Le zéro et l'infini
de Arthur Koestler

critiqué par Sorcius, le 28 octobre 2001
(Bruxelles - 54 ans)


La note:  étoiles
Un livre qui fait réfléchir
C'est un livre dur à lire, tant chaque page porte à une réflexion profonde. Voici quelques phrases qui m'ont plus particulièrement interpellée. "Le parti ne connaissait qu'un seul crime: s'écarter du chemin tracé; qu'un seul châtiment: la mort. La mort (…) c'était la solution logique des divergences politiques."
"L'individu n'était rien, le Parti tout; la branche qui se détachait de l'arbre devait se dessécher…" "Dans ce temps-là, nous avons fait l'Histoire; à présent, vous faites de la politique. Voilà toute la différence."
L'histoire est celle de Roubatchov, un membre éminent du parti communiste en URSS, un ancien "épurateur" qui a condamné à mort des centaines, voire des milliers de gens. Arthur Koestler, qui, à un moment de sa vie, a adhéré au parti communiste et vécu en URSS, s'est inspiré des "grands procès" de Moscou pour écrire son "Zéro et l'infini". Roubatchov est un membre éminent du parti, proche du "numéro un". Mais les anciens amis se retrouvent bien souvent nouveaux ennemis et, après avoir signé des arrêts par milliers, il se voit à son tour arrêté et jeté en prison. Là, en attendant sa probable exécution, il a le temps de réfléchir à sa condition, à l'avenir du parti, à son fondement profond, à ses idéologies… Il hésite: un moment il est prêt à se renier, un autre il se sent disposé à subir la torture pour rester fidèle à lui-même et à ses idées. Seulement, ses idées sont-elles toujours d'actualité? Le monde change et peut-être ne s'est-il pas adapté? Il doute, hésite et se pose mille questions. L'homme est-il une entité au milieu des autres, un infini à lui seul? Ou bien un zéro perdu parmi la collectivité ayant seule de l'importance? Un livre qui certes, fait réfléchir, mais ne donne pas de réponses. Ou si peu.
Rafles, emprisonnements, interrogatoires, tortures, faux aveux forcés, puis... UNE BALLE DANS LA NUQUE ! 10 étoiles

Arthur Koestler nous narre l’histoire de Roubachof, ex-responsable communiste (originaire de l’ancienne garde bolchevique de Lénine), qui a lui-même procédé à d’infâmes crimes, et qui se retrouve (en tant que « contre-révolutionnaire ») en lieu et place, de ses anciennes victimes innocentes. La prison lui laisse le temps a posteriori, de réfléchir et d’analyser toute l’horreur du système Totalitaire Communiste dont il est issu. Subissant ce qu’il a auparavant infligé aux autres victimes, Roubachof, par une sorte d’introspection, détaille l’implacable machinerie mise en place par l’Etat-Parti unique Totalitaire Communiste.

En effet, Arthur Koestler décrit à travers le personnage de Roubachof, le déroulement des tristement « célèbres » Procès de Moscou de 1936 et qui ont conduit Staline à la barbarie qu’a été la « Grande Purge » ou « Grande Terreur » de 1937 – 1938 : environ 700 000 personnes innocentes exterminées en moins de 2 ans, soit une moyenne de 1 500 personnes exécutées chaque jour !

Cette oeuvre bouleversante dont les personnages sont imaginaires, relate en revanche des circonstances historiques REELLES. L’ouvrage décortique l’innommable processus INHUMAIN de : rafles, arrestations arbitraires, emprisonnements, interrogatoires par les perfides procédés du mensonge et de l’intimidation, très souvent complétés par les tortures ; le tout, afin d’extorquer de force aux prisonniers : la signature de FAUX aveux complets. Intervient alors l’ultime étape… l’exécution : D’UNE BALLE DANS LA NUQUE !

Confer également, d’autres ouvrages tous aussi passionnants sur le même thème, de George Orwell 1984 et La Ferme des animaux.

Anonyme11 - - - ans - 20 août 2020


Un livre très intéressant, intelligent, qui fait réfléchir 9 étoiles

J’ai découvert avec ce livre Arthur Koestler. A mesure que je le lisais, je compris que ce roman est l’œuvre d’un véritable intellectuel, et que s’il s’agissait bien d’un roman, il est aussi plus que cela. Un livre de dénonciation du communisme stalinien mais également exploration de la pensée d’un homme, Roubachof, et de son évolution dans une société très particulière, celle qui a suivi la Révolution russe de 1917, et même avant, étant un des théoriciens et initiateur de cette Révolution au côté de Lénine (il est à remarquer que les noms de Staline et de Lénine ne sont jamais cités dans le livre d’Arthur Koestler). Roubachof est le personnage principal du roman, montré comme un communiste convaincu et un révolutionnaire de la première heure. Il est arrêté, jeté en prison, accusé de crimes contre-révolutionnaires et sait parfaitement qu’aux bouts de ces accusations, il y aura la mort par exécution. Au cours de ce séjour en prison, où il subira de longs interrogatoires éprouvants destinés à lui faire signer des aveux qui, il n’en doute pas (mais sait-on jamais, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir), le feront condamner à mort, il aura le temps de revenir sur lui, de réfléchir à son passé, à son engagement, à ce qu’il crut, ce qu’il a espéré, ce qu’il a été et est devenu, et ce qui l’a mené jusque là.

Au-delà de la dénonciation de l’horreur du totalitarisme stalinien, ce qui est intéressant est de suivre ainsi la façon de penser d’un homme qui a cru en la Révolution et dans l’instauration du communisme comme système politique idéal pour la société, et qui a persisté dans sa conviction pendant la dictature stalinienne, et comment il se justifiait à ses propres yeux d’avoir pu faire coller ses valeurs personnelles à celles du système révolutionnaire puis totalitaire, qu’il a contribué à créer, et qu’il servit consciemment, en toute bonne foi, même après que le système se soit retourné contre lui, en lui trouvant des justifications.

En même temps, sa conviction, au fil du temps où il servait ce régime qui devenait toujours plus inhumain, s’affaiblissait, sa conscience le travaillant à son corps défendant, et le fit douter du choix qu’il fit de sa vie. Il repassera ainsi par les moments de doute en se remémorant plusieurs scène du cours de sa vie, doutes qui alors lui firent commettre des impairs, des imprudences durant sa carrière de diplomate et d’envoyé du comité central à l’étranger, et qui seront ressortis contre lui ensuite, au cours des interrogatoires en prison, comme preuves de sa déviation idéologique et donc de sa traitrise. Ces doutes lui sont nés de la constatation que la Révolution à laquelle il a participé s’est muée en une dictature totalitaire aliénante et meurtrière, niant l’individualité humaine qui était tenue pour rien (le Zéro du titre) et qu’on pouvait sacrifier à loisir, selon l’utilité du moment. Une part de lui-même s’est ainsi senti de plus en plus en décalage face à cette évolution qu’il n’a pas souhaité, et sa pensée a glissé vers une opposition diffuse, jamais tout à fait déclarée ni tout à fait nette, mais bien réelle, et qui a eu des répercussions dans sa vie réelle, par certains actes, paroles, rencontres.

Ainsi, il en arrivera à penser à soi, en tant que « Je », lui qui a toujours été habitué à se penser « nous », puisque dans cette société totalitaire, l’individu ( « Je ») n’existe pas, que seul importe le collectif, l’Etat, le Parti (le Nous, l’Infini du titre). Se penser « Je » est quasiment une découverte pour lui, qu’il baptisera « fiction grammaticale ». Et qui restera in fine qu’une fiction en effet, car la pensée logique, la Raison, érigées en seuls modes de pensée valable, seule façon dont son cerveau s’était habitué à fonctionner lui firent revenir dans les lignes déjà tracées dans son esprit du « Nous » collectif. Ainsi, l’endoctrinement communiste restera le plus fort, et mourra fidèle au Parti, malgré toute son horreur et sa perversité qu’avec lucidité, il aura perçu et compris.

Un roman introspectif sur le moi d’un homme qui sa vie durant a assujetti les autres et s’est assujetti jusqu’à en être détruit à la doctrine communiste, soviétique, totalitaire, et stalinienne. Un livre très intéressant, intelligent, qui fait réfléchir, d’une lecture pas si facile d’accès et qui demande à être soutenue, et qui ne néglige pas pour autant l’émotion que peut causer au lecteur certaines grandes scènes du roman (les prisonniers qui se parlent d’un mur à l’autre, l’exécution de Bogrof, Vassili, d’autres encore), qui révèlent tout le tragique de cette époque.

Cédelor - Paris - 52 ans - 14 février 2018


un roman, dense et complexe, sur l'écrasement des individus et sur l'échec des processus révolutionnaires 10 étoiles

Ce roman est, avec "Les raisons de la colère" de Steinbeck, l'un des premiers grands romans de littérature générale que j'ai lus à la fin de mon adolescence, après ma période "fantastique". Ces deux romans sont dans ma mémoire intrinsèquement liés : ce sont des romans-reportages, portés par un souffle épique et une réflexion philosophique sur l'évolution des sociétés, qui immergent le lecteur dans la réalité sordide des années 30. Pour Steinbeck la misère sociale de la grande crise américaine... Pour Koestler la détresse d'individus pris au piège d'un Léviathan totalitaire...

L'épaisseur humaine de Roubatchov, qui ne sait plus s'il doit rester fidèle à lui-même ou au Parti qu'il a servi avec dévouement voire dévotion, est poignante et soulève des questions majeures que Koestler pose sans forcément chercher à les résoudre, ce qui ébranle d'autant plus le lecteur. Malgré quelques longueurs, les réflexions et les angoisses de Roubatchov, confronté à la machine monstrueuse qu'il a contribué à créer, sont magistralement décrites et mettent en lumière toutes les ambiguïtés de son parcours. Koestler est parmi les intellectuels engagés les plus indépendants et les plus lucides du siècle, ce qui l'a souvent conduit à des prises de position d'avant-garde qui ont pu le marginaliser (outre son engagement politique, je pense à son intérêt pour le mysticisme oriental et la parapsychologie). Il soulève ici des problématiques essentielles, qui dépassent le cadre de la révolution soviétique et interrogent tous les processus révolutionnaires, notamment la Révolution française qui broya tous ses acteurs... C'est un roman qui marque durablement ses lecteurs, ce qui est le sceau des grands romans. Ma prof d'histoire au lycée m'avait dit que ce livre lui avait donné l'envie de faire des études d'histoire.

Nota 1 : il est dommage que les critiques éclairs ci-dessous aient viré au débat d'idées (à l'époque, le forum n'existait pas ?) et n'aient pas assez souligné les mérites du roman. A ce sujet, la critique éclair de Pétoman (?) a failli me faire tomber de ma chaise devant mon ordinateur : comment peut-on mettre deux étoiles au roman parce que critiquer les procès de Staline revient à discréditer les idées de Marx ?!!! Pas le genre de commentaires qui me donnent envie de confier le pouvoir à des communistes...
Nota 2 : pour répondre à quelques-uns des commentaires ci-dessous; Koestler ne s'est pas suicidé par culpabilité d'avoir été communiste. Simplement, il s'est senti devenir vieux et quand les symptômes (Parkinson, mémoire, etc.) sont devenus trop apparents, il a préféré mettre fin à ses jours.

Eric Eliès - - 50 ans - 1 novembre 2015


Lorsque l'idéologie est institutionnalisée 10 étoiles

Idéologue convaincu, Roubatchov est un adhérent de la première heure au parti.
Il en devient d'ailleurs une des pièce maîtresse.

Son comportement et sa réflexion se confondent au dictat du parti aux dépens de sa pensée propre.
Le bien de la majorité prévalant sur celui de l'individu.

Mais voilà, dans un régime totalitaire, ce qui est appelé le bien de la majorité est invariablement le bien de la tête du parti....... au détriment de l'ensemble de la population; soit de la majorité!
Mis aux arrêts par le N°1, Roubatchov fait une rétrospection sur ses actes, sur ceux du parti, sur l'incarcération ou les exécutions des dissidents ou de ceux qui ont seulement émis une idée différente à celle du Suprême et de ses affidés.

Derrière la critique du régime de l'est dénoncé par Koestler, on peut faire un parallèle avec tous les systèmes totalitaires; non seulement politiques ou religieux, mais également ceux issus d'une idéologie institutionnalisée en organismes défenseur d'une cause quelconque.
En soi toute cause, même bonne, se radicalise par effet de groupe et d'institutionnalisation. L'intégrisme n'est jamais loin, et tout contradicteur, même pragmatique, sera à bannir.

Ceci dit, seul Arthur Koestler aurait pu dire s'il avait retenu sa propre leçon.

CH - - 71 ans - 22 mars 2012


Intéressant 7 étoiles

Ce roman est presque un document. A travers la fiction, on imagine bien que ce genre d'histoire s'est déjà produite dans le passé et continue de se produire dans certains pays.
En URSS, Roubachov, un cadre du parti (d'ailleurs le parti dont il s'agit n'est jamais réellement cité, bien qu'il est facile de la deviner), est emprisonné. C'est l'occasion pour lui de revenir sur l'histoire du parti, sur ses buts et sur ses "persécutions", persécutions dont il a lui-même été responsable avant son emprisonnement. C'est aussi l'occasion de faire un réflexion sur lui-même, en tant que membre du parti. Il passe également par une phase d'hésitation : se renier pour sauver sa peau, ou bien garder sa ligne de conduite pour laquelle l'individu ne vaut rien, seul l'intérêt du parti compte.
Bien que je ne sois pas très intéressée par les débats politiques, ce roman m'a beaucoup plu, car il va au-delà de cela. C'est une analyse très intéressante de la place de l'individu dans le parti.

PA57 - - 41 ans - 17 mars 2012


Profond 9 étoiles

Le Zéro et l'Infini est le pendant littéraire de l'oeuvre théorique de Popper: "La société ouverte et ses ennemis". (Les deux textes sont publiés en 1945). Sans rentrer dans le détail de ce grand livre, Popper oppose le principe libéral de l'homme comme sujet éthique au principe utilitariste (ou collectiviste) de l'Etat comme finalité. Les premières esquisses de l'individualisme éthique, la Magna Carta et l'Habeus Corpus en Angleterre, sont fort anciennes. Tradition reprise par Kant (l'inviolabilité de l'être humain), Locke, Camus (entre beaucoup d'autres)...et aujourd'hui gravée dans le marbre de la déclaration des droits de l'homme.

A l'inverse, le principe utilitariste conçoit l'individu comme un membre d'un Etat organique, il n'est qu'un rouage, il a une tâche spécifique à assumer. Il peut être sacrifié au nom de l'intérêt général: la fin justifie les moyens.

La force du Zero et l'Infini est d'incarner cette opposition au sein d'un seul personnage, un dignitaire communiste aujourd'hui révoqué. Roubachof est tiraillé entre son idéal collectiviste et la "fiction grammaticale", sa prise de conscience que ces gens qu'il a contribué à sacrifier sont fait de chair et de sang, de peau et d'os, que leur conscience est inviolable, sacré.

Le héros ne trouve pas de réponses bien qu'en capitulant, il admet explicitement que la vanité de l'homme doit s'effacer devant le cours inéluctable de l'histoire. Pour autant, ce geste est-il le résultat d'une victoire idéologique de l'utilitarisme ou plutôt d'un attachement affectif à cette Révolution qu'il a passionnément aimé ? Pouvait-il, en refusant de capituler, admettre que l'oeuvre de sa vie avait été non seulement vaine, mais orientée dans la mauvaise direction ?

Malataverne - - 45 ans - 18 janvier 2006


Réponse à Sorcius 8 étoiles

Pétoman n'a pas dit que Koestler aurait fait un amalgame entre la pensée de Marx et les crimes du communisme. Il réagissait à la critique éclair que j'avais faite sur "Le Zéro et l'infini". Cependant j'y parlais de la pensée de Marx, puis j'ai parlé du communisme. Dans mon esprit je faisais une scission entre les deux. Ce qui me semble commun entre Marx, le communisme léniniste ou stalinien d'une part, le Christ, l'inquisition et la Saint-Barthélemy d'autre part, c'est que les deux pensées d'origine ont été "tordues" par les hommes ou les institutions pour en faire des dictatures sans nom ou un massacre comme celui de la Saint Barthélemy. La pensée d'origine n'est plus qu'un simple "outil justificatif" pour atteindre des buts politiques. Quelle est la place de l'individu dans ces procédés ?... C'est là que nous revenons à la question et au gros problème que soulève Koestler. Celui-ci a contribué à le miner tout au long de sa vie.

Jules - Bruxelles - 80 ans - 3 novembre 2001


OUPS! 8 étoiles

Ma critique éclair a été coupée et je ne m'en étais pas rendu compte!
Je la réécris: Arthur Koestler a quitté le parti communiste en 1938, soit quelque 45 ans avant de se suicider. Il avait donc certainement d'autres raisons que celle d'avoir adhéré, pendant sept ans à ce parti. Mais bon, je ne connais pas beaucoup sa vie, alors je ne m'avance pas trop, mais c'est quand même étrange. A-t-il laissé un testament ou quelque chose exprimant ses raisons? Je serais intéressée d'en apprendre plus...
Quant au Zéro et à l'Infini, bien sûr, l'homme se situe entre les deux et la polémique pourrait durer des jours et des jours, comme celle sur la peine de mort, contre laquelle Koestler a écrit, en compagnie de Camus, "Réflexions sur la peine capitale".
J'ai une question pour Pétoman. Moi aussi, je trouve cela dommage de confondre la pensée de Marx avec les crimes soviétiques; d'ailleurs, la comparaison avec le Christ et la St-Barthélémy est judicieuse! Mais je ne vois pas dans quelle partie du livre on fait un amalgame. Pourrais-tu me préciser où Koestler fait cela?
Bon, je ne sais plus tout ce que je voulais écrire, alors je m'arrêterai là, sans quoi on recommencera à polémiquer encore et encore... :-)

Sorcius - Bruxelles - 54 ans - 2 novembre 2001


Pour clore le débat... 9 étoiles

Je crois que, comme bien souvent, parler amène à se rejoindre un peu. D'autre part, le site a avancé sans toi, c'est sûr, mais je pense qu'il avancera encore mieux avec toi, comme avec plusieurs d'entre nous. C'est la diversité qui fait la richesse et le débat qui donne de la vie et fait avancer les idées...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 30 octobre 2001


Ma poutre sur le nez... 8 étoiles

Sur mes torts en ce qui concerne mon attitude antireligieuse, je ne voudrais pas barguigner inutilement : oui, face à ces questions, je suis comme un jeune homme imbécile, sûr de lui, naïf, candide, bref, insupportable. Mais je l'ai dit déjà : partout où je vois une paille chez le voisin, il va de soi qu'il y a une poutre chez moi. Je suis évidemment d’accord avec Jules pour ne pas proscrire toute référence politique dans nos écrits : nous ne dirions effectivement plus rien sur rien. C’est pour cela que je parlais seulement d'être « prudents dans nos formulations ». Il ne faut bien sûr pas « sortir la politique du débat littéraire » mais se contenter de mettre en valeur les idées des auteurs sans se lancer soi-même dans des prises de position affirmées. Si je me lance maintenant dans une espèce de cours de marxisme pour corriger ce qui me paraît erroné dans les propos de Jules, il me répondra par un cours sur le libéralisme économique pour mettre à mal mes excès, etc. Et nous ne parlerons plus, ni l’un ni l’autre, de livres. Maintenant, peut-être que je délire après tout. J’arrive à peine sur ce site qui me paraît très intéressant et qui manifestement n'a pas eu besoin de moi jusqu’ici pour « garder l’église au milieu du village » (ah…que la langue est parfois…parlante !). Je me ferai donc discret sur cette question.

Bolcho - Bruxelles - 76 ans - 30 octobre 2001


J'ai dû avoir rêvé, ou je me suis trompé de site... 9 étoiles

Il est vrai qu'à propos du livre "Le Zéro et l'Infini" de Koestler j'ai parlé de politique. Il est vrai aussi que je l'ai déjà fait à propos de Zola et c'est déjà Bolcho qui m'a dit "il ne faut pas politiser Zola"... C'était son droit, c'était le mien. Il semblerait que ma critique sur le livre de Koestler pourrait vexer certains et que mes critiques parlant de problèmes politiques menaceraient de faire du site une sorte de "Café du Commerce"... Bien !... Toute opinion est valable et nous sommes sur "critiqueslibres"... Mais est ce bien Bolcho qui m'écrit cela ?... Eh bien, oui !... (gentiment d'ailleurs). Le même qui traitait quelques jours plus tôt le pape de "gourou infaillible", les catholiques de "cathos", la religion de "secte" et qualifiait l'institution de l'église catholique "d'exploitation financière qui enfonce celle des sectes" ?... Je le laisse libre de ses opinions et je n'ai en rien été vexé. Mais il me semble qu'il risquait, dans nos pays, de vexer bien plus de gens que moi ! Et cela dans des convictions plus profondes, plus viscérales, que celles de la politique... "Café du Commerce" seulement pour moi?... En outre, est-ce moi qui ait mis des critiques aussi politiques que celle sur la propagande, par Madame Morelli ?
je crois, sauf erreur, que ce site est aussi fait pour aborder des problèmes, à travers le livre, et il me semble d'ailleurs impossible que le livre ne provoque pas des débats. Ne pas les accepter me semblerait contraire à un des objectifs de la littérature: faire réfléchir les gens au delà de ce qu'ils ont parfois l'habitude de faire.
Si la politique (autre que celle de savoir pour qui il conviendrait de voter) devait devenir proscrite sur ce site, la religion ne pourrait plus être abordée non plus, ainsi que bien d'autres sujets touchants à la sociologie, l'histoire etc. Ils supposent tous une certaine subjectivité et donc un débat. Mais alors, nous ne pourrions plus critiquer que la comtesse de Ségur ?...
Plus de politique ?... J'ai posé la question ce matin à un professeur de philo, aujourd'hui retraité, du lycée français. Il me disait que si nous devions sortir la politique du débat littéraire, nous devrions ignorer alors une bonne partie des grands écrivains... Il m'a cité en tout premier lieu Zola (je jure ne pas le lui avoir soufflé), Stendhal, Hugo, Malraux, Camus, Sartre, Rousseau, Diderot, Yourcenar, Montherlant, Steinbeck, Dostoïevski et une multitude d'autres.
Bolcho dit se retenir pour ne pas émettre ses opinions politiques mais ne s'est pas retenu bien longtemps sur le sujet religieux... Madame Morelli ne parlait-elle pas de la subjectivité de la propagande ?...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 30 octobre 2001


Je reviens 8 étoiles

Arthur Koestler a quitté le parti communiste en 1938, soit quelque 45 ans avant de se suicider. Il avait donc certainement d'autres raisons que celle d'avoir adhéré, pendant sept ans à ce parti. Mais bon, je ne connais pas beaucoup sa vie, alors je ne m'avance pas trop, mais c'est quand même étrange. A-t-il laissé un testament ou quelque chose exprimant ses raisons? Je serais intéressée d'en apprendre plus...
Quant au Zéro et à l'Infini, bien sûr, l'homme se situe entre les deux et la polémique pourrait durer des jours et des jours

Sorcius - Bruxelles - 54 ans - 29 octobre 2001


Si peu ? 10 étoiles

L'homme est sans doute quelque part entre les deux, mais vous me direz que c'est imprécis. J'ai lu ce livre il y a longtemps. Au début j'y répugnais car j'imaginais bien qu'il parlait de choses terribles. Cela ne m'a pas empêché d'être captivé jusqu'à la dernière ligne. Pour autant que je m'en souvienne, il s'agissait tout de même d'une dénonciation non dissimulée des régimes totalitaires qui tiennent l'homme pour rien.

Persée - La Louvière - 73 ans - 29 octobre 2001


dommage 4 étoiles

Il est dommage de confondre la pensée de Marx et les crimes du soviétisme, ça n'a rien à voir. est ce que Jésus est responsable de la saint Barthélémy??????????????????????

Pétoman - Tournai - 48 ans - 29 octobre 2001


Ne pas se transformer en forum d'invectives politiques ! 8 étoiles

Même lorsque nous parlons de livres qui ont un contenu politique, nous devrions, me semble-t-il, rester très prudents dans nos formulations.
A lire les réactions de Jules, on comprend fort bien qu'il n'est pas marxiste (c'est un euphémisme....). Mais c'est exprimé avec tant de foi et tant de candide certitude que tout marxisant voudra réagir. De réactions en réactions, le contenu du présent site s'en trouverait perverti et nous sombrerions dans l'atmosphère "café du commerce". C'est amusant aussi, mais c'est autre chose. Quant à moi, on notera que je me retiens et ne réponds rien sur le fond (et pourtant, j'ai une page de notes au brouillon à côté de moi; c'est dur...) D'ailleurs, peut-être que, déçu et me sentant coupable de défendre des idées égalitaristes d'un autre âge, vais-je bientôt me suicider...

Bolcho - Bruxelles - 76 ans - 29 octobre 2001


L'individu et les idéologies 8 étoiles

La question posée par Koestler quant à l'importance de l'individu par rapport à la société a été posée par Camus, Sartre et bien d'autres. La réponse n'a pas été trouvée dans le sens où il est impossible, pour des intellectuels, d’admettre de sacrifier délibérément un individu à une idée. Il n'en est pas de même, loin de là, pour les descendants de Marx qu'étaient les communistes soviétiques et même certains autres à une époque aujourd'hui dépassée. Marx prétend que l'Histoire est un mouvement qui régit des sociétés et que l'individu ne peut contrecarrer ce mouvement. Pour les communistes l'individu ne pouvait que se plier aux intérêts "du peuple" qui représentait l'Histoire en marche. Au nom du "bonheur pour tous plus tard" tout pouvait se justifier, y compris les changements soudains de stratégie. C'était le règne de "qui veut la fin, veut les moyens"... Une démocratie, officiellement, n'accepte pas ce principe. Pourquoi ?... Parce qu'elle part du principe qu'en son sein on tend à rapprocher au maximum les désirs de tous et que, cela fait, la minorité doit respecter la règle de la majorité. Bien sûr pour autant que la règle de la majorité ne porte pas atteinte à des droits fondamentaux de l'individu. Le cas échéant, la règle que la majorité tenterait de faire passer serait considérée comme nulle parce que contraire aux Droits de l'Homme qui est la valeur supérieure que personne ne pourrait transgresser. Nous sommes là bien loin des principes qu'appliquaient les pays communistes jusqu'à la chute du mur, mais encore la Chine, la Corée du Nord et le Vietnam aujourd'hui.
Koestler, déçu par ces régimes et se sentant coupable d'avoir adhéré au parti communiste et d'avoir soutenu un temps ses dirigeants, s'est suicidé en 1983.

Jules - Bruxelles - 80 ans - 29 octobre 2001