L'Ami Butler
de Jérôme Lafargue

critiqué par Feint, le 15 mars 2008
( - 61 ans)


La note:  étoiles
La fiction à l’œuvre
L’Ami Butler est un roman qui se lit avec plaisir.
Johan est à la recherche de Timon, son frère jumeau écrivain, qui vient de disparaître avec sa femme Ilanda, alors que le couple s’était retiré depuis quelques mois dans une ville hors du temps, à cause de la maladie d’Ilanda. C’est une recherche quasi immobile, dans le bureau du frère disparu, à travers les écrits de ce dernier : son journal et des biographies d’écrivains imaginaires, dernier projet en cours.
L’atmosphère, discrètement fantastique, évoque un peu certaines nouvelles de Châteaureynaud. Le roman ne vaut pas spécialement par son intrigue, assez simple, mais plutôt par un jeu de tiroirs qui lui donne de l’épaisseur, une impression de feuilleté – qui d’ailleurs s’illustre à l’œil par les typographies variées choisies en fonction du statut du texte lu par Johan. En effet, par-dessus l’épaule du jumeau lecteur, on lit les biographies d’écrivains imaginaires de son frère, qui sont d’authentiques petites œuvres : pas de doute, Timon est un écrivain. On lit aussi son journal, dont l’écriture même est une enquête, dont la lecture par Johan en est une aussi, entraînant celle du lecteur, mise en abîme des deux autres. La gémellité entre Timon, l’écrivain cannibale inconscient, et Johan, son frère lecteur, affaibli lui-même par une étrange maladie du sommeil, a quelque chose de trouble à nous dire sur ce qui lie l’auteur et son lecteur. De même cette obsession de Timon, devenue sienne après (troublant, que ce soit « après ») qu’il en eut fait celle de l’un de ses écrivains imaginaires : prendre une phrase d’un livre, une phrase d’un autre, et écrire ce qui les relie, comme si quelque chose nécessairement devait les relier, et de cette pratique compulsive faire une sorte de livre infini. Réflexion sur l’écriture, placé discrètement sous le patronage de Borgès, L’Ami Butler fait de la fiction son ressort principal : c’est la fiction qui « fait » l’intrigue, c’est elle aussi qui la résout ; en dire plus risquerait de gâcher le plaisir du lecteur.
Un subtil jeu de poupée russe 8 étoiles

Jérôme Lafargue nous compte l’histoire de Johan parti sur à la recherche de son frère jumeau Timon subitement disparu. Timon est écrivain, il est venu chercher le repos pour sa femme Ilanda gravement malade dans une ville étrange, isolée du monde. Depuis qu’il a renoncé à écrire des romans, il s’est lancé dans la rédaction de biographies d’auteurs fictifs. On suivra l’enquête sur sa disparition au travers des lectures que Johan fait de son journal et de ses fameuses biographies.
Nous avons donc un auteur (Jérôme Lafargue) qui nous compte l’histoire d’un auteur (Timon) qui écrit sur des auteurs fictifs. Enfin, pas si fictifs de cela, puisqu’Ilanda montrera à son mari à quel point il s’est inconsciemment projeté dans ses personnages. Et l’on se met à douter que Jérôme Lafargue nous laisse aussi entrevoir ses propres doutes d’écrivains...
Tout cela devient vertigineux quand Timon pense apercevoir l’un de ses auteurs imaginaires dans la vraie vie.
J’ai beaucoup apprécié l’atmosphère teintée de fantastique et de poésie du roman. L’arrivée de Johan en train, apercevant la ville, étrangement verte en plein hiver, surplombant une plaine morne, m’a particulièrement touché par sa poésie.

Grégoire M - Grenoble - 49 ans - 7 septembre 2013


FACTICE ! 10 étoiles

Romancier français né dans les Landes en 1968, Jérôme Lafargue écrit des romans (L'Ami Butler -Quidam 2007- Dans les ombres sylvestres -Quidam 2009-), des nouvelles en veux-tu en voilà et même des poèmes ! (L'Effacement des potences
-Wigwam 2009-).

"Peut-être en ce moment même ne sommes nous que les produits de l'imagination ou du rêve de quelqu'un. Qu'en savons-nous après tout ?" .

Informé par le Capitaine de gendarmerie Reuleville* de la disparition soudaine de son frère jumeau (Timon) et de son épouse (Ilanda), Johan Lunoilis* se rend précipitamment dans le village de Riemech*.
Il sait son frère tourmenté et son épouse gravement malade.
Pendant que le gendarme bat la campagne, Johan concentre ses efforts sur le journal tenu par son frère.
Il y découvre des biographies d'écrivains imaginaires.
Tout particulièrement celle d'Owen W. Butler va prendre une tournure des plus incroyable et faire voler en éclat les codes habituels du roman .
Comme l'indique très justement Feint, il faut savoir ne pas trop déflorer l'intrigue et le "dessous des cartes", faute de rompre l'attrait principal de cet ouvrage.
Jérôme Lafargue reprend le thème (déjà visité) du personnage fictif qui prend vie et vient rendre visite à son créateur.
Mais attention ! l'auteur va beaucoup plus loin.
On en vient à douter de tout; de l'existence des personnages, des lieux, du narrateur..... de l'auteur ?

J'avoue avoir été bluffé par ce court roman alliant références littéraires, courtes histoires (les biographies) et suspense (que sont devenus Ilanda et Timon ?)
Un véritable tour de magie littéraire et -une fois de plus- un conseil de tout premier ordre de Feint .
Lecture indispensable !!!

* faites chauffer l'anagrammeur...

Frunny - PARIS - 59 ans - 21 janvier 2013