L'heure et l'ombre de Pierre Jourde
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Rêve de vie
L’heure et l’ombre de Pierre Jourde est surtout un beau roman romanesque, un peu « comme on n’en fait plus » (parce que c’est un roman d’amour ?), qui tient le lecteur accroché à sa lecture, d’un bout à l’autre. Récits enchâssés, lieu d’enfance perdu survivant dans la mémoire incarné par un nom, « Saint-Savin », amour d’enfance auquel se superpose un amour d’aujourd’hui, traversée du temps, personnage fantomatique, menace ou bienveillance, identité douteuse ; tout cela agencé avec talent gagne sans faille l’adhésion du lecteur.
Quelques petites réserves tout de même. Certains passages – très minoritaires – ne me paraissent pas nécessaires : je pense par exemple à une visite chez des amis qui donne lieu à un portrait charge de certains aspects de la société « actuelle ». Il y en a deux ou trois comme ça. Certes c’est plutôt drôle, brossé un peu à la Houellebecq, un peu caricatural aussi mais pourquoi pas ; sauf que là, dans ce livre-là, qui pour l'essentiel évoque plutôt la Sylvie de Nerval ou quelque autre Grand Meaulnes, je ne vois pas bien ce que ça vient faire. Contraste avec le paradis perdu de l’enfance ? Peut-être. Tout de même, ça tiraille un peu l’ensemble. On sent que l’auteur a des goûts disparates.
Ça, cependant, ça m’est plutôt agréable, rassurant même, cette idée qu’un même auteur puisse être attiré, presque en même temps, par des littératures différentes. C’est ce qu’il me semble aussi quand je vois que Pierre Jourde est l’auteur de livres aussi dissemblables a priori que Pays perdu (que j’ai trouvé superbe), Dans mon chien et Festins secrets (que je n’ai pas encore lus mais qui à l’évidence vont vers d’autres directions.) Ce qui me manque encore, c’est le sens à donner à cette diversité ; ce qui fait – ce qui fera – la cohérence interne de cette œuvre en apparence si disparate. D’ailleurs, si certains d’entre vous ont des pistes…
Les éditions
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L'heure et l'ombre [Texte imprimé], roman Pierre Jourde
de Jourde, Pierre
l'Esprit des péninsules
ISBN : 9782846361002 ; 19,25 € ; 25/08/2006 ; 260 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (1)
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Excellent et, pourtant "pourrait faire mieux".
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 9 octobre 2010
L’histoire d’amour est en fait assez diluée ; c’est surtout un prétexte pour l’auteur de fouiller dans son passé jusqu’à son enfance. Le récit est par moment assez énigmatique ; il y entre des personnages étranges et plutôt mal définis. C’est bien ce qu’il faut pour éveiller la curiosité du lecteur sur le moment mais ça pourrait aussi donner un semblant de non achevé.
Pour moi cependant, l’originalité du livre est qu’il est parsemé d’histoires anecdotiques et pittoresques à souhait, qui arrivent tout à fait bien à propos dans le récit.
J’ai particulièrement aimé la description des vacances du héros, en camping à la côte et sous la pluie ; la visite à la grand-mère et la rencontre des voyous ; et puis alors, le morceau de bravoure qu’est cette histoire de l’invitation à souper chez des amis. C’est un peu caricatural mais c’est désopilant.
Évidemment, comme dans toutes les moqueries, l’auteur flatte le lecteur en lui faisant croire qu’il est du bon côté, du côté des gens de goût qui peuvent se moquer des autres, mais ça fait partie du plaisir.
Par moment l’auteur se fait moraliste quand il parle des moustachus, ventripotents buveurs de bière, affalés au bar du coin et qui déblatèrent à longueur de soirées sur «l’étranger» du patelin ; ou bien sur l’enfant abandonné dont on soupçonne les parents d’être de dangereux malfaiteurs parce qu’on ne sait rien sur eux.
L’auteur moralise aussi quand il fait dire par l’écrivain raté : « j’ai compris qu’il était trop tard pour la littérature (…) personne n’y croit plus, on fait semblant… Poète, romancier, quoi de plus ridicule, de plus obsolète ? etc…
Ses considérations sur le journalisme sont du même tonneau : lucides et désespérées mais, oh ! combien intéressantes et bien tapées, m’a-t-il semblé.
Le récit se termine par une très belle page : en vrai moraliste de nouveau, l’auteur nous parle du sort réservé aux vieux que la famille fourre dans des maisons de repos en espérant que tout ira vite et que l’héritage ne va pas y passer...
En conclusion, nous dirons que Pierre Jourde a le don d’un grand écrivain, doublé d’un moraliste subtil observateur de notre temps ; son écriture est un régal de pureté et, me semble-t-il, avec un peu plus d’application, comme on dit à l’école : « il pourrait faire mieux ».
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Un beau roman romanesque | 13 | Palorel | 7 août 2016 @ 22:43 |