Vanina Vanini
de Stendhal

critiqué par Chouyo, le 27 mars 2008
( - 44 ans)


La note:  étoiles
De l'anti-héros.
Dès son titre, la nouvelle "Vanina Vanini ou particularités sur la dernière vente de carbonari découverte dans les Etats du pape" écrite par Stendhal intrigue.

Et l'on sent dès les premières lignes que le style est moins fin, plus haché, que dans les romans majeurs de cet auteur. Un sentiment de déjà-vu d'ailleurs, puisque s'y retrouvent des éléments assez connus dans l'oeuvre stendhalienne : une princesse et un patriote, le dilemme (choisir entre la Patrie (ici, l'Italie des complots carbonari contre l'Autriche et le pape) et la Femme aimée (Vanina))...

Mais, c'était sans compter le génie de cet auteur pour camper des personnages archétypaux tout en détruisant totalement ce qui en fait leur aspect archétypal. Vanina est une jeune femme belle, riche et noble, aimée et aimante. Jusque-là, rien de très sexy. Mais toute sa conduite n'est dictée que par une seule chose : son intérêt personnel bien compris. Elle se donne donc à son amant, le trahit pour le conserver près d'elle et ne comprend la politique que si celle-ci lui est utile pour satisfaire ses caprices.

Car l'héroïne stendhalienne n'est ni éthérée ni rêveuse : elle est insupportable !!! Capricieuse, enfant gâtée, c'est un bonheur à lire tellement elle est moderne ! Pour sa part, le héros n'est pas en reste : jusqu'à l'extrême fin, il se sacrifie platement pour la liberté de l'Italie, subissant le martyr de devoir refuser l'amour de Vanina... jusqu'à ce qu'il se rende compte que cette dernière l'a trahi. Point de pardon, là, et point du mépris hautain que l'on s'attendrait à trouver chez un homme d'honneur. "- Ah ! monstre, s'écria Pietro furieux, en se jetant sur elle, et il cherchait à l'assommer avec ses chaînes. Il y serait parvenu sans le geôlier qui accourut aux premiers cris." Il insulte donc la femme aimée, en deux occurences, et tente de la frapper... Quant à elle : "Vanina resta anéantie. Elle revint à Rome ; et le journal annonce qu'elle vient d'épouser le prince don Livio Savelli".

Outre l'effet de réel (usage du présent, mention d'un journal que le narrateur a sous les yeux), l'auteur brise le modèle de l'héroïne jusqu'à ce détail ultime : délaissée, injuriée, déshonorée par ses relations avec Pietro comme par sa trahison, elle ne se suicide pas mais se marie à un autre.

C'est en cela qu'apparaît dans toute sa splendeur l'auteur des chefs-d'oeuvre : il rompt avec l'horizon d'attente de son lecteur...
à lire et à relire ! 10 étoiles

je garde un souvenir impérissable de la lecture de Vanina Vanini comme des autres nouvelles italiennes de Stendhal

Prince jean - PARIS - 51 ans - 3 avril 2008