Lieutenant de panzers
de August von Kageneck

critiqué par Septularisen, le 5 mars 2008
( - - ans)


La note:  étoiles
LA MEMOIRE DE LA GUERRE
August Von KAGENECK (1922-2004) est un journaliste et écrivain allemand qui a dans sa jeunesse participé à la Deuxième Guerre Mondiale. Dans «Lieutenant de panzers» il nous raconte l’histoire d’un jeune homme engagé sur le front russe en 1941, en fait lui-même puisque ce livre est en quelque sorte son autobiographie.

L’auteur du livre est un jeune hobereau, fils d’un ancien général de la guerre 14-18, qui vit à Wittlich en secteur sous occupation française et n’a en effet que 17 ans quand il entre dans l’armée en 1939 (en même temps que ses quatre autres frères) et même pas 19 ans quand promu au grade de lieutenant il participe à l’opération Barbarossa en juin 1941, à la tête d’un régiment blindé.

Blessé par un éclat d’obus à la mâchoire dans la région du Don en 1942 il sera ramené à l’arrière et opéré 13 fois avant de passer une partie de sa convalescence à Metz. Suite à l’intervention de sa mère, il sera nommé instructeur à l’école des blindés pour les aspirants-officiers. Reversé en décembre 1944, dans la Panzer-Lehr Division sur le front Ouest au Pays-bas et en Allemagne, il se rendra aux américains avant d’être démobilisé et ramené chez lui.

Après la guerre August Von KAGENECK travaillera dans une exploitation agricole au Luxembourg, puis réintégrera l’armée allemande jusqu’en 1955. Après cela il s’installera à Paris en 1956 comme correspondant du journal Die Welt et épousera une française dont il aura deux fils et oeuvrera sans relâche à la réconciliation entre les deux pays.

L’écriture du livre est simple et belle et sa lecture est à la portée de tous, le livre vaut surtout parce que pour une fois c’est ici le point de vue «du perdant» qui nous est relaté. Le point de vue de l’auteur, et notamment sur la guerre, est toujours très réaliste et très clairvoyant, sobre et d’une grande sensibilité, même s’il m’est arrivé de douter parfois des dires de l’auteur dans certains épisodes comme p.ex. l’invasion de la Russie vécue comme une libération par le peuple russe ? Un général ne devant pas être considéré comme responsable des exactions des troupes SS, alors que ceux-ci ont massacré des milliers de juifs ? Ou bien encore l’attentat contre Hitler vécu comme une trahison ?

L’auteur semble aussi un peu moins «objectif» quand il s’explique sur le peuple allemand «pris dans un rotor tournant toujours plus vite» pour justifier le nazisme et l’aveuglement de tout un peuple, l’injustice du traité de Versailles ne justifiant certainement pas tout…
Lieutenant de panzers d'August von Kageneck 9 étoiles

Officier parmi l'unité d'élite des Panzers, formé dans la cavalerie, transformé en unités blindées en 39-40, l'auteur ne passe qu'un an sur le front. Mais cette année est aussi la dernière de la toute-puissance allemande : du 22 juin 41 à juillet 42, de Barbarossa au plan Bleu, de l'offensive sur Moscou à celle sur Stalingrad. L'auteur ne dit pas un mot des horreurs perpétrées par les Allemands sur le front russe... comme s'il ne s'était rien passé... il se réfugie derrière son sang-bleu et son rang dans l'armée pour arguer du fait qu'il était anti-hitlérien tout en critiquant Stauffenberg et sa tentative d'assassiner Hitler en 44... L'auteur nous rappelle quand même le milieu aristocratique ultra-conservateur et nationaliste dans lequel il grandit : son grand-père maternel ministre de l'agriculture sous Guillaume II, son père officier et ami personnel de Guillaume II, sa famille qui connait tout le gratin aristocratique du monde germanique, une famille qui a des liens avec la France : d'anciennes possessions en Lorraine, une branche de la famille devenue française, ses parents parlant français (c'était chic). Son oncle maternel par alliance s'appelait von Papen ; le Papen qui a mis le pied à l'étrier de Hitler au pouvoir... Papen qui a été ambassadeur de Hitler à Ankara... Papen qui a de lourdes responsabilités dans l'avènement d'Hitler et la guerre. L'auteur décrit bien ce qui a permis l'accession de Hitler au pouvoir : la crainte de la haute-société de voir les communistes arriver au pouvoir. Or Hitler c'était la Deuxième guerre mondiale assurée.
La guerre, allons-y. L'auteur a deux frères aînés : un as de l'aviation ; un autre qui connaîtra le feu en Pologne en septembre 39. Ces deux frères meurent au front : le premier dans le ciel de Tobrouk abattu par un Spitfire britannique ; le second meurt devant Moscou en décembre 41... Dans ces circonstances on comprend que sa mère, qui a le bras long, ait trouvé à son dernier fils la place d'enseignant à l'école militaire après sa blessure de l'été 42. Ce dernier l'a échappé belle en effet puisqu'il a été victime d'une attaque de T34 soviétiques qui lui a arraché la mâchoire et fait perdre connaissance. On comprend dès lors que l'auteur évoque avec effroi ces raids T34 soviétiques. On comprend très bien les raisons de la victoire puis de la défaite allemande à l'est : les soviétiques avaient le dessus au niveau blindés grâce à leurs T34, les allemands n'avaient donc aucune chance face à eux... la seule solution quand ils y étaient confrontés étaient d'appeler l'aviation (Luftwaffe) en renforts ; les avions et leurs bombes pouvaient alors pulvériser les T34... l'auteur l'a vécu une première fois en 41, chanceux il n'a même pas été blessé. L'auteur décrit l'avance allemande de l'été 41, la résistance soviétique, et le terrible hiver 41, l'arrivée des vêtements d'hiver en même temps que le printemps... Puis l'auteur décrit la seconde campagne celle de 42. Il fait alors partie des troupes chargées de protéger l'aile nord de la VI° Armée de Paulus en marche vers Stalingrad. C'est en juillet 42 que l'auteur est grièvement touché par un éclat d'obus de T34 (son unité n'a pas eu le temps de prévenir l'aviation). L'auteur subit plusieurs opérations de reconstitution de la face ;et passe 9 mois en convalescence. A sa sortie d’hôpital il veut rejoindre son unité sur le front ; mais sa mère lui obtient une place à l'arrière comme instructeur à l'école militaire... Il est rattrapé par la guerre en février 44. Il est envoyé sur les Ardennes alors que la bataille est déjà finie... il passe alors son temps à fuir les combats avec son unité jusqu'en mai 45. Comme tous les Allemands il préfère passer à l'ouest et se rendre aux Occidentaux plutôt qu'aux Soviétiques. Il passe très peu de temps en prison, décrit la misère allemande d'alors.
L'auteur écrit 40 ans après les faits avec beaucoup de distance. Il a refait sa vie en France (dès 1955), s'est marié avec une Française et a eu des enfants avec elle. Ce genre de témoignages, témoignage de première main sur le front russe, bref et bien écrit, est si rare qu'il mérite notre respect et notre attention. On remercie l'auteur de nous avoir livré une partie de la vérité, même si l'on se doute que ce n'est pas toute la vérité.

HJ - - 47 ans - 20 juin 2012