Secrets : L'écorché : Tome 1
de Florent Germaine (Scénario), Frank Giroud (Scénario), Rubén Pellejero (Dessin)

critiqué par Shelton, le 2 mai 2008
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Très beau, très bien raconté et à lire !
Le principe de cette collection Secrets, créée sur l’initiative de Frank Giroud, est de raconter des histoires mettant en jeu des secrets. Il y a toute sorte de secrets, certains posent d’énormes problèmes aux états, d’autres aux individus, enfin, les derniers sont si terrifiants ou monstrueux pour les individus et leurs familles que l’on prend un malin plaisir à les cacher, les nier, les dissoudre dans le temps… Mais, quand ils ressortent, souvent, cela déclenche un drame.
Cette histoire, racontée en deux beaux albums va nous livrer un de ces secrets et je vais tâcher de ne rien vous en révéler tout en vous parlant de ce travail car j’aimerais vous faire partager le bonheur immense que j’ai eu en la lisant, que dis-je la dévorant ! Vous aurez même une chance que je n’ai pas eue : j’ai du attendre trop longtemps, plus d’un an, pour avoir la suite de mon histoire ! Vous, petits veinards, vous allez pouvoir la lire d’une seule traite puisque les deux volumes sont parus et sont disponibles… profitez-en !
Les auteurs ne sont pas des petits débutants, du moins pour deux d’entre eux. En effet, le scénariste, Frank Giroud, est le créateur de tant d’histoires que l’on ne peut plus toutes les citer. Gardons les principales et contentons-nous du Décalogue, de Quintett, Louis la Guigne et de ces albums époustouflants que sont Azrayen et les Oubliés d’Annam. Pellejero, le dessinateur que j’aime beaucoup, est celui à qui on doit Un peu de fumée, Le silence de Malka, Dieter Lumpen… Reste ce pauvre Florent Germaine, un jeune homme qui s’est vu confier un travail scénaristique avec Giroud. Co-scénariste du grand maître ! Lorsque je l’ai rencontré à Lyon, pour une interview radio, il était encore sous le choc : comment cela avait-il pu lui arriver ? La seule chose dont il était certain, c’est d’avoir rencontré, d’avoir travaillé avec un homme génial et simple. Oui, non seulement Frank Giroud était un grand scénariste mais il arrivait à collaborer avec un jeune sans l’écraser. Signe supplémentaire, s’il en fallait un, de sa grandeur réelle…
Dès le départ de l’histoire, nous sommes plongés dans la répression de la Commune ce qui est assez naturel quand on vous annonce que le récit s’écoulera entre 1871 et 1900, dans la ville de Paris. La fille Préau, plus connue sous le nom d’Alix-la-Rouge, est sur le point d’être fusillée par la troupe régulière. Cette Révolution a assez duré, il faut que l’ordre revienne…
Mais cette série, plus exactement cette histoire en deux volumes, n’est pas consacrée à une aventure politique mais bien à un destin humain, celui d’un garçon, un enfant qui naît dans une famille et qui ne va pas pouvoir y rester…
« Mon fils ! Il est vraiment mon fils, Valère ! Et si j’en avais les moyens je le garderais ».
Mais comme la mère ne peut le faire le pauvre petit garçon se retrouve dans une boucherie, pas sur l’étal, quand même, mais adopté par un boucher et son épouse… Le garçon est affecté d’une malformation dont on ne saura pas grand chose mais qui n’affecte absolument pas ses talents de dessinateur, de peintre… C’est avec le sang qu’il fera ses premières couleurs, peintures et illustrations… ce qui ne l’empêchera pas d’apprendre, aussi, la boucherie comme son « père ».
C’est en devenant de plus en plus artiste qu’il connaîtra ses plus grosses difficultés humaines, qu’il souffrira de plus en plus de son « anomalie » et, qu’enfin, si on peut dire, il découvrira certains secrets que l’on avait voulu lui cacher…
Cet ensemble de deux albums constitue un tableau, comment se priver de cette expression compte-tenu du thème et du talent de l’illustrateur Pellejero, étonnant de la société à la fin du dix-neuvième siècle, du milieu de la boucherie, de celui de la peinture…
Bref c’est à lire de toute urgence par tous les amateurs d’art et de bandes dessinées ! Fresque humaniste de grande valeur !