Suttree de Cormac McCarthy
( Suttree)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Où est passée la magie ?
Depuis sa sortie de prison, Suttree vit sur les berges de la rivière Tennessee, dans la banlieue de Knoxville. Il habite une cabane sur un ponton et vit d’un peu de pêche. Ses errances imbibées d’alcool le font zoner sur les marges de la société américaine des années 50. Il côtoie des repris de justice, des paysans misérables, des chômeurs, des clochards et des chiffonniers… Toute une microsociété pittoresque qui aurait pu servir de cadre à une vaste fresque épique à la Faulkner, Kérouac ou Dos Passos. Malheureusement, on en est fort loin.
Pour une fois, le grand Cormac McCarthy se montre décevant. Une accumulation de descriptions aussi verbeuses qu’inutiles. Un style qui alterne entre l’ultra précieux quasi proustien et le plus bas niveau du vulgaire. Daté de 1979 et mis en chantier au moins vingt ans plus tôt (l’éditeur annonce que l’auteur a travaillé vingt ans pour produire ce pavé indigeste), on sent que le style, la poésie et le souffle épique est encore à l’état d’embryon et que la chrysalide ne s’est pas encore transformé en papillon. Où donc est la magie du grand maître ?
Tout ce qui peut agacer ou étonner sur la planète McCarthy est là poussé à l’extrême et le lecteur mesure tout le chemin restant à parcourir pour atteindre à la simplicité et à l’efficacité de « La route » ou « Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme ». Simple accumulation de micro évènements sans grand intérêt, jamais reliés les uns aux autres. Pas vraiment d’histoire, une galerie de personnages dont la plupart ne reste présente que quelques pages. Sans intérêt, sans consistance, un peu comme des fantômes et pour lesquels le lecteur n’arrive absolument pas à ressentir la moindre empathie. Ils sont fainéants, laids, sales, alcooliques et miséreux. Ils naviguent dans une histoire qui n’en est pas une. Le tout dans un style prétentieux et amphigourique. 620 pages qui vous tombent des mains !
Les éditions
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Suttree [Texte imprimé], roman Cormac McCarthy trad. de l'américain par Guillemette Belleteste et Isabelle Reinharez [présentation par Pierre-Yves Pétillon]
de McCarthy, Cormac Pétillon, Pierre-Yves (Préfacier) Reinharez, Isabelle (Traducteur) Belleteste, Guillemette (Traducteur)
Seuil / Points (Paris).
ISBN : 9782020309622 ; 2,98 € ; 19/03/1998 ; 619 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (3)
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L’autre Amérique
Critique de Chene (Tours, Inscrit le 8 juillet 2009, 54 ans) - 27 décembre 2014
Suttree est ce personnage en errance, peut-être, un peu plus intelligent que les autres vagabonds, dans une ville moyenne du Tennessee, Knoxville.
Il pêche, au jour le jour, des poissons-chats dans la rivière et les revend à des poissonniers sur des marchés pour survivre. Il gagne, à peine 2 ou 3 dollars...
Il fréquente les laissés pour compte de la société américaine, tout le peuple d’en bas, des hommes sans éducation, ni instruction, comme s’ils avaient été poussés dans le monde sans repères, ni foi. Des individus qui se mettent sans cesse dans le pétrin et qui montent des plans foireux.
Ils ont pour seul horizon, les bars, l’alcool, la misère à perte de vue, la déchéance, la prison ou la mort.
Le roman est totalement empreint de noirceur (mais ça c’est Cormac McCarthy et c’est pour ça qu’on l’aime).
Les descriptions de la nature avoisinante sont froides, tristes et sombres. La campagne semble presque hostile.
Le style est entaché de quelques répétitions de vocabulaire et le récit semble long et ennuyeux, malgré quelques passages géniaux. Mais c’est ça la poésie de Cormac McCarthy.
Néanmoins, j’ai préféré dans le même genre : « demande à la poussière » de John Fante pour l’humour, ou « le peuple d’en bas » de Jack London ou bien « encore une nuit de merde dans cette ville pourrie » de Nick Flynn.
Dans l’ensemble, après 618 pages, Suttree me laisse un sentiment de vide et d’inachevé.
Qu’est-ce qu’il ressort de ce portrait de Suttree ? Un témoignage sur la misère filmé caméra aux poings ?Une vision désenchantée de l’Amérique ? Un document sur tous ceux qui restent sur les bas côtés de la route de la réussite et de la fortune ?
Je laisse Cormac McCarthy me répondre :
« La berge misérable, la rivière engorgée d’ordures et l’immense vide du monde au-delà ».
Une oeuvre magistrale !
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 10 novembre 2014
Suttree pêche le poisson-chat. Le Tennessee en regorge à l'image de la charogne qui infeste les berges du fleuve. Lui et tant d'autres tentent de survivre comme ils peuvent dans le merdier de leur environnement.
Des laissés pour compte, vivotant entre magouilles et petits boulots.
Suttree est un homme blessé mais profondément généreux, toujours prêt à tendre la main et à vivre de nouvelles rencontres.
D'une saison de pêcheur de moules avec une famille ultra catholique, à l'aide précieuse prodiguée au jeune Harrogate lors de son séjour en prison, d'une séance de sorcellerie à ses nombreuses visites à ses amis indigents, Suttree nous entraîne dans ses pérégrinations inattendues.
Un roman époustouflant, intelligent et puissant.
McCarthy signe un véritable chef d'oeuvre.
Le personnage central (Suttree) vit parmi les parias, les plus pauvres des pauvres, avec un apparent détachement et leur porte un réel réconfort moral en partageant de brefs instants de leurs vies fracassées.
On se prend à le comparer au Christ (... ) tant sa dévotion est forte.
L'Amérique des oubliés, des petites gens qui passent sans laisser de trace et qui tentent de noyer la douleur dans l'alcool.
Une écriture et un style exceptionnels au service d'un thème puissant .
Un très, très grand roman !