Spirou et Fantasio par... (Une aventure de), tome 4 : Le journal d'un ingénu
de Émile Bravo

critiqué par JoachimR, le 22 avril 2008
( - 3 ans)


La note:  étoiles
Le meilleur Spirou depuis bien longtemps...
L'auteur et dessinateur des "Epatantes - et je dirais même plus extraordinaires - aventures de Jules" (Dargaud) s'est donc vu confier la réalisation d'un "Spirou et Fantasio par…"
Quelle grande idée : "Le journal d'un ingénu" est à la hauteur des espérances et se classe d'emblée parmi les incontournables de la série !

La maquette de couverture à l'ancienne, très simple et charmante, donne le ton : on ne pouvait trouver plus cohérent que le dessin ligne claire et rétro d'Emile Bravo pour un album qui retrace les origines des protagonistes. On retrouve Spirou dans les rues de Bruxelles, à l'époque de sa création par Rob-Vel, en 1938, dans une période politiquement pour le moins troublée. Le plaisir du lecteur se poursuit en découvrant de quelle surprenante façon est née l'amitié qui le liera à ce drôle de loustic qu'est Fantasio. Le récit ira même jusqu'à livrer une explication poignante et inédite sur le port incessant de l'uniforme tout au long de la carrière d'aventurier de l'ex-groom.

Oui, derrière ce dessin classique (a priori moyennement engageant pour certains lecteurs) se confirme une fois de plus un excellent raconteur d'histoires et un pédagogue efficace. Toutes ces qualités réunies font d'ailleurs d'Emile Bravo un des meilleurs auteurs de bande dessinée actuellement.

Ce "Journal d'un ingénu" quasi-parfait n'évite cependant pas certains petits clichés et quelques comportements qui semblent anachroniques. Quant à Tintin, personnage évoqué à plusieurs reprises, il en prend solidement pour son grade, l'auteur se servant du symbole du reporter à la houppette pour régler ses comptes avec la bourgeoisie et le catholicisme… La critique aujourd'hui répandue de l'œuvre de Hergé me semble quelque peu démago et souvent mal documentée. Mais bon…

Cet album est tellement touchant et drôle qu'on lui pardonne ces menus défauts. Un très grand cru.
Une approche inhabituelle pour un réel plaisir de lecture 8 étoiles

Une approche sortie du contexte habituel avec une présentation différente des personnages.
Alors qu'habituellement les aventures se déroulent plutôt dans un contexte intemporel, nous sommes ici plongés dans une période historique précise (1939) faisant référence à des événements historiques marquants, tout en restant dans le romanesque inventé.
Les deux personnages ne se connaissant pas, ce qui nous plonge aux origines de l'amitié entre les deux personnages.
Spirou apparaît comme un personnage, sincère, naïf, aux valeurs morales profondes. Au fil de l'avancée de l'histoire, sa personnalité se forge et en le voyant grandir, on devine celle qu'aura le Spirou adulte
Fantasio a un côté excentrique, prêt à beaucoup de choses pour obtenir un scoop mais sans toutefois franchir le Rubicon que représenterait la méchanceté.

Pour le graphisme, on sent là également le souci de l'auteur de se caser dans l'époque qu'il a choisie. Le trait, la mise en page, les teintes, tout évoque cette période

Un ouvrage intéressant se lisant avec un réel plaisir.

Mimi62 - Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans - 11 mai 2021


J'ai adoré cette BD 9 étoiles

Après tout ce que Shelton en a dit, je ne peux qu'un peu répéter.

Oui pour toutes les allusions faites à Tintin. J'ai aimé trouver ce tout jeune gamin qu'a été Spirou et qui tente de maintenir un rien d'ordre dans les parties de foot des copains du quartier. Comme toujours, en s'interposant il en encaisse des deux côtés !

Le groom en chef est un odieu personnage et vive le grand boxeur, client de l'hôtel qui prend Spirou sous son aile.

Et voilà notre jeune homme qui rencontre une jeune et jolie ukrainienne très consciente du monde dans lequel elle vit et engagée en politique. C'est tout à fait involontairement que notre petit groom va presque devenir un espion.

Oui, la guerre est proche et von Glaubitz parle aux Polonais avec toute l'arrogance nazie. Et voilà qu'arrive un Fantasio journaliste arrriviste.

J'ai beaucoup aimé l'histoire et aussi le côté rétro des dessins.

Un des meilleurs...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 8 septembre 2008


Extraordinaire 10 étoiles

De très loin, c'est le meilleur album de Spirou et Fantasio depuis que Franquin a stoppé la série. Le style est bien sûr radicalement différent: le dessin est volontairement rétro et la reconstitution de la Belgique de 1939 est hallucinante de vérité. L'histoire de coeur de Spirou est émouvante et très belle.

L'album est truffé de clins d'yeux à la bédé, et pas seulement à Tintin. Le petit Maurice qui joue au football, sa tête de vous dit rien? Oui, oui, c'est une caricature de Morris, le dessinateur de Lucky Luke.

Pas grand chose à ajouter aux critiques précédentes, sinon que c'est du grand art, et que Spirou acquiert une dimension humaine dans ce récit qui lui faisait un peu défaut auparavant. Enfin, à mon avis...

Le rat des champs - - 74 ans - 4 mai 2008


Beaucoup aimé, mais pour des raisons différentes... 10 étoiles

On sait et nous avons déjà parlé que les éditions Dupuis ont décidé depuis quelque peu de confier pour une histoire les personnages de Spirou et Fantasio à un auteur de bédé ou un duo… Cette fois-ci, c’est Emile Bravo à qui est revenu cet honneur, car il s’agit bien d’un honneur de passer après le créateur, Rob-Vel, mais aussi des signatures aussi prestigieuses que celles de Jijé ou Franquin sans oublier Tome et Janry… Emile Bravo relève donc ce défi, cela en est un aussi, et il le fait après Yoann, Vehlmann, Le Gall, Tarrin et Yann… Qu’allait-il nous offrir ?
La première surprise, elle est de taille, c’est qu’il a choisi de nous raconter une des premières aventures de Spirou. En effet, et ce n’est pas seulement un choix esthétique, Spirou ne connaît pas encore Fantasio, il travaille bien au « Moustic Hotel », il est groom et il est bien dans sa tenue traditionnelle…
A ce stade, j’ai eu peur de tomber dans les premières histoires car je n’ai jamais trop apprécié les débuts de Spirou avec Rob-Vel. Mais dès le départ, on sent que Bravo va nous raconter tout autre chose en faisant de son héros d’une histoire un personnage en fabrication. Ce n’est pas un véritable ingénu, c’est un jeune homme en devenir et la période choisie, qui correspond bien avec la réalité de la vie de Spirou, est cette période où les Européens croient qu’il est encore possible d’éviter la guerre avec l’Allemagne… Une rencontre secrète aura lieu au « Moustic Hotel » entre une délégation polonaise et un officiel allemand de très haut niveau… Le sort de l’Europe, du monde qui sait, est en train de se jouer…
On pourrait croire qu’Emile Bravo règle ses comptes avec Tintin mais je crois que c’est beaucoup plus subtil que cela. En effet, il y a de nombreuses allusions aux aventures de Tintin et pas seulement le pantalon « civil » que s’offre Spirou et qui fait penser, sans aucune hésitation, à celui de Tintin des heures de gloire. La première, pour moi, est celle où Spirou prend la place de la standardiste de l’hôtel. En effet, Tintin se fait embaucher comme radio à bord du Speedol Star (Tintin au pays de l’or noir) pour mener son enquête… Spirou y apprendra, lui aussi de nombreuses choses même s’il ne les comprend pas tout de suite…
La deuxième grosse allusion est le marché sur lequel il achètera son atlas du monde. En effet, on y voit un vendeur directement sorti de chez Hergé et il a dans son stand une certaine « Licorne » (Tintin et le secret de la Licorne).
Troisième gros hommage, comment appeler cela autrement, Spirou est obligé de prendre la même position que Tintin sur une voiture directement sortie du Lotus bleu tout cela pour suivre le diabolique et infernal Fantasio, transformé pour l’occasion en paparazzi comme certains journalistes dans « Les Bijoux de la Castafiore »… C’en est beaucoup trop pour que ce soit agressif et méchant. C’est bien une façon de saluer Hergé. Mais saluer une lecture d’enfance ne signifie pas pour autant accepter toutes erreurs humaines et politiques de l’auteur belge.
En effet, Emile Bravo en profite pour stigmatiser une partie de la bourgeoisie occidentale – les Belges ne sont pas seuls – qui ne comprend rien aux enjeux de cette période, qui ne comprend pas pourquoi les Juifs sont en danger, qui est prête à faire la paix avec Hitler quelque en soit le prix à payer…
Le côté le plus touchant est de découvrir la première histoire de cœur de Spirou. Souvent on parle des héros de cette époque comme de petits garçons graines de machos… ici, Spirou, en jeune ingénu, je le reconnais, découvre que l’on peut passer du temps avec une belle jeune ukrainienne et ne pas arriver à lui dire sa flamme… mais avec une pointe de rouge sur les joues, quand même !
Enfin, j’apprécie de découvrir comment la conscience est venue à notre ami animal Spip et cela le rapproche, aussi, d’un certain Milou qui a une conscience aussi…
Cette lecture m’a donné beaucoup de joie et je confirme que ces personnages de nos enfances sont beaucoup plus que des amusements. Non, ils sont devenus, les Spirou, Tintin, Gaston, Modeste, Cubitus… les acteurs de nos changements, de nos expériences, de nos apprentissages de la vie et je leur en suis reconnaissant ! C’est toujours avec beaucoup de plaisir que je les retrouve et les accompagne dans leurs nouvelles aventures…

Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 2 mai 2008