La mort de Vishnou
de Manil Suri

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 25 juin 2008
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
Transcendant
Sur le palier qui sépare les résidences de la famille Asrani et la famille Pathak, habite Vishnou, un vieillard alcoolique au seuil de la mort. Ce palier, c’est un droit acquis ! Il y est échoué depuis si longtemps que tous doivent respecter cette réalité et veiller au « bien-être » du « vénérable » invité. Heureusement, puisque l’homme en question est peut-être la dernière incarnation du Dieu hindou Vishnou ?

Alternant entre l’humour et le tragique, l’auteur dresse un portrait saisissant des mœurs de l’Inde. La rivalité entre les deux familles est utilisée pour illustrer les différentes facettes d’une société complexe, basée sur des castes. Contraste entre pauvreté et classe moyenne – confrontation de nature religieuse – modernisme versus tradition – sont parmi les thèmes abordés. En fait, l’édifice de Bombay, au centre des histoires inter-connectées, est un microcosme pour la carte ethno-politique du pays.

Kavita, la fille des Asrani cause tout un émoi lorsqu’elle tombe amoureuse du garçon musulman des Jalals à l’étage supérieur plutôt que l’ingénieur choisi pour elle. A partir de ce moment, l’équilibre fragile est perturbé. Au fur et à mesure que Vishnou quitte son corps et s’élève, le roman impressionne par son mélange de lyrisme – dans les visions de M. Jalal à la recherche de la foi – et la nostalgie de l’expérience humaine – dans les souvenirs de Vishnou pour son grand amour Padmini.

Oui, c’est un bouquin qui demande que l’on s’investisse, notamment car il faut se référer au glossaire des mots hindous. Mais, c’est aussi une œuvre assez forte pour affecter l’âme du lecteur. Pour une rare fois, un écrivain lie la spiritualité à la vie terrestre tout en conservant une certaine clarté. De plus, la jolie prose est souvent ironique et imagée. Un premier effort remarqué, à juste raison.


(Prix McKitterick, Prix B&N)