Le Grand Jeu, Tome 1 : Ultima Thulé
de Jean-Pierre Pécau (Scénario), Leo Pilipović (Dessin)

critiqué par Shelton, le 25 mai 2008
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Une autre guerre mondiale !?
[présentation de la série à travers le premier album]

Imaginez, un instant, au moins, que l’histoire ne se soit pas déroulée comme on vous l’a appris à l’école… Le second conflit mondial a bien commencé en 1939, mais les alliés ont remporté la guerre très rapidement, les Russes ne se sont pas alliés avec les Nazis, Hitler s’est suicidé dans sa villa des Alpes bavaroises, les nazis sont restés au pouvoir et une paix instable s’est installée dans la moitié du monde… Le conflit continue entre l’Allemagne et la Russie… Certes, c’est bien de la fiction, mais ce n’est pas plus absurde que de transformer tous les princes de la Renaissance en misanthropes, en chefs d’entreprises avisés ou en banquiers généreux… Nous voilà donc dans un monde inconnu, celui de mai 1945, instant de départ de cette nouvelle aventure scénarisée par Jean-Pierre Pécau.
Jean-Pierre Pécau est un scénariste de la maison Delcourt et Guy Delcourt a découvert là un raconteur d’histoires déjantées d’une très grande qualité. On lui doit, en particulier, la série que j’adore, « Arcanes », qui permet de comprendre comment le sort du monde s’est joué, au vingtième siècle, grâce à quelques cartes et, surtout, quelques joueurs atypiques… Devant le succès rencontré l’univers d’Arcanes s’est étoffé avec « Arcane majeur » puis l’« Histoire secrète ». Le principe restait le même : redécouvrir l’histoire du monde à travers la réalité des cartes de chance qui circulaient et qui expliquaient les événements d’une façon différente… Certains lecteurs, j’en suis, ont adoré le principe de la série, d’autres ont trouvé le procédé trop dangereux et perturbateur pour les lecteurs qui n’avaient pas assez de bases en histoire. Je comprends bien l’interrogation et les risques potentiels, aussi, dès le départ de la présentation de cette série « Le grand jeu », je vous précise bien que nous sommes en présence d’une série de fiction ! Ce n’est pas une série historique même si de très nombreux personnages sont tout droit sortis de notre histoire : le colonel Rémy, Jacques Bergier ou Pierre Lazaref par exemple !
Le second point que nous allons préciser c’est que cette fiction est accompagnée d’un mécanisme de fantastique qui est très cher à Jean-Pierre Pécau. Oui, certains personnages peuvent être confrontés à des forces hors-normes qui relèvent d’une forme de magie (d’ailleurs plus noire que blanche) et je ne veux pas parler, ici, de ce super héros improbable, la « Francisque »…
A côté de ces deux aspects, fiction et fantastique, la série offre une grande richesse au niveau de la construction politique et humaine. Le scénariste n’hésite pas à entrer dans de longues (pour ceux qui n’aiment pas les textes trop longs en bande dessinée) considérations sur la démocratie, la liberté, les régimes politiques, le nazisme, le communisme… et c’est, pour moi, une grande force de cette série. Je rassure les grands amateurs d’aventures pures et dures, certaines séquences sont toniques, rapides, violentes et dignes de certains comics…
Ce dernier point n’est pas surprenant car la série est éditée sous le label « série B », c’est à dire sous la direction éditoriale de Fred Blanchard et Olivier Vatine, deux spécialistes et amateurs des comics…
Mais, revenons, si vous le voulez bien, c’est à dire si je n’ai pas encore réussi à vous faire peur d’ouvrir cette série et son premier album, « Ultima Thulé », à notre histoire proprement dite. Le dirigeable commercial d’Air France, le Charles De Gaulle, réalise son vol inaugural en passant au-dessus du pôle nord… C’est une population triée sur le volet qui a pris place à bord et qui s’apprête à fêter dignement ce passage au grand nord… Soudain, un phénomène électrique nommé feux de Saint-Elme se déclenche et nous assistons, impuissants, à un crash meurtrier… Une telle catastrophe entraîne une enquête officielle, mais aussi, suscite des questions de toutes les agences de renseignements de cette planète, donc qu’elles soient communistes, alliées, nazies… et vous voilà entrés de plein pied dans cette série… Le Français qui sera, sinon le personnage principal, notre guide fidèle est un journaliste, Monsieur Nestor Serge… Personnage entier, plutôt sympathique, qui fait fonctionner alternativement son cerveau et ses poings et qui a été un héros de la guerre contre l’Allemagne de Hitler…
La narration graphique est de très bonne tenue avec un dessin qui est ancré résolument dans le réalisme mais un réalisme qui bascule rapidement dans un mystérieux épais dès que le scénario l’exige… Certaines planches sont tout simplement exceptionnelles comme la troisième, accident de dirigeable, les trente-septième, trente-huitième et trente-neuvième planches sur le port de Hambourg… sans oublier quelques grands moments dans le second album, « Les dieux noirs », qui, lui aussi, est déjà sorti en librairie…
Alors maintenant, une question demeure, que va découvrir l’expédition de secours du Charles De Gaulle, celle dans laquelle se trouve notre ami Nestor Serge… Mais, en même temps, si je vous disais tout, quel plaisir auriez-vous à lire ces albums de bandes dessinées ? Donc, courage, partez à l’aventure… J’en reviens juste et j’ai beaucoup aimé…
Seul inconvénient, les deux premiers albums ne clôturent pas l’histoire ni la guerre… Il faudra encore attendre un peu…
Modèle du genre 9 étoiles

enfin une série de très grande qualité dont l'originalité, la force du scénario, le dessin vraiment de bonne facture sont les atouts majeurs. L'histoire une nouvelle fois revisitée, mais cela reste très plausible sur le plan historique, avant que le paranormal ne s'en mêle. La trame est très bonne. Vraiment à conseiller.

Liresousunsaule - - 50 ans - 3 février 2010