Condamnés à la prison ?
de Collectif

critiqué par Bolcho, le 29 mai 2008
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
« Ecrits sur un monde caché »
Luk Vervaet, enseignant en milieu carcéral et militant de gauche inépuisable, rassemble dans ce numéro de la revue « Contradictions » divers écrits centrés sur la prison. Il cite dans sa présentation l’écrivaine indienne Arundhati Roy : « Pendant que l’élite poursuit son voyage vers une destination imaginaire, quelque part au sommet du monde, les pauvres gens sont pris dans la spirale du crime et du chaos… ». Et il ajoute : « Observés par les yeux des pauvres de la planète, nos pays ressemblent de plus en plus à de grandes forteresses surarmées. Leurs yeux nous voient (…) comme des pourvoyeurs d’injustice, de violence et de barbarie ».

Il est parfois utile de mettre les choses en perspective et – s’agissant d’un sujet aussi médiatiquement porteur que la prison – de garder à l’esprit que les fauteurs de crimes les plus odieux ne sont pas forcément sous les verrous…

Dix-huit contributions pour ce numéro sur les prisons. Cela va d’éminents professeurs d’université (Loïc Wacquant, Kristel Beyens, Joe Sim), jusqu’aux personnes directement concernées (anciens condamnés, membres de la famille), en passant par divers acteurs de la Justice ou de la peine (avocats, visiteurs de prison, enseignants en prison, psy…). Et on est loin, très loin des idées toutes faites qui circulent dans les medias.

Quelques constats qui donnent à réfléchir :
- Loïc Wacquant, parlant de la « (dé)composition du prolétariat urbain à l’ère du néolibéralisme ascendant », dénonce « la cristallisation d’un régime politique libéral-paternaliste, qui pratique le ‘laisser-faire et laisser-passer’ en haut de la structure des classes (…) et le paternalisme punitif en bas »
- « Les minorités qui sont plus souvent fichées pour des délits et se retrouvent plus souvent en prison, se caractérisent également par l’exclusion sociale et économique » (K. Beyens)
- « Les procédures formelles et informelles auprès de la police et de la justice se déroulent systématiquement au détriment des minorités ethniques » (K. Beyens). Ce n’est pas qu’une affirmation, l’auteur le démontre chiffres à l’appui.
- « 1% de la population mondiale détient aujourd’hui 90% de la richesse totale. C’est plus que jamais ce fossé apocalyptique entre riches et pauvres qui alimente au plan mondial la criminalité et le commerce international de drogues et d’armements » (Luk Vervaet)
- La possibilité d’incarcérer moins n’est pas porteuse électoralement. Une partie du monde politique surfe sur la vague du ‘sécuritaire’ » (Delphine Paci)
- « Le détenu moyen est né dans un milieu socio-économique tel que les sirènes de la société de consommation sont toutes-puissantes (…). Il faudrait pouvoir « donner aux détenus les moyens culturels pour qu’ils puissent aller chercher leur plaisir ailleurs que chez les mercantis » (asbl ADEPPI)
- Joe Sim est un peu la voix des abolitionnistes. Il rappelle que la prison coûte très cher à la société et que ces sommes pourraient être affectées à la prévention de la délinquance avec beaucoup plus de succès. Il pointe lui aussi la responsabilité d’une « société qui reste fortement inégalitaire de par la répartition des richesses, du revenu et des opportunités sociales ».
Et la quatrième de couverture :
Le pays « le plus libre du monde » a aussi le nombre le plus élevé de prisonniers. « Pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis », écrit le New York Times du 28 février 2008, « plus d’un adulte sur cent est derrière les barreaux »… L’Europe glisse aujourd’hui vers le modèle américain. Sommes-nous condamnés à la prison ?
Ouverture et justesse 8 étoiles

Ce n'est vraisemblablement pas évident de sensibiliser la population sur un sujet qu'elle préfère éviter de regarder sous plusieurs angles. Et on pourrait presque comprendre qu'elle l'évite, quand les médias, la société, ne lui en donnent pas les meilleurs moyens ni l'envie. Installent un sentiment d'insécurité.
Il n'y a pas de jugement dans cette constatation. Quel que soit notre point de vue, la population, c'est nous.

Un collectif sensible et juste, qui n'apporte pas une opinion monolithique sur le sujet mais bien des pistes de réflexions issues de regards multiples, concernés à différents niveaux. Nous rappelle que nous sommes dans une société de consommation, de libéralisme en croissance, et que la tendance gouvernementale à agir dans une forme de "behaviorisme" contre la criminalité n'est peut-être (sans doute) pas la meilleure solution. Agir sur les symptômes et pas les causes rassure-t-il la population?

Un ouvrage vraiment intéressant, qui prône l'ouverture et non la stigmatisation.

Bluewitch - Charleroi - 45 ans - 11 novembre 2008