Alim le tanneur, Tome 1 : Le secret des eaux
de Wilfrid Lupano (Scénario), Virginie Augustin (Dessin), Geneviève Penloup (Couleurs)

critiqué par Shelton, le 7 mars 2008
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Belle fable humaniste... mais en quatre volumes...
Une petite fille court sur le sable, la mer est bleue, une armée se présente « enfin »… Le décor est jeté pour cette histoire qui constitue, pour moi, une des très bonnes surprises de la bande dessinée de ces trois dernières années.
Notre petite fille, cette charmante Bul, joue comme les enfants de son âge au cerf-volant sur la plage… Pourtant, une sorte de grand prêtre terrifiant vient la stopper dans ses élans ludiques : oui, le commissaire janissaire a bien raison, le péché est trop ancré en elle ! Il faut dire que dans l’empire Jésaméthain le simple fait de faire voler un cerf-volant est un péché. L’air est considéré comme un espace inviolable par l’être humain, c’est le domaine des dieux…
La société dans cet univers est une théocratie qui ressemble à celle des Incas ou des Arabes de Constantinople. Wilfrid Lupano a voulu construire un modèle de société où les clercs monopolisent la pensée, la liberté, la vie. Pour cela il a pris ces deux modèles, mais chaque fois qu’il en aura besoin, il puisera, aussi, dans les autres théocraties qu’elles soient romaine, germaine ou chrétienne. N’allez pas pour autant croire que cette histoire ne serait qu’une critique des religions au pouvoir ! C’est avant tout une grande aventure… d’ailleurs, je vous parlais de cette petite fille, cette fameuse Bul qui donne bien du fil à retordre à son père…
Son père ? Mais, c’est lui le fameux tanneur, le petit oublié de cette société cléricale… Il n’est pas, lui, un vaillant soldat de cet empire Jésaméthain comme ce Torq Djhid qui rentre triomphalement dans la ville après une grande campagne dans l’est du pays… Ah ! Cette grande armée de conquérants qui porte la sainte parole au bout du monde et qui ramène en grandes pompes les hérétiques avant qu’ils soient condamnés à mort…
Mais, ce soir, c’est la grande fête… Sauf pour notre tanneur, ce malheureux hors-caste, qui sur réquisition du commissaire, doit aller s’occuper d’une sirène qui est venue s’échouer et mourir sur la plage où doit passer une grande procession… C’est pendant que Alim la débite en râlant, que Bul découvre une sorte de sainte relique de Jésameth qui va faire plonger cette famille dans le drame…
Si la relique est dans le ventre de la sirène, c’est que le grand prophète serait mort, que les clercs mentiraient depuis des siècles, que cette religion ne serait qu’une grande fumisterie, que le peuple serait tout simplement manipulé depuis trop longtemps, que les responsables politiques et militaires seraient pour le moins complices passifs… Oui, cette relique remet tout en cause et elle met en danger le pauvre tanneur, son père et sa fille…
Une très bonne bande dessinée, un excellent début de série, une narration graphique efficace et une lecture très agréable.
Le travail des couleurs dues à Virginie Augustin et Geneviève Penloup est très réussi et m’a beaucoup plu.
Humour, cynisme, réflexion religieuse, politique, philosophie, tout y est aux côtés d’une bonne intrigue permettant les aventures les plus surprenantes…
C’est à lire absolument même si nous savons que de telles histoires relèvent complètement de la fiction et de l’imagination débridée d’un scénariste fou… et qu’aucun homme ne pourrait être aussi naïf que ce pauvre Alim…