Un fils de notre temps de Ödön von Horváth

Un fils de notre temps de Ödön von Horváth
( Ein Kind unserer Zeit)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Cafeine, le 5 mai 2008 (Inscrite le 12 juin 2007, 50 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 046ème position).
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d'urgence

Le narrateur et personnage principal se définit lui même comme "un pauvre chien de chômeur" avant de croiser ce qu'il prend pour sa rédemption : l'armée.
Il est devenu un fier soldat ; il est à sa place, il a sa place, le je du mendiant, de l'invisible fait place au nous du soldat parmi les soldats. Les soldats aiment leur capitaine, c'est un "père idéal", quant au sien, il l'abhorre, il est né pour servir, "un larbin du pourboire" qui traine sa jambe boiteuse dans un bar miteux, un symbole de cette foutue défaite de 1918.

Lui, il se définit comme "un fils de notre temps"...jusqu'à la lettre de son capitaine pour sa femme, jusqu'à la découverte de ce qu'est devenue la jeune fille du château hanté qui l'avait tant troublé avant de devenir soldat.

Ce livre sera publié pour la première fois en 1938 à Amsterdam.

Une si belle écriture pour raconter la violence légitimée et l'horreur.

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Les éditions

  • Un fils de notre temps [Texte imprimé] Ödön von Horváth traduit de l'allemand par Rémy Lambrechts préface de Heinz Schwarzinger
    de Horváth, Ödön von Lambrechts, Rémy (Traducteur)
    Gallimard / Collection L'Imaginaire
    ISBN : 9782070779697 ; 7,50 € ; 08/06/2006 ; 154 p. ; Poche
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Un roman en écriture subjective, d'une extraordinaire lucidité sur la montée du fascisme dans les années 30

10 étoiles

Critique de Eric Eliès (, Inscrit le 22 décembre 2011, 50 ans) - 6 décembre 2016

La semaine dernière encore, je ne connaissais pas le nom d’Odön von Horvàth. Aujourd’hui, après avoir lu ce court roman écrit en 1938, je ne peux que renchérir sur le titre de la préface de Heinz Schwarzinger et m’exclamer de même : « Odön von Horvàth d'urgence ! »

Avec des phrases courtes et incisives, qui épousent les élans de la pensée du narrateur, pleine de contradictions et d’hésitations, de fugaces enthousiasmes et d’intuitions subites, ce roman magistralement composé en vision subjective (sauf les dernières lignes) décrit l’errance d’un jeune chômeur allemand qui s’engage dans l’infanterie pour échapper à la misère. Séduit par l’idéal patriotique et l’ambiance fraternelle de l’armée, il parade dans les rues, fier de son uniforme et méprisant secrètement son père (« larbin de pourboires ») qui, ancien soldat blessé pendant la 1ère GM, vivote comme garçon de café et n’a gardé que de l’aigreur envers l’armée.

Le narrateur est un bon soldat et sert avec zèle, comme enivré par le sentiment de puissance que confèrent les armes et l’appartenance à une élite redoutée. Mais il va traverser les apparences… Lors de l’invasion d’un petit pays voisin (où l’action de l’armée est camouflée sous l’apparence d’un soutien apporté par des volontaires allemands à une minorité alliée et opprimée), il est gravement blessé au bras en tentant de secourir son capitaine qui s’était volontairement exposé au feu ennemi. Le narrateur va découvrir que son capitaine n’a pas agi par bravoure mais s’est suicidé, écoeuré par la bassesse criminelle des soldats qui se livrent au pillage et à des exécutions sommaires avec les encouragements de la haute hiérarchie militaire. Au terme d’un lent cheminement psychologique, illuminé par un sentiment d’amour (qu’il tente vainement de refouler) pour une jeune femme qu’il a croisée dans une fête foraine, il va découvrir que les hommes, quand ils acceptent de se dissoudre dans la collectivité et renoncent à exister en tant qu'individus, ne sont plus que des pions au service des puissants (politiciens ou patrons), qui en profitent impunément et les méprisent. Amer, invalide et privé d’espoir, il finira, avant de se laisser mourir, par commettre un crime de révolte contre l’injustice qui triomphe partout autour de lui…

Dans ce roman, court mais très dense, tout a la densité et la complexité de la vie réelle et, en même temps, valeur de symbole. L’auteur n’assène aucune leçon et ne formule pas de grands discours idéologiques ; il se contente de tendre un miroir à la société pour qu’elle se reconnaisse dans le portrait fidèle, ni embelli ni enlaidi, qu’il esquisse à travers son personnage, jeune homme ordinaire avec ses qualités et ses défauts, qui se trouve englué dans une époque sordide qui ne laisse aux hommes aucun espoir d'existence sauf à devenir aussi durs et impitoyables que la vie elle-même…

La lucidité de l’auteur est remarquable, ainsi que son courage pour oser écrire un tel texte, dénonçant le fascisme de l'intérieur, alors qu’Hitler était déjà au pouvoir en Allemagne… Il expose clairement le mécanisme d’adhésion à un idéal nationaliste et révèle comment, à force de frustrations et de déceptions, les Allemands ont accepté d’entrer dans une société militarisée puis ont basculé dans le fascisme. Dans ce roman, tout est dit (sauf la dimension antisémite, qui est peut-être la spécificité du nazisme vis-à-vis du fascisme) et l’absence d’emphase rend cet exposé encore plus efficace. Par sa grande sobriété, qui ne contient pas de condamnation explicite, il cherche simplement à donner à voir avec le souci de dessiller le regard du lecteur. Par ailleurs, le récit dévoile subtilement, sans lourde insistance, la prééminence des valeurs masculines et le machisme de la société. Les femmes (l’infirmière qui soigne le narrateur blessé, la jeune fille congédiée parce qu’elle est tombée enceinte, etc.) sont à la fois des victimes et les seuls êtres encore capables de bonté et d’empathie. A ce titre, le récit me fait parfois songer à une version quintessenciée de « Crime et Châtiment » (qui serait concentrée sur le crime de Raskolnikov et le rôle rédempteur des femmes tel qu’incarné par Sonia) et, aussi, à une sorte de prémonition de la conclusion d’ « Arcane 17 » (dont j’ai fait un commentaire sur CL) où André Breton proclame, au sortir de la seconde guerre mondiale, que la civilisation européenne sera rédimée par les valeurs féminines ou finira par s’anéantir…

C'est un livre qu'il faut lire, car il éclaire l’Histoire, et reste d’actualité en ce temps de résurgence des nationalismes et de crispation identitaire sur des valeurs patriotiques pas toujours bien comprises par ceux qui n’ont qu’elles à la bouche…

"Je suis soldat. Et ça me plaît d'être soldat."

8 étoiles

Critique de Smokey (Zone 51, Lille, Inscrite le 12 août 2008, 38 ans) - 17 août 2008

Dans cette Allemagne détruite par la crise économique, le narrateur décide de s'engager dans l'armée dans les années 30.

On découvre en filigrane le rôle puissant qu'a joué le nazisme en Allemagne afin de lui faire retrouver sa puissance:

"Un empire fort et puissant, un exemple éclatant pour le monde entier!
J'aime ma patrie depuis qu'elle a retrouvé son honneur! Car à présent, moi aussi je l'ai retrouvé, mon honneur!
Je ne suis plus obligé de mendier, je n'ai plus besoin de voler!
Aujourd'hui, tout a changé."

Bonne lecture!

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