La Bénédiction inattendue de Yôko Ogawa

La Bénédiction inattendue de Yôko Ogawa
( Guzen no shukufuku)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique , Littérature => Nouvelles

Critiqué par BMR & MAM, le 2 mars 2008 (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 719ème position).
Visites : 5 724 

Un recueil de nouvelles, l'un des meilleurs de Yoko Ogawa

On avait déjà eu l'occasion de parler de la japonaise Yoko Ogawa, avec L'annulaire et plus récemment avec La petite pièce hexagonale.
Revoici la reine de l'étrange avec deux recueils de nouvelles parus simultanément l'an passé : La bénédiction inattendue et Les paupières.
Les nouvelles des paupières mettent en scène des rencontres : un passager dans un avion, une vieille femme qui vend des légumes, un vieux célibataire et une écolière, ou encore une collectionneuse d'odeurs.
Les nouvelles de la bénédiction ont pour thème récurrent l'écriture, et Yoko Ogawa s'y met elle-même en scène : l'une des nouvelles raconte comment l'inspiration lui est venue pour écrire une nouvelle de l'autre recueil et ainsi la boucle est bouclée.
Ces deux recueils qui se reflètent l'un dans l'autre sont tous deux excellents et l'auteure y maîtrise parfaitement l'art de l'étrange, du bizarre, de l'insolite. La moindre des situations banales et quotidiennes prend très vite sous sa plume des allures inquiétantes, sans que l'on sache trop où cela va nous mener.

[...] - Il y a quelqu'un qui nous épie.
- Ce n'est pas grave, disait-il, comme s'il le savait depuis longtemps. C'est le hamster. C'est lui qui nous observe. Il a fallu lui enlever les paupières à cause d'une maladie des yeux, et il ne peut plus les fermer.
Et ses doigts arrivèrent à mes yeux. Ils se promenèrent à loisir sur mes paupières.

Comme si Yoko Ogawa avait l'art et la manière de déceler dans notre quotidien les fissures, les failles entre notre monde et un autre qui se déploit juste à côté, sous les yeux de ceux qui savent regarder, un monde parallèle.
Pendant un moment, le temps d'une petite nouvelle, on oscille ainsi entre deux univers, sans jamais basculer de l'autre côté, mais sans jamais revenir tout à fait intact de notre côté.
Si vous avez déjà la chance de connaitre Yoko Ogawa ne manquez pas ces deux recueils.
Sinon, ne ratez pas l'occasion de découvrir à travers ses deux meilleurs bouquins une figure incontournable de la littérature japonaise contemporaine.
Malgré les évidents jeux de miroirs entre les nouvelles de l'un et l'autre, ces deux livres peuvent bien sûr être lus indépendamment l'un de l'autre.
Pour celles et ceux qui aiment jeter un oeil de l'autre côté du miroir comme Alice.

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Plagiat

7 étoiles

Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 3 janvier 2009

Dans ce livre, Yoko Ogawa a écrit à partir de sa vie réelle d’écrivaine (avec son jeune fils) des nouvelles dans lesquelles elle ajoute, comme à son habitude, une note d’étrangeté qui modifie la donne de l’existence, comme, par exemple la maladie du chien Apollo qui souffre de lithiase lacrymale et verse des pleurs de cristal blanc translucide.

« Plagiat » est une nouvelle qui fait écho à celle (« Backstroke ») du recueil de nouvelles jumeau, Les Paupières. Dans ce récit, la narratrice reconnaît que le livre qu’elle vient d’écrire était un plagiat. Elle entreprend de nous expliquer comment.

Elle vit le deuil de son frère assassiné par une bande de délinquants et connaît une suite d’ennuis dont un accident qui l’hospitalise. A sa sortie d’hôpital, elle suit des séances de revalidation et fait la connaissance d’une femme qui raconte l’étrange récit (en fait, celui à peu de chose près narré dans Backstroke) des mésaventures survenues à son frère et qui l’ont contraint à le faire hospitaliser. Le récit narré par cette femme produit d’étranges échos en elle comme si elle avait vécu cette histoire: « Alors que ce qu’elle m’avait raconté n’avait rien avoir avec moi, chaque fois qu’elle répétait « mon frère », j’avais eu l’impression d’être atteinte par des vagues successives. » Elle décide d’écrire ce récit.

Sept ans plus tard, elle revient à l’hôpital, elle part à la recherche du frère aisément reconnaissable, d’après le récit que lui a fait sa sœur, par son bras dressé. Elle ne trouve à sa place, sur une table, qu’un mince livre de poche intitulé Backstroke dont l’auteur est une femme née en 1901 : « Là se trouvait le récit que j’avais écrit, celui qu’elle m’avait raconté. »

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