Deux voix pour une école de Marielle Court, Xavier Darcos, Philippe Meirieu

Deux voix pour une école de Marielle Court, Xavier Darcos, Philippe Meirieu

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Shelton, le 15 mai 2008 (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans)
La note : 9 étoiles
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Faut-il changer l'école ? Comment changer l'école ?

Oui, c’est certain, nous vivons une période où les questions d’éducation se retrouvent au cœur du débat public, pour ne pas dire plus compte tenu des différentes voix qui se font entendre de façon plus ou moins modérée… Déclaration, discours, inquiétudes et manifestations sans oublier des grèves avec ou non un service minimum…
Tous les parents entendent cela avec au cœur une grosse angoisse, indiscutable et bien compréhensible, celle de savoir comment sortira leur enfant de cette période passée dans l’institution Education Nationale… Avec ou sans métier ? Avec ou sans emploi ? Avec ou sans moral ?
Elles sont bien loin les questions de programmes auxquels les parents ne comprennent pas grand chose, sans évoquer les délicates confrontations linguistiques et culturelles qui semblent d’un autre monde et qui pourtant agitent bien des têtes…
Pouvait-on imaginer un ouvrage grand public qui aurait permis d’éclairer le débat en permettant à deux tendances opposées de s’exprimer ? Oui, mais il fallait trouver deux intervenants de qualité, experts du domaine, vulgarisateurs, communicants et accessibles au plus large public, celui des parents en tout premier lieu…
Les éditions Desclée de Brouwer ont relevé le pari en 2003, en choisissant Xavier Darcos, militant UMP, ancien conseiller auprès du ministre de l’éducation Bayrou [il n’est pas encore ministre de l’éducation nationale] et Philippe Meirieu, père spirituel des IUFM et homme de gauche. Ce débat entre deux personnes acceptant la confrontation sans haine mérite d’être ressorti aujourd’hui car tout ce qu’ils posent comme questions, toute leur réflexion sur l’éducation et les ébauches de réponses aux angoisses parentales, sont encore d’actualité comme vous allez vous en rendre compte…
On va parler, par exemple, des enseignants, acteurs incontournables de l’éducation scolaire. Xavier Darcos déclare qu’il faut profiter du départ à la retraite d’un grand nombre de professeurs (la moitié en cinq ans) pour mieux les recruter (ce qui laisserait à penser que certains professeurs étaient mauvais ou aux limites de la compétence). Philippe Meirieu, lui, déclare qu’il est temps de redonner au métier d’enseignant plus de dignité, plus de noblesse… Et, finalement, ces deux visions ne sont pas incompatibles, loin de là, puisque l’on peut mieux recruter tout en changeant l’image de marque de cette profession…
En fait, nos deux hommes, sans être strictement en phase, ont envie de moderniser l’école, la rendre meilleure pour les apprenants comme les enseignants, pour qu’enfin l’école soit un lieu de réussite des individus…
Mais, alors, où se situeraient les différences entre leurs deux visions ?… J’en ai au moins rencontré une dont j’ai moi-même beaucoup parlé tout au long de mon cursus pédagogique avec les enseignants que j’ai eu dans mon équipe : qui doit être au centre de l’école, au cœur des attentions ? L’enseignant ou l’apprenant ? Philippe Meirieu dont je partage le point de vue nous rappelle que tous les grands pédagogues, ceux qui ont fait l’admiration de leurs contemporains, ont placé l’apprenant, l’enfant, le collégien, l’élève au cœur du dispositif. Contrairement à ce que l’on dit, ils ne prenaient pas les plus faciles, les plus dociles, mais plutôt ceux qui étaient déjà en échec, des graines de bandits, des sauvageons dont certains seraient bien plus terribles que les enfants dit à problèmes dans certaines banlieues. Mais, voilà, ces « maîtres » avaient décidé de tout mettre en œuvre pour leur donner une véritable chance d’apprendre… Alors, quand Xavier Darcos déclare que nous avons là une utopie, Philippe Meirieu déclare, je le cite : « dans une démocratie, le ministère de l’éducation nationale devrait être le ministère de l’Utopie – l’utopie fondatrice de toute espérance, celle d’une culture émancipatrice de tous les hommes ». Et de rappeler à Xavier Darcos la phrase d’Edgar Morin : « La plus grande utopie, c’est de croire que l’on peut se passer d’utopie ».
Que répond Xavier Darcos ? Il dit que l’Utopie peut exister, mais qu’il faut aussi poser une action ministérielle sur un budget bien concret et on reconnaît bien, là, la façon dont aujourd’hui on déclare que le ministère de l’Education Nationale doit participer à l’effort budgétaire national… Mais, peut-on jouer sur cet investissement humain ? Est-il légitime de considérer le ministère des Anciens Combattants comme celui de l’Education Nationale (je parle ici du pourcentage du budget à économiser) ?
Il est évident que chacun retiendra l’un ou l’autre des intervenants comme plus pertinent, telle idée comme meilleure, tel objectif comme plus crédible… mais tous les lecteurs ressortiront de cette rencontre livresque avec plus de connaissances sur la question et appréhenderont avec plus de sécurité le débat sur l’éducation qui secoue la France…
La note donnée correspond à la qualité du débat, de l’écriture et l’intérêt des sujets abordés et non à une adhésion à tous les propos lus…
[Je suis moralement obligé de reconnaître pour être parfaitement honnête que j’appartiens à ceux qui durant leurs études en sciences de l’éducation ont eu une influence directe de Philippe Meirieu, homme que j’admire profondément].

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