Bloc H ou la ballade de Colm Brady
de Roger Faligot

critiqué par Bertrand-môgendre, le 10 mai 2008
(ici et là - 69 ans)


La note:  étoiles
Là où H est synonyme de cognée
Présentation de l'éditeur :
Dans Bloc H, Roger Falligot rompt avec le document ou l'essai, et nous propose un envoûtant roman dont la violence ne peut que s'être développée en ville. Une ville : Belfast.
Celle des grévistes de la faim, tragiquement célèbres aujourd'hui.

Extrait choisi par l'auteur :
"La porte à demi ouverte.
Rien de moins étonnant dans ce quartier de New Lodge, à Belfast, en pleine journée.
Sauf à quatre heures du matin.
En la poussant légèrement, le visiteur pénètre dans un étroit couloir, tapissé d'un vieux papier à fleurs verdi par l'humidité.
Une petite table teintée au brou de noix, rehaussée d'un miroir piqué de haute taille que surplombent des gros clous de bois en guise de portemanteau.
Au fond du couloir, face à la porte d'entrée, un escalier exigu de bois peint "jaune-cassé" vous happe immédiatement.
La première porte du hall, à droite, donne dans un petit salon propret, aux murs décorés de façon hétéroclite au fil des voyages dans le temps ou à l'étranger. De vieilles photos de mariage, des écussons de bois verni gravés d'un phoenix ou d'autres symboles, manifestement confectionnés dans les camps de prisonniers par ceux de l'armée républicaine irlandaise, l'IRA. "

Mon commentaire :
Ma balade irlandaise, après Sorj Challandon et son traitre, Michel Déon et sa vision plus "bucolique ", Faligot lance son regard sombre sur l'incarcération des Irlandais, qui refusèrent de se considérer comme prisonniers de droit commun, en "s'affligeant " le statut de prisonniers de guerre, puis prisonniers politique. Ils restèrent des années durant, nus dans leurs cellules, isolés, maltraités, convaincus du bien-fondé de leur lutte qui n'avait reçu aucune consigne de la part de l'IRA, ou autre groupuscule révolutionnaire.
Un mouvement trouvant son apogée lors de la grève de la faim des plus convaincus d'entre eux, qui les mena jusqu'au seuil de leur dernier combat : la mort.
Celle de Bobby Sands (en mai 1981), et des nombreux autres prisonniers, n'étaient pas encore connues de l'écrivain qui publia son ouvrage en mars 1981.

Faligot a réussi à me plonger dans cet univers humide, froid, brutal, dépassant le réalisme descriptif qui caractérise sa plume de journaliste, en empruntant le coeur de ses hommes et femmes déterminés dans leur combat contre l'Angleterre, avec sa célèbre dame de fer.
Faligot s'est recouvert de la peau des prisonniers, éprouve avec eux les morsures des coups portés sur les chairs affaiblies, partage le quotidien douloureux de l'isolement uniquement dérangé par l'apprentissage du morse, un moyen de communiquer entre les détenus.
Heureusement, le dimanche, la cérémonie religieuse les rassemble, leur donne la possibilité de se voir, de se toucher, de se rendre compte de la décrépitude avancée de leur condition extravagante.
L'intérêt du livre passe par le personnage de Colm Brady qui, innocent, se laisse enfermer, espérant ainsi trouver un idéal à sa vie tristement banale.
Un témoignage prenant, décrivant une Irlande révoltée, fière, déterminée dans ses convictions dans la lutte, acharnée à trouver la justice devant le tribunal des hommes.
L'écriture de Faligot, n'a rien d'exceptionnel, si ce n'est la qualité d'une plume précise, soucieuse du détail et de la dramatisation d'un évènement insoutenable.(bertrand-môgendre)