Un fils tombé du ciel de Lao She

Un fils tombé du ciel de Lao She
( Niu Tianci zhuan)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Tistou, le 9 avril 2008 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (23 255ème position).
Visites : 5 481 

Adoption en Chine

Roman linéaire de Lao She qui raconte le départ dans la vie de Niu Tanci, enfant trouvé et adopté par Lao Niu et sa femme. Dans l’esprit ça fait furieusement penser à « Le cinquième enfant » de Doris Lessing. C’est moins cruel, mais plus exotique.
Lao Niu et Madame Niu n’ont pas d’enfant. Lao Niu est commerçant aisé mais vit sous la coupe de sa femme : la terrible Madame Niu. Un nouveau-né est trouvé sous leurs fenêtres. On le leur confie. Ils l’adoptent. C‘est donc lui « le fils tombé du ciel ».
Dans un premier temps, tout de même, on se dit qu’il est mal tombé, car Madame Liu … un peu rigide … un peu vieille Fra… euh Chine ! Bref ça ne rigole pas tous les jours pour Tanciu. Genre ; on lui attache les pieds bébé pour qu’il ne les ait pas arqués, du coup il les a rentrés dedans ! Comme de plus il ne présente pas les canons de la beauté chinoise, … non, ça ne rigole pas beaucoup (pas sûr qu’on rigole beaucoup en Chine d’ailleurs). Et puis il va porter comme une croix son statut d’enfant naturel dans une société tout de même (à cette époque du moins, années 30) bien raciste et discriminante.
« Tianci était devenu une marionette. S’il voyait un bel arc-en-ciel, il fallait aussitôt qu’il se retînt de le montrer du doigt … « Sinon, ton doigt pourrirra ! » Il voulait crier : « Oh, le beau ruban de couleurs ! », mais une voix l’avertissait : « Ne montre pas du doigt ! » Son doigt restait en l’air et décrivait un demi-cercle puis se posait sur le coin de sa bouche. De nouveau, il entendait : « Ne suce pas ton doigt ! » Alors il esquissait un geste avec son index qu’il introduisait ensuite dans son oreille, mais c’était pour s’entendre : « Baisse ta main ! » Mais où le mettre ce doigt ? »
Peu à peu l’intelligence, ou plutôt le fait qu’il ait la possibilité de la cultiver par des études, lui permet de se remettre dans des rails plus … parallèles.
Lao She nous raconte scrupuleusement l’histoire dans une linéarité qui nous parait maintenant un peu démodée. C'est une plongée dans une culture et un monde bien lointains. Dans la même veine que « Les tambours », avec de l’humour, de la bienveillance en plus. Le vilain petit canard survivra à l’époque et à ses épreuves pour peut-être trouver sa voie ? Lao She a en tout cas le mérite de se mettre successivement dans tous les états psychologiques, d’un nouveau-né à un jeune adulte de vingt ans, et ça c’est particulièrement réussi.

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Les éditions

  • Un Fils tombé du ciel [Texte imprimé] Lao She trad. du chinois par Lu Fujun et Christine Mel
    de Lao She, Mel, Christine (Traducteur) Fujun, Lu (Traducteur)
    Arléa / L'Étrangère (Paris. 1989).
    ISBN : 9782869590588 ; 20,10 € ; 01/09/1989 ; 362 p. ; Broché
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Les tribulations d'un enfant trouvé

10 étoiles

Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 22 juin 2008

Ce livre est considéré comme une oeuvre majeure de Lao She et je suis d'accord avec cette affirmation. Nous suivons dans ce récit les débuts dans la vie de Tianci, un enfant trouvé adopté par une famille de commerçants propères. Il a de la chance ce Tianci car son père adoptif est un homme bon et honnête, conciliant et doux. Sa mère par contre est plus sévère et rigide et les relations entre eux seront tendues mais non totalement dénuées d'affection cependant. Tianci s'installe donc dans sa nouvelle vie avec toute la vigueur dont il est capable. Son entrée à l'école ne se fera pas sans heurts car on découvre qu'il est un enfant naturel et il devra subir l'ostracisme de ses petits camarades. De plus, son physique n'est pas ce qu'il y a de plus avantageux ce qui lui vaut des quolibets et des moqueries supplémentaires. Donc l'école pour lui étant pénible, sa mère décide de l'en retirer pour lui assigner un maître privé. Bon, je ne vais pas tout raconter mais en gros, Tianci vit une enfance privilégiée sans manquer de rien, avec de la bonne nourriture en abondance et des vêtements de bonne qualité. Mais, il perdra cette vie facile et devra affronter la dure réalité lors de la mort de ses parents. Comment s'en sortira-t-il ? Que fera-t-il pour survivre, lui qui se considère comme un bon à rien et une nullité ?

Rarement je n'ai eu autant de plaisir à suivre les péripéties d'un personnage aussi attachant que ce Tianci. J'ai même éprouvé un pincement au coeur lorsque j'ai dû refermer le livre. J'aurais voulu que l'histoire continue encore et encore. Ce livre ne comporte que deux cent quatre-vingt-quatre pages pour mon édition mais j'ai l'impression d'avoir refermé un livre de six cents pages tellement c'est dense comme récit. Par le biais de son personnage, Lao She nous brosse un remarquable tableau de la société chinoise des années trente. On y reconnaît le déséquilibre de la richesse qui caractérise toute société humaine que ce soit d'hier ou d'aujourd'hui. Les pauvres côtoient les riches et chacun s'accomode de sa vie du mieux qu'il peut. J'ai beaucoup aimé la vision que donne Lao She de la pauvreté. Il n'a pas dépeint uniquement le côté sordide comme bien d'autres écrivains mais au contraire, il nous donne presque envie d'être démuni tellement la joie et la solidarité sont présentes dans cette communauté.

Mais Lao She s'attarde également sur les bassesses humaines comme le comportement de la belle famille de Tianci à la mort de l'un et l'autre de ses parents. L'importance de l'argent et de la position sociale sont aussi très bien exposés.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce chef d'oeuvre de Lao She mais il faut le lire pour se faire une idée de l'immense talent de ce grand écrivain chinois qui nous offre ici un récit d'une intensité telle que je l'ai quitté avec regret et avec le sentiment d'avoir parcouru un chemin lumineux tracé par la plume d'un homme que le ciel a pourvu d'un don d'écriture exceptionnel.

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