Hedda Gabler
de Henrik Ibsen

critiqué par Feint, le 16 mars 2008
( - 61 ans)


La note:  étoiles
Etre soi-même
Je ne connais pas très bien le théâtre d’Ibsen, mais je sais déjà que chaque lecture est une révélation, si différente qu’elle soit de la précédente.
Hedda Gabler est une pièce de théâtre où l’héroïne, Hedda Gabler, joue un rôle, comme si la vie était une pièce de théâtre.
Hedda Gabler est un peu l’anti-jumelle de la Nora d’Une maison de poupée. Autant Nora paraît, au premier abord, infantilisée par sa condition d’épouse (certes la réalité est plus complexe), autant Hedda, que l’on rencontre à son retour de voyage de noces, est en rupture, officieuse mais complète, avec le rôle auquel la société la voue. Aux yeux du monde qui l’a tant admirée, elle reste d’ailleurs la mondaine et prestigieuse Hedda « Gabler », de son nom de jeune fille, auprès de laquelle son mari Tesman (qu’elle appelle toujours par son seul nom de famille), niais d’amour, fait plutôt figure d’eunuque de compagnie. Glaçante, elle évoque tantôt une Madame de Merteuil qui aurait renoncé avant l’heure, tantôt une grande héroïne romantique qui se serait trompée d’époque. La glace cependant n’est qu’apparence. La vie qu’elle-même ne peut pas vivre, elle tente de la vivre par délégation. Esthète de la manipulation, tenant dans ses mains le destin d’un homme – un autre, elle n’hésite pas à pousser sa marionnette – à l’insu de celle-ci – au suicide, pourvu que ce soit « enfin, un acte ! » où il y ait « de la beauté ». Etre soi-même, pour reprendre le leitmotiv de Peer Gynt, lui est impossible. Cependant le monde n’est pas une scène. Le dénouement s’impose : « Etre soi-même, c’est soi-même se tuer. » (Peer Gynt, Acte V, scène 9)
Un rôle que j’aurais adoré jouer, dans une autre vie si, n’étant pas moi-même, j’avais été une actrice – et une femme.