La Rose de sable de Henry de Montherlant
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un très grand auteur un rien oublié
Henry de Montherlant a écrit ce livre de 1930 à 1932, après plusieurs voyages en Afrique du Nord. Il ne le publiera que trente cinq ans plus tard.
Ce roman traite de la colonisation et il a estimé, au vu des événements, ne pas pouvoir le publier avant que de Gaulle n'ait mis fin à la guerre d'Algérie.
La famille Auligny est d’origine tout ce qu'il y a de plus moyenne. Mais, si Monsieur ne compte pour rien, Madame est rongée par l’ambition. Petite fille du général Pétivier, elle ne rêve, pour ses enfants, que de la carrière militaire, seule capable de faire de grands hommes à ses yeux. Elle va donc conditionner son fils Lucien et il entrera dans l'armée. Il est faible et mou, ne manifeste aucun talent particulier, sauf celui d’absorber l'enseignement et les conseils de maman.
En 1932, nous retrouvons le jeune lieutenant Auligny qui vient de débarquer à Tanger, nommé au fin fond du bled marocain comme chef de poste. Il est l'exemple type du militaire issu de la petite bourgeoisie et est pénétré de tous les poncifs de son milieu et de son époque. A ses yeux, l’armée remplit ici un vrai rôle de civilisation, les Espagnols sont des dégénérés, les Juifs sont fourbes, les Arabes sont des voleurs et de grands enfants. Seule la France sait en quoi consiste vraiment le rôle de colonisateur et le remplit.
Le voilà à son poste et plein d'entrain ! Mais le temps et ce qu’il va observer vont le bousculer profondément dans ses clichés étriqués et franchouillards. Lucien Auligny est mou, mais honnête et profondément bon. Un long calvaire va s’ensuivre pour lui, car on ne se débarrasse pas en quelques jours de convictions imprégnées en vous depuis des années. Admettre ce qu'il voit, refuser de fermer les yeux, remet tous ses choix en cause…
Dans ce livre, en 1930, Montherlant a vu que la décolonisation était inéluctable, mais il a été encore plus loin en y affirmant que le sort des populations locales serait probablement pire sous l’autorité des siens que sous celle du colonisateur.
Montherlant a toujours jeté sur l'homme un regard sévère et il ne change pas quand il écrit : « L'homme est, d’abord, un animal inconséquent ; il ne paraît conséquent que lorsqu'il s’est « arrangé » pour la galerie. Les caractères qui se tiennent n’existent qu’au théâtre et dans les romans. » Il n’a jamais été tendre pour les femmes non plus et ne varie pas plus : « Une femme sublime, qui est l'honneur de son mari, en est aussi la grande fatigue. » Et le misanthrope réaliste d'ajouter encore : « On n'attaque pas un homme pour ce qu'il est, mais parce qu'on le sait attaqué déjà, et atteint. »
Mais quelle écriture !… J'ai beau adorer celle de Céline, je regrette, quand je lis Montherlant ou Yourcenar, que plus personne ne sache écrire comme cela ! Ecoutez cette phrase : « Et il est certain qu’en un temps où le talent, l’énergie, le savoir-faire, etc., sont si répandus, alors que l’honnêteté est si rare, un personnage aussi amateur du singulier que l’était M. de Guiscart ne pouvait que se ranger du côté de la vertu. »
Le seul reproche que je ferais à ce livre est celui d’être un rien long vers la fin. Les tourments de conscience de Lucien Auligny sont parfois par trop détaillés et répétitifs.
Comme pour un Yourcenar, souligner les phrases intelligentes, dans ce livre, demande un bien long crayon !.
Les éditions
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La rose de sable [Texte imprimé], édition définitive Henry de Montherlant
de Montherlant, Henry de
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782070393169 ; 10,30 € ; 03/03/1995 ; 592 p. ; Poche
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