.
Ce livre est une rêverie, une douce mélancolie, une déclaration à l’amour, au temps qui passe, au voyage. Anne est une princesse russe. Anne est belle. Elle est libre.
J’en suis tombé amoureux.
Un parfum mélancolique...
Critique de Flo29 (, Inscrite le 7 octobre 2009, 52 ans) - 30 octobre 2009
Par petites touches, l'auteure nous entraîne dans un voyage en Russie, mais aussi dans un voyage dans le temps, et l'on découvre les passés des femmes de l'histoire, Clémence, Anne.
J'ai aimé être aux côtés du personnage principal, la suivre dans ses errances géographiques, temporelles et littéraires. Certes, ce n'est pas palpitant, c'est lent, mais c'est aussi sensible et bien écrit.
voyage brume et lumière
Critique de Printemps (, Inscrite le 30 avril 2005, 66 ans) - 25 octobre 2009
un bonheur de lecture
Critique de Francesco (Bruxelles, Inscrit le 16 février 2001, 80 ans) - 5 août 2009
Plein de nostalgie et de mélancolie , bien écrit , tendre et sensible, ce livre est un de mes coups de coeur de l'été et devrait plaire aux femmes comme aux hommes.
Michèle Lesbre n'est pas sans rappeler Modiano et Andrei Makhine par le ton , le style et l'ambiance qu'on y retrouve.
Le roman vient de paraître en livre de poche Folio , 138p.
C'est long les voyages en train...
Critique de Bizart (, Inscrit le 8 avril 2009, 44 ans) - 8 avril 2009
Chapitre après chapitre comme gare après gare, le train n'arrive pas à nous faire passer un agréable voyage mais au terminus tout le monde descend et c'est tant mieux.
Hormis quelques réflexions pertinentes l'histoire n'invite au voyage que ceux qui en comprennent toutes les références et encore ...
En revanche les amoureux des jolies couvertures seront comblés
Voyage introspectif
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 7 novembre 2008
(Prix Mac Orlan, Coup de Cœur Le Point, Liste Goncourt : le choix polonais, prix des librairies Mille pages)
Ca fait vraiment du bien...
Critique de Loras (, Inscrite le 13 juin 2007, 37 ans) - 2 septembre 2008
Les références littéraires ne m'ennuient pas, bien au contraire. Elles prouvent que cette femme vit littérature, aime littérature, respire littérature, et ça fait vraiment du bien.
Ce n'est pas pour rien si ce roman a failli avoir le Goncourt...
l'amour perdu
Critique de Dudule (Orléans, Inscrite le 11 mars 2005, - ans) - 19 août 2008
Pendant tout son voyage, Anne repense à Clémence, une vieille femme, résidente du même immeuble, dont elle a fait la connaissance et depuis elles se retrouvent et Anne lui fait la lecture et des confidences.
Toutes les deux se souviennent d’un amour perdu, Gyl pour Anne, Paul pour Clémence -sa photo est cachée derrière un coussin du canapé rouge -.
C’est un roman intimiste, avec une grande poésie, l’auteur nous conte les personnages, les paysages avec ravissement, un très beau et bon roman.
Les hommes manquent.
Critique de Feint (, Inscrit le 21 mars 2006, 61 ans) - 18 avril 2008
Viens ! Je connais des histoires. Il était une fois...
Critique de Bertrand-môgendre (ici et là, Inscrit le 9 mars 2006, 69 ans) - 3 avril 2008
Michèle me prend la main, me conduit au rythme de son long voyage et sa vie parisienne comme lectrice au domicile d'une dame âgée.
Michèle promène son récit dans la chaleur du wagon-lit, les cuisses collées contre le faux cuir du siège banquette. Je reste debout au centre du compartiment, appréciant les paysages enneigés que ses yeux curieux auscultent sans répits ni repos.
Michèle m'installe au bord du canapé rouge du couloir de sa voisine, et j'attends silencieux sa voix douce rompre le silence d'une solitude partagée à elles deux.
Calme et reposée une ambiance s'échappe de ses pages à humer avec délicatesse.
Le récit n'est pourtant pas une oeuvre littéraire à part entière. Il ressemble à ses effluves subtiles de parfums agréables à ressentir, très vite submergé par la masse imposante des autres senteurs envahissantes. Un pont s'établit entre Irkoutsk et Paris, passage obligé d'une quête de souvenirs et la recherche d'un avenir à construire.
Les références littéraires trop présentes m'ennuient.
L'édition est de bonne qualité, ce qui ne gâche rien au plaisir de lire du Michèle Lesbre.
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